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Ignition Technology développe les starts-up de la cybersécurité pour Exclusive Networks

INTERVIEW – Racheté par Exclusive Networks l’été 2021, le VAD britannique Ignition Technology est arrivé en France au printemps 2022. Rodolphe Moreno, son dirigeant, nous explique ses projets pour développer localement les starts-up de la cybersécurité. Ce fin connaisseur du secteur nous dresse aussi un portrait des principales tendances de ce marché en pleine expansion, sur les questions de « souveraineté » notamment.

Olivier Bellin, Solutions Channel : Pourquoi Exclusive Networks a-t-il implanté au printemps 2022 le VAD britannique Ignition Technology en France et vous en avoir confié sa direction ?

Rodolphe Moreno, le directeur général en France d’Ignition Technology, un VAD britannique spécialisé en cybersécurité qui est une filiale du grossiste Exclusive Networks :

La France est marché européen important. Et même s’il existe encore de nombreux distributeurs IT localement, il reste très peu de VAD spécialisés en cybersécurité. En outre, leurs capacités financières, et donc leur force de frappe commerciale, sont limitées. Par exemple, ils n’adressent pas les grands intégrateurs de solutions IT, qui sont les partenaires IT les plus demandés par les fournisseurs, contrairement à notre maison-mère Exclusive Networks. Notre groupe peut également gérer, grâce à sa capacité financière et logistique importante, toutes leurs commandes dans toutes les devises, ce qui n’est pas le cas des autres VAD plus petits.

Ignition Technology peut-il rivaliser localement avec des VAD spécialisés en cybersécurité comme Abbakan (Ingram Micro), voire Infinigate, un concurrent allemand qui multiplie les acquisitions en Europe ?

Ignition Technology est crédible aux yeux de ses partenaires car nous ne nous focalisons que sur des offres en cybersécurité dont nous maîtrisons très bien les technologies et l’écosystème. Je rappelle que les fournisseurs nous auditent régulièrement sur nos capacités techniques, de support et de détection de projets avant de signer avec nous un accord de distribution pour leurs solutions en cybersécurité.

En rachetant il y a un an Ignition Technology, un VAD britannique spécialisé en cybersécurité, Exclusive Networks a-t-il décidé de lui transférer toutes les marques de son catalogue cyber ?

Non, les deux entités vendent toujours des solutions de cybersécurité, mais leurs portfolios respectifs sont différents. Ignition Technology ne référence que des start-ups du secteur là où Exclusive Networks gère surtout des marques plus matures dans la cybersécurité, lesquelles bénéficient déjà d’une couverture commerciale plus vaste. Si Exclusive Networks a choisi de racheter Ignition Technology durant l’été 2021, c’est bien pour l’aider à développer et à incuber de nouvelles marques dans la cybersécurité. Car ce n’est pas forcément facile à réaliser dans le catalogue d’un grossiste européen aussi important qu’Exclusive Networks.

Comment arbitrez-vous pour savoir laquelle des deux structures commercialise une nouvelle marque en cybersécurité ?

Nous réalisons ensemble des arbitrages avec les fournisseurs pour savoir comment lancer leurs nouveaux produits. Il existe des forces commerciales et avant-vente des deux côtés et leur investissements doivent correspondre au temps passé et au chiffre d’affaires réalisé avec chaque marque à référencer.

Ignition Technology ne référence-t-il donc que les start-ups de la cybersécurité ?

Oui. Les plus petits fournisseurs sont souvent pénalisés dans les vastes catalogues des principaux grossistes IT, où ils souffrent d’un manque de visibilité. Ces marques cherchent donc un distributeur chez qui elles soient bien considérées et traitées. D’ailleurs, elles apprécient qu’il n’y ait pas de ticket d’entrée chez Ignition Technology, si ce n’est le temps qu’elles doivent nous consacrer pour former leurs équipes et celles de nos partenaires.

Que proposez-vous concrètement à ces start-ups de la cybersécurité ?

Ignition Technology les aide à développer des opportunités chez les clients finaux grâce à notre équipe de vente spécialisée dans la détection de projets. Elles peuvent ainsi démarrer plus rapidement leurs activités localement, signer les premiers clients, etc.

Les revendeurs IT avec lesquels Ignition Technology travaille sont-ils intéressés par ces start-ups de la cybersécurité ?

Oui, mais les revendeurs passent déjà souvent 100 % de leur temps à vendre des marques déjà établies avec lesquelles ils gagnent de l’argent. Certains ne souhaitent donc pas « en perdre » pour promouvoir de nouvelles marques qui ne sont pas encore assez rentables à leurs yeux. Leurs commerciaux ont aussi l’habitude de valoriser et de vendre certains produits en particulier, dont ceux à fortes marges. Ils passent donc moins de temps à faire de la chasse ou de la détection de projets pour de nouveaux entrants.

Quels sont les autres freins à l’entrée et au développement de ces start-ups sur le marché français, voire européen ?

