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Qu’est-ce qui distingue les femmes et les hommes entrepreneurs ?

Une étude inédite dresse le profil des femmes entrepreneuses dans l’innovation. Avec au final, un constat récurrent : il est toujours aussi difficile pour la gente féminine d’entreprendre dans la startup nation.

Qu’est-ce qui distingue les femmes et les hommes entrepreneurs ? Une étude réalisée par l’accélérateur Willa, la communauté de startups France Digitale et Roland Berger  a le mérite de pointer du doigt leurs spécificités, les enquêtes existantes se contentent de mettre en exergue le peu de femmes dans les équipes dirigeantes de la French Tech, sans pour autant chercher à en expliquer les fondements.

L’étude a été menée via une enquête en ligne en novembre dernier auprès de 400 entrepreneuses et 100 entrepreneurs dans l’innovation et complétée par quinze entretiens qualitatifs. Son premier enseignement est que les leviers qui poussent les femmes à entreprendre ne sont pas du tout les mêmes que ceux des hommes. « Quand 20 % de ces derniers parlent de « vocation entrepreneuriale » comme moteur principal, aucune femme n’évoque jamais cet aspect, déclare Laurent Benarousse, managing partner France & Maroc chez Roland Berger. Elles franchissent ce cap pour 28 % d’entre elles suite à une démission, un licenciement ou un rupture conventionnelle ». Par ailleurs, les femmes attendent plus longtemps pour démarrer. 44 % d’entre elles créent leur société après avoir acquis 10 ans d’expérience, alors qu’à ce stade, trois hommes sur quatre se sont déjà lancés. « Hormis des événements personnels comme la naissance du premier enfant, iI y a peut-être une forme de syndrome de l’imposteur, les femmes considérant qu’elles doivent acquérir davantage d’expérience professionnelle avant de se lancer », avance Laurent Benarousse.

De gauche à droite, Marie Georges, présidente de Willa, Laurent Benarousse, et Maya Noël, présidente de France Digitale, lors de la présentation de l’étude chez Willa, mercredi 31 janvier.

L’impact, moteur très fort pour les entrepreneuses

Au delà de la création de valeur financière, l’impact sociétal est le moteur le plus puissant des entrepreneuses par rapport aux hommes qui, eux, mettent en haut des critères, pour 25 % d’entre eux (contre 6 % des femmes), la volonté de gagner de l’argent. Un constat renforcé au regard des secteurs investis par les entrepreneuses et les entrepreneurs. Les femmes se positionnent en premier lieu sur le développement durable (22 %), l’e-commerce (13 %), le bien-être (10 %) et la santé (9 %). Les hommes privilégient les services financiers (15 %) suivis du développement durable (14 %), de la tech (14 %) et de l’e-commerce (9 %).

La rentabilité économique de leur entreprise est de loin le premier facteur de succès pour les femmes entrepreneuses, pour 77 % contre 63 % pour les hommes. Ces  derniers mettent en exergue l’acquisition du leadership dans leur secteur (65 % contre 56 %). Un très gros gap existe par ailleurs sur le recrutement des collaborateurs. « Les entrepreneuses considèrent (NDLR: à 47 % contre 28 % pour les hommes) avoir davantage atteint leur objectif lorsqu’elles ont « onboardé » durablement les équipes, l’impact en termes de ressources humaines étant donc considéré comme un facteur de réussite, commente Laurent Benarousse. On observe une réelle cohérence dans leur but d’avoir une entreprise économiquement indépendante, stable, qui crée de la valeur et qui recrute, et dont l’impact sociétal est important ». 

Le gap de la rentabilité et du financement

La poursuite de la rentabilité a une grande influence sur les moyens de financement choisis par les entrepreneuses, qui ne considèrent pas la levée de fonds comme l’alpha et l’oméga de la réussite. Les hommes recourent plus de deux fois plus aux levées de fonds que les femmes (40 % versus 17 %), tandis que celles-ci misent davantage (17 % contre 8 %) sur des modes comme le crowdfunding, leur garantissant de garder la main sur le développement de leur startup.  « Les femmes sont sans doute conscientes qu’il est plus difficile pour elles de lever des fonds, interprète Laurent Benarousse, l’écosystème des investisseurs étant lui-même masculin. Peut-être aussi la volonté de maîtriser le devenir de leur entreprise autrement que par la valorisation recherchée par les investisseurs, explique-t-elle cela ». Pour le reste, femmes et hommes utilisent les mêmes types de financement dans les mêmes proportions : subventions, autofinancement, prêts bancaires…

En conclusion de l’étude, le panel estime, à 32 % pour les hommes et 20 % pour les femmes, qu’il faut davantage sensibiliser les femmes à l’entrepreneuriat, afin d’améliorer le parcours entrepreneurial féminin. Cependant, les entrepreneuses prônent davantage la nécessité de l’accompagnement (18 %) que les  hommes (10 %).

 

Patricia Dreidemy