Accueil Emploi La vague des licenciements dans la tech reflue

La vague des licenciements dans la tech reflue

Depuis janvier 2022, l’industrie high-tech a supprimé plus de 370 000 emplois dans le monde. Une flambée inédite de plans sociaux qui semble en passe de se terminer.

Qu’il s’agisse de recruter ou de dégraisser, les GAFAM ne font pas les choses à moitié. Entre novembre 2022 et mars 2023, les géants du numérique ont, à aux seuls, procédé à quelque 51 200 licenciements. Meta, la maison mère de Facebook, a ouvert le bal en supprimant 13 % de son effectif le 9 novembre dernier suivi quelques jours plus tard par Amazon et Microsoft. Google aura, lui, attendu janvier pour annoncer la destruction de 12 000 emplois, soit 6 % de sa masse salariale.

Evolution du nombre de plans sociaux depuis janvier 2022. Crédit Layoffs.fyi

Le site américain Layoffs.fyi qui tient ce sinistre décompte se montre toutefois optimiste. Graphique à l’appui, il montre que le nombre de plans sociaux dans l’industrie high-tech baisse régulièrement ces derniers mois après avoir un connu un pic en janvier. Les derniers trains de licenciements recensés par Layoffs.fyi concernent des sociétés de plus petite envergure dans l’e-santé (23andMe, Cityblock Health) ou la cybersécurité (Expel, Opora) et ne portent que sur quelques dizaines d’emplois.

Les 15 principaux plans sociaux.
Crédit Layoffs.fyi

La bombe à retardement de la crise Covid

Dans un article très précis, Le Monde a retracé la cinématique de cette vague de licenciements, inédite par son ampleur. La crise sanitaire a rattrapé l’industrie de la tech avec un temps de retard. Quand la pandémie éclate début 2020, le monde est l’arrêt. En première ligne, les plateformes de VTC (Uber, Lyft) et d’hébergement (Airbnb, Booking) voient leur activité fortement pénalisée et licencient massivement.

Le Covid fait aussi des heureux. Des acteurs du numérique surfent notamment sur la généralisation du télétravail. C’est la cas des spécialistes du collaboratif et de la visioconférence comme Microsoft, Google ou Zoom qui voient le nombre d’utilisateurs de leurs plateformes croître de façon exponentielle. Les e-commerçants comme Amazon profitent, eux aussi, du confinement et de la fermeture de magasins physiques.

La Big Tech recrute à tour de bras et se livre à une guerre des talents d’autant plus exacerbée que le phénomène dit de Grande Démission (Big Quit) provoque une flambée des salaires. « Les cours de Bourse des sociétés concernées s’envolent, dopés par la « folie Covid » et l’argent gratuit », note Le Monde. Une bulle Covid qui éclatera en 2022 touchant les startups qui peinent à lever des fonds puis les géants du numérique. Le Nasdaq recule de plus de 30 %.

Au-delà de la baisse des budgets dans le numérique des entreprises ou du recul de la publicité en ligne, chaque acteur a des raisons propres pour licencier. Meta paie ses investissements dans le métavers, jugés inconsidérés par le marché. Google est pénalisé par son retard sur le marché de l’intelligence artificielle générative dans le contexte d’effervescence autour de ChatGPT. Porté sur d’autres ressorts économiques et bénéficiant d’une trésorerie confortable, Apple sera le seul mastodonte à ne pas licencier.

L’IA générative, à la fois promesse et menace sur l’emploi

Entre-temps, le cours du Nasdaq aura repris le chemin inverse. Depuis janvier, l’indice des valeurs de la tech de Wall Street a gagné plus de 26 %. Le marché est emballé par les perspectives offertes par l’IA générative mais aussi les subventions publiques massives pour soutenir la fabrication souveraine de semi-conducteurs sur le sol américain et européen.

Le Monde met, par ailleurs, en regard les plans sociaux de 2022 et début 2023 avec l’envolée des effectifs constatée entre 2018 et 2022. Durant cette période, le journal rappelle que Google a presque doublé de taille, Amazon a créé un million d’emplois tandis que Meta passait de 36 000 à 86 000 salariés et Microsoft, de 131 000 à 221 000 collaborateurs.

La prochaine menace sur l’emploi pourrait venir d’un monstre créé par la Silicon Valley elle-même. Les études se multiplient pour avertir des conséquences sociales de l’IA générative. Goldman Sachs estime notamment qu’elle pourrait conduire à l’automatisation de l’équivalent de 300 millions d’emplois à temps plein et impacter un quart des emplois dans les pays avancés.

Ironie de l’histoire, les informaticiens font partie des professions menacées avec la génération automatique de code. Le marketing ou le service client sont également concernés. Outre-Manche, British Telecom (BT) a récemment indiqué que l’introduction de l’IA dans ses activités pourrait entraîner la suppression de l’équivalent de 10 000 postes.

 

Xavier Biseul