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Intelligence artificielle et nouveaux métiers – « La golden économie va prendre une ampleur significative », Jérémy Harroch, Quantmetry

Une récente étude de l’Institut Sapiens montre que l’avènement de l’intelligence artificielle va provoquer la disparition de métiers dans des domaines comme la banque, l’assurance, la comptabilité ou des caissiers dans la grande distribution. A contrario, certains experts estiment que, loin d’être synonyme de crise sociale massive, l’Intelligence Artificielle représente une opportunité incroyable. Jérémy Harroch, mathématicien, statisticien, et fondateur et PDG de la société Quantmetry, spécialisée dans l’intelligence artificielle et le big data, a donné à Solutions Numériques son avis sur le sujet.

 

Solutions Numériques : Quels métiers sont menacés par l’Intelligence artificielle et quels sont ceux qui ne le sont pas ?

Jérémy Harroch : Très peu de métiers ne seront pas impactés par l’Intelligence artificielle et très peu vont énormément changer. Parmi ceux sur lesquels elle n’aura aucune influence, on trouve les métiers créatifs. Jamais un violoniste ne sera remplacé par un robot. Les métiers où l’humain prédomine, comme celui de psychologue, ne sont pas plus menacés.

Par contre, l’Intelligence artificielle remplacera à terme intégralement les chauffeurs de voiture, de camion et de taxis. On oubliera un jour totalement que cette profession existait, la voiture autonome ayant vocation à se développer dans tous les pays industrialisés. La saisie comptable a également vocation à disparaître du registre des métiers de la comptabilité. La fonction de comptable va profondément se transformer pour devenir un métier d’analyse.

S. N? : Quels nouveaux métiers apparaîtront ?

J. H : Evoquons en premier lieu les métiers qui devront s’adapter à l’Intelligence artificielle. Par exemple, le médecin de ville, très indépendant et autonome, sera de plus en plus formé à son métier de façon collaborative. Il devra s’appuyer sur des logiciels d’intelligence artificielle, qui l’aideront à prendre des décisions et l’éclaireront en comparant les pathologies. Ces logiciels remonteront également des alertes dans le parcours des patients pour s’assurer que les soins adéquats sont dispensés au bon moment.

Dans le registre des nouveaux métiers, la « golden économie » va, à mon sens, prendre une l’ampleur significative dans les années à venir. Elle recouvre toutes les professions liées aux personnes âgées et à leurs aidants. Très peu développés aujourd’hui car très dépendants du facteur humain et très lourds à porter, ces métiers s’amélioreront fortement avec l’arrivée des capteurs et de l’IA. Ces technologies favoriseront l’hospitalisation et le maintien à domicile grâce au télédiagnostic et la télésurveillance. En exploitant les données du parcours du patient, l’IA contribuera tout autant à réformer le système de santé pour qu’il coûte moins cher aux contribuables et soit plus efficace.

S. N. : Face à ces changements, que conseiller aux étudiants qui doivent choisir leur orientation ?

J. H. : Ne pas savoir coder me paraît inenvisageable pour des jeunes qui entrent sur le marché du travail et ont une appétence pour l’informatique ou les sciences de l’ingénieur. A ceux qui se sentent très loin de cette discipline mathématique et n’ont aucune envie de faire du code, je conseille d’acquérir des notions de base sur l’économie digitale. Ils doivent intégrer ce qu’elle change dans les façons de penser et les modes de travail. Ils doivent aussi prendre conscience de l’influence des réseaux sociaux et du rôle du digital dans l’expérience utilisateur.

Je ne peux qu’encourager les jeunes générations à s’inscrire dans les universités et écoles proposant des masters ou autres formations en intelligence artificielle. Le marché de l’emploi est très tendu dans le numérique, avec une profusion de postes à pourvoir et un déficit de candidats. Ils auront donc le choix du secteur dans lequel ils vont pouvoir s’épanouir et seront assurés de niveaux de rémunération élevés.

S. N. : Et pour les personnes en reconversion ?

J. H. : Deux axes me semblent incontournables. Le premier est de s’appuyer sur le secteur dont on vient. L’erreur est souvent de vouloir changer à la fois de compétences et de domaine. Par exemple, si on est avocat et qu’on ne souhaite pas le rester, il faut s’intéresser à l’ensemble de ce que l’on appelle les « legal tech ». Ces startups proposent des services innovants aux professionnels du droit. Cela permet d’évoluer en matière de compétences tout en restant dans un domaine que l’on connaît bien.

Par ailleurs, quand on a déjà dix ans d’activité derrière soi, il faut savoir renoncer à l’idée de devenir un expert technique si on n’est pas à jour au niveau compétences. En effet, les technologies changent en permanence. Il est donc inutile de se mentir en se disant que retourner à l’école et apprendre à coder suffit pour être meilleur que la génération Y. C’est oublier qu’elle baigne dans le numérique depuis sa naissance. Pour un manager expérimenté, l’idéal est de mettre à profit ses compétences d’encadrement en s’orientant vers la gestion d’équipes et de projets d’Intelligence artificielle.

S. N. : A quel terme prévoir tous ces bouleversements ?

J. H. : Il est important d’alléger le sentiment de stress. Ce n’est pas demain que tous les métiers vont disparaître et les robots nous remplacer. Nous sommes face à une transformation du travail qui s’inscrit en suite logique de la transformation technologique que nous vivons. Si elle est gérée intelligemment sur le plan individuel, on évitera les désillusions. Si on l’appréhende habilement au niveau sociétal, on pourra en tirer le meilleur. A savoir, générer de la création d’emplois en France grâce à l’intelligence artificielle.

 

Auteur : Patricia Dreidemy