J’ai parlé avec au moins une cinquantaine de ces start-ups, mais Ignition Technology n’en référence toujours que huit. A contre-coeur parfois. Mais nous devons être sélectifs car les clients finaux et les revendeurs ont tendance à réduire le nombre de fournisseurs avec lesquels ils travaillent. En outre, ils ne privilégient que les solutions réellement innovantes au niveau technique, dont celles qui proposent une vraie valeur ajoutée démontrable aux clients. Il est important de prendre en compte leurs attentes, d’autant que les nouveaux produits promus par les start-ups ne sont pas toujours faciles à comprendre, et donc à vendre. Elles signent souvent avec Ignition Technology pour bénéficier de notre capacité à bien expliquer et promouvoir leurs produits.

Existe-t-il trop de solutions de cybersécurité dont les clients ne comprennent pas toujours l’utilité ou l’intérêt ?

Il y en a trop. Le client ne comprend pas toujours ce qu’elles font, et surtout, l’objectif final du produit. Leur première question est toujours : « Vous résolvez quel problème ? ». L’une des missions d’Ignition Technology est donc d’aider les partenaires et leurs clients à comprendre l’utilité et la vraie valeur d’usage de ces produits. Et si j’utilise le même terme ou acronyme que pour décrire tous les autres produits en cybersécurité – du type MDR, EDR, XDR, etc. -, le client me répondra qu’il l’a déjà et il ne m’écoutera pas. Pire, il ne prendra même pas le risque de l’essayer. Je conseille donc aux revendeurs de produits de cybersécurité de ne plus utiliser les termes et anglicismes qui recouvrent des réalités ou concepts trop vagues. Ils doivent aussi adapter et localiser les discours trop marketing des marques afin de répondre immédiatement aux attentes et problématiques concrètes des clients.

Constatez-vous une forte demande pour des solutions de cybersécurité « souveraines » de la part des revendeurs français et de leurs clients?

Elle est en augmentation, mais surtout pour les offres des grands acteurs et éditeurs réputés de la cybersécurité. Ignition Technology souhaite d’ailleurs référencer autant de produits de cybersécurité français qu’américains ou israéliens car les acteurs français de la cyber ont réalisé des pas de géant depuis 20 ans.

Mais sont-ils prêts à les acheter ?

Pas toujours, même s’il y a eu du progrès comme je viens de le dire. Auparavant, beaucoup de partenaires ou de clients finaux ne regardaient même pas les solutions de cybersécurité dîtes « souveraines ». Désormais, ces offres sont au moins prises en compte dans les consultations car elles ont évolué. Mais si les produits français sont meilleurs désormais, ils n’ont pas toujours les bonnes caractéristiques techniques, voire la qualité de service suffisante, ainsi que la capacité à adresser aussi bien les problèmes des PME que ceux des grands comptes. Ce que l’on appelle le passage à l’échelle. C’est assez logique car beaucoup d’éditeurs français sont créés par des ingénieurs, qui n’ont pas forcément les compétences nécessaires sur les plans marketing, communication et commercial. Et comme ils lancent leur première start-up, ils vont aussi moins vite dans l’implémentation de leurs produits en France ou dans d’autres pays. D’où l’intérêt de passer par un VAD comme Ignition pour bénéficier d’un accompagnement sur ces problématiques.

Ignition Technology et ses partenaires rencontrent-ils des problèmes de recrutement sur les compétences en cybersécurité ?

Ignition Technology n’enregistre pas encore de problèmes de recrutement. Nous n’avons pas encore épuisé notre carnet d’adresses (rire) et le groupe Exclusive Networks accompagne bien notre montée en charge. Par ailleurs, nous misons beaucoup sur la formation à nos métiers. Ignition Technology a également intégré le changement de mentalité des collaborateurs et nous trouvons assez souvent comment bien les motiver pour les attirer dans la cybersécurité et dans nos entreprises. Toutefois, je constate qu’il existe toujours beaucoup de turnover dans le secteur de la distribution au profit de nos fournisseurs spécialisés dans la cybersécurité.

Quel est l’objectif d’Ignition Technology en France pour 2023 ?

En France, Ignition Technology référence déjà sept éditeurs en cybersécurité, des start-ups pour la plupart, dont Axonius (identification des actifs), BeyondTrust (gestion des privilèges), Noname (sécurisation des API), Orca Security (conformité instances cloud), SilverFort (déploiement MFA), Tehtris et XM Cyber. Mon objectif est d’en avoir presque le double à fin 2023. Mais ce n’est pas gagné d’avance. Nous devons tenir compte du rachat fréquent de ces start-ups par des acteurs plus grands, ou de leurs changements de modèle économique par exemple.

Exclusive Networks prévoit-il de réaliser des acquisitions pour renforcer l’implantation d’Ignition Technology en France ou en Europe ?

Cela fait partie du plan d’Exclusive Networks, qui possède une bonne équipe spécialisée dans les fusions et les acquisitions. Le groupe prévoit de développer sa présence dans des pays tels que l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne via des rachats et de la croissance organique.