Accueil Travail à distance, à la recherche d'un management 2.0

Travail à distance, à la recherche d’un management 2.0

Comment manager à distance à l’heure du télétravail partiel ou de la collaboration 100 % à distance ? Entre flicage et compétences managériales spécifiques, tour d’horizon des tendances et conseils d’expert.

L’essor du télétravail est la seule véritable rupture par rapport à la période précédant la crise sanitaire, selon l’étude de l’Institut Montaigne de février 2023 sur les Français au travail. Fin 2022, 40  % des travailleurs pratiquent le télétravail au moins occasionnellement, et 33  % régulièrement (au moins un jour par semaine) contre seulement 7 % avant la crise. Le nombre moyen de jours télétravaillés pour les télétravailleurs réguliers serait passé de 2,2 à 2,7 jours par semaine environ. 48 % des emplois sont « télétravaillables » selon les sondés. Et seule une faible minorité d’employeurs (9%) refuse le télétravail alors même qu’il serait techniquement possible.

Le télétravail requiert des compétences managériales spécifiques

Le télétravail, à 100 % ou en travail hybride, requiert des compétences managériales spécifiques. « Je fais un point chaque matin d’un quart d’heure avec mon équipe technique de Nevers. Nous communiquons via Meet, Discord et Slack », explique Bénédicte
Daull Massart, PDG de Values Associates, un éditeur français de logiciels SaaS spécialisés dans les métiers de l’audit, du risque et de la conformité.
L’entreprise a misé sur le télétravail. « Nous avions une grande habitude du travail à distance, entre Paris et Nevers, avant la crise sanitaire. Depuis la crise, la majorité des salariés sont en télétravail complet. Chacun travaille d’où il souhaite, un peu partout en France. Notre équipe fonctionnelle est en 100 % télétravail. Les chefs et cheffes de projet échangent en visio avec les clients, que ce soit pour la conception et la personnalisation du socle no code ou l’animation d’ateliers. »

Matthieu Rouls, recruteur dans l’IT en tant que Sourcing Specialist chez Hays Technology, évoque le full remote dans le cas des consultants/freelance, alors que le travail 100 % en distanciel est en train de devenir la norme pour ce type de collaborateur.  Les challenges sont de deux types. Il parle de la « difficulté de connexion avec les clients et les autres travailleurs de l’entreprise lorsque l’on travaille à distance. Les consultants peuvent se sentir isolés et manquer de contacts avec les clients.  » Il indique ensuite qu’ils doivent « trouver des moyens de communiquer efficacement avec leurs clients et s’assurer qu’ils travaillent sur les bons projets au bon moment. ». Pour gérer les travailleurs indépendants à distance, il préconise le « maintien d’une bonne communication et d’une relation solide avec eux en mettant en place des processus et des outils de communication clairs et efficaces. « Il faut également inclure « des échéances de projets, des horaires de disponibilité et des normes de qualité pour les livrables. »

Manager à distance, c’est se poser de bonnes questions et poser à son équipe les bonnes questions, notamment quel contrat de confiance mettre en place. Arthur Philippe, PDG de Jobmaker, éditeur d’une plateforme digitale d’accompagnement de carrière, met en avant l’importance du management par le résultat, en particulier en situation de télétravail  : « Tout le monde n’est pas fait pour le 100  % télétravail. Si ça vient nourrir une motivation profonde c’est bien, pour d’autres cela peut engendrer de la frustration. Le management par le résultat permet de se libérer de la contrainte des horaires de travail, et responsabilise l’équipe qui sait ce qu’elle doit délivrer et quand. Plus on donne de liberté, plus on doit responsabiliser. » Un bon moyen pour en finir avec le présentéisme qui a prospéré pendant des décennies en France avec toutes ses conséquences absurdes, si ce n’est négatives… Et de répondre aux attentes en termes d’autonomie et de responsabilités que souhaite en particulier la famille des développeurs.

Au bureau, le manager voit si une personne ne va pas bien, notamment à travers le non-verbal. A distance, il faut prévoir des points réguliers par téléphone. Aussi est-il conseillé d’adapter son style de management à la fois sur le fait de gérer ses équipes à distance, en travail hybride ou en présentiel, mais aussi de façon personnalisée, en fonction du collaborateur.

Et gare au tracking de connexion qui montre qu’on n’a pas confiance, amoindrissant la relation entre le collaborateur et sa hiérarchie.

Surveiller l’activité de ses salariés à distance, une bonne idée ?

Avec la généralisation du télétravail, 46 % des salariés des PME françaises seraient suivis à travers des logiciels de surveillance, selon une étude de Software Advice, qui conseille les entreprises sur le choix de leurs logiciels. Même si certaines finalités de la surveillance sont comprises et acceptées par les salariés, il n’empêche, 55 % d’entre eux n’en veulent pas. Un manque de transparence de la part des entreprises, voire de non-respect de la loi, dégrade la confiance dans le recours aux outils de surveillance. Le Code du Travail et le Règlement général sur la protection des données (RGPD) imposent de recueillir le consentement du collaborateur sur la collecte des données à caractère personnel, et de l’informer sur les finalités du traitement et les intérêts légitimes poursuivis. Si 62 % des répondants surveillés ont été informés de leurs droits, 31 % affirment que non (7  % l’ignorent). Les deux tiers des personnes interrogées se sentent à l’aise si l’on surveille la gestion de la charge de travail (69  %  : listes de tâches, emploi du temps, objectifs et indicateurs clés de performance) la présence (66 %  : heures de connexion), et même la communication numérique (65 % : e-mails, visio, messagerie instantanée). A contrario, la surveillance de l’espace de travail par webcam est jugée intrusive (58 % de personnes ne sont pas à l’aise). Les avantages cités à la surveillance sont la prise en compte des heures travaillées et supplémentaires (36  %), les preuves du travail des employés (28 %), la visibilité sur la productivité des salariés (28 %) et sur les activités quotidiennes (27  %), la délégation de tâches adaptée à la charge de travail de chacun (26  %) et la détection d’erreurs (26 %). 13  % des sondés disent que la surveillance ne présente aucun avantage. Les répondants sont néanmoins inquiets face aux dispositifs de surveillance, que ce soit en termes de confiance (41  %), de non-respect de la vie privée (40 %), de l’augmentation induite du stress (37 %), des impacts négatifs sur le moral, des questions d’éthique et de transparence. 59 % estiment que la surveillance n’a aucun impact sur leur motivation au travail, contre 22 % pour qui cela les encourage à travailler moins, 18 % à travailler plus. Et si on leur donnait le choix, 55 % des employés souhaiteraient ne plus être surveillés, même si 30 % n’y trouveraient pas d’inconvénients.

Plutôt autonomie et responsabilisation des salariés

Certains experts RH ont bien saisi les problèmes suscités par le suivi. Ils préconisent plutôt autonomie et responsabilisation des salariés. L’autosurveillance via des outils permettant aux salariés d’évaluer eux-mêmes leurs performances ainsi que la gamification pour dynamiser les équipes à travers des challenges et des récompenses sont des pistes à étudier. Autre type d’outil, la plateforme Supermood qui mesure l’engagement au travail des salariés et les interroge sur des questions RH permet de dégager des tendances de fond via l’analyse des réponses agrégées et anonymes des salariés des différentes entreprises clientes : « Le vrai sujet du télétravail, c’est la flexibilité horaires. Chez les femmes, la crise sanitaire a augmenté la charge mentale professionnelle. Chez les développeurs, le levier principal d’engagement est l’autonomie, suivi de la montée en compétences, tandis que chez les commerciaux c’est la confiance », constate Kevin Bourgeois, président et cofondateur de Supermood, Et pourquoi ne pas faire appel à un bureau virtuel recomposé dans lequel salariés et managers peuvent se retrouver  ? En 2022, Jamespot a ainsi  lancé  Jamespotland, un métavers 2D à destination des entreprises afin d’offrir une nouvelle expérience de collaboration virtuelle en temps réel à l’heure du travail hybride. De quoi « remettre l’humain au cœur des systèmes d’information », selon les mots d’Alain Garnier, PDG de Jamespot. Une carte, où les doubles des collaborateurs – les avatars – se côtoient, représente un village, des espaces de coworking, un amphithéâtre pour les événements, un café… un monde accessible à tous, puis une partie privative pour les bureaux virtuels, où chaque département (marketing, comptabilité, direction générale, IT, commercial, etc.) se retrouve avec des salles de réunion, un hall central et un espace détente.

Le télétravail, une des priorités pour les DRH

Avec la transformation digitale de la fonction RH, le télétravail fait partie des grands enjeux RH de cette année, selon le baromètre 2023 des DRH, réalisé par la société de conseil wtw, le cabinet de conseil ABV Group et le groupe RH&M, créateurs d’événements, de formations et de clubs RH. Les 2 principales causes du recours au télétravail sont l’amélioration de l’attractivité de l’entreprise, jugée prioritaire, et un meilleur équilibre de vie pour les collaborateurs. 53 % des répondants indiquent que le télétravail n’a pas eu vraiment d’impact sur la collaboration, 34 % pensent qu’il lui a nui. Seulement 13 % des DRH estiment que le télétravail a favorisé la collaboration. 62 % estiment que le télétravail n’a pas vraiment eu d’impact sur la productivité. Si 6 % des DRH jugent qu’il a diminué la productivité, 32 % indiquent que le télétravail a permis d’améliorer la productivité.