Les profils IT sont si recherchés qu’ils sont comme des grands sportifs, le consultant en recrutement devenant leur agent

Claire Grisolia, directrice marketing digital et expérience client et talent operations lead du groupe Randstad France. Crédit: Sébastien Leboutet
Claire Grisolia, directrice marketing digital et expérience client et talent operations lead du groupe Randstad France. Crédit: Sébastien Leboutet

Claire Grisolia, directrice marketing digital et expérience client et talent operations lead du groupe Randstad France, et Hinde Benchanaa, practice leader IT chez Expectra, analysent le marché de l’emploi dans le numérique. Aujourd’hui, les profils IT sont si recherchés qu’ils sont comme des grands sportifs, le consultant en recrutement devenant leur agent.

« La pénurie existait déjà quand j’ai commencé à travailler sur les postes de développeurs il y a 12 ans. Aujourd’hui, elle est présente sur tous les métiers de l’IT, y compris les métiers plus récents, comme ceux de la cybersécurité, » souligne Hinde Benchanaa, practice leader IT chez Expectra, filiale spécialisée dans l’intérim et le recrutement de cadres et agents de maîtrise du groupe Randstad.

Intérêt du projet et qualité managériale en tête des critères de sélection

D’après elle, la première attente des professionnels de l’IT n’est pas le salaire, car le marché tendu est particulièrement favorable aux candidats. La rémunération sur le marché est passée en quelques années pour un jeune diplômé de 33-35K€ à 40-42 K€. Un développeur avec 3 ans d’expérience peut être rémunéré 60 K€. L’alternance compte comme de l’expérience. Elle explique : « L’attente du talent se fonde avant tout sur ses missions, son rôle dans le projet, et l’environnement technologique dans lequel il va évoluer. Puis sur le type d’entreprise, l’équipe et le management. Il est attendu d’un manager qu’il soit en capacité d’accompagner et de faire monter en compétences ses collaborateurs. Arrivent en 3e position les conditions de travail et parmi elles la flexibilité horaire, le télétravail, et l’équilibre vie personnelle/vie professionnelle. Le salaire n’est que le 4e critère de choix d’un employeur pour les profils IT. »

Des consultants agents de joueurs

Aussi le travail des consultants d’Expectra est selon Mme Benchanaa, de « partir à la fois des besoins de l’entreprise cliente et des aspirations des candidats. Car les candidats sont aussi nos clients. Expectra recrute des experts IT de bac+2 à bac+5. Notre division spécialisée dans l’IT nous permet d’être plus pertinents pour toucher les candidats. Nos consultants en recrutement ont des connaissances technologiques et sont comme des agents de joueurs. »

Expectra a dans son vivier des profils de techniciens qui ont envie de changer régulièrement de mission tout en gardant leur statut d’intérimaire, mais aussi des profils d’ingénieur, de développeur, particulièrement recherchés, qui souhaitent signer un contrat en CDI. « J’accompagne également dans mon vivier 50 personnes en CDI intérimaire, un statut qui leur permet de bénéficier de la sécurité et des avantages du CDI tout en gardant le flexibilité de l’intérim. En général, ces collaborateurs changent de mission et de client tous les ans, » fait remarquer Hinde Benchanaa. Le CDI intérimaire est conclu entre un salarié et l’entreprise de travail temporaire, pour la réalisation de missions successives.

Candidats tous chassés et qui veulent du sens

Claire Grisolia, directrice marketing digital et expérience client et talent operations lead du groupe Randstad France, poursuit l’analyse : « les professionnels de l’IT sont tous chassés sur LinkedIn. Leur problématique est de choisir le bon job. Il arrive que les entreprises envoient directement la proposition complète d’emploi aux talents sur LinkedIn. Cela engendre des défections en période d’essai. Il vaut mieux se différencier. »

Aussi le consultant en recrutement doit-il accompagner le candidat, lui trouver ce qu’il souhaite, en termes d’entreprise, de projet, d’environnement technologique, de perspectives d’évolution. Et sélectionner les postes qui correspondent à son cahier des charges. « Les talents IT veulent donner du sens à leur parcours, par exemple en choisissant des éditeurs de logiciels en e-santé, des projets en responsabilité sociale et environnementale (RSE), comme un projet de voiture électrique, » fait remarquer Claire Grisolia.

Freelances et profils atypiques

Les deux expertes remarquent deux tendances du marché. La première est que de plus en plus de professionnels veulent se lancer en freelance, et ce au bout de deux ans au lieu de 10 ans ou plus d’expérience auparavant. Ils savent qu’ils peuvent revenir au salariat si cela ne marche pas.

La seconde est que depuis cinq à six ans, le recrutement de profils atypiques se développe, avec un recrutement à l’anglo-saxonne plus orienté sur la capacité à faire et sur les soft skills que sur le diplôme. Hinde Benchanaa précise : « Quand une entreprise embauche des candidats sans le bac, ou en reconversion, ou qui ont eu un accident de vie, cela demande aux managers de savoir accompagner tous types de profils. Nous remarquons que ceux-ci sont ensuite des personnes plus fidèles à l’entreprise. » Un facteur important quand on sait que les développeurs restent en moyenne deux ans à un poste. Ils peuvent rester un peu plus longtemps s’ils y évoluent, en termes d’expertise technologique ou managériale.

Ainsi, faire la place belle à la diversité des profils et des parcours, construire une stratégie d’ensemble englobant la fidélisation tout autant que le recrutement, être flexibles et ouvertes aux aspirations des talents, sont des facteurs clefs de succès pour les entreprises à la recherche d’experts IT.

 

Etude Golden Bees : décalages entre salaires et compétences demandées, entre marque employeur et réalité de l’entreprise, entre discours et processus de recrutement

73 % des actifs envisagent de changer de job cette année, dont 69% en externe. Les 3 critères de choix d’un emploi sont les missions (50%), le salaire (47%) et l’équilibre vie pro/perso (28%), selon l’enquête nationale de Golden Bees sur les ressentis et attentes des candidats en 2023, auprès de plus de 1 900 répondants. 41% des sondés sont en recherche active d’un nouveau job. Les candidats considèrent majoritairement (73%) qu’il est difficile pour eux de candidater à une offre d’emploi. 40% des candidats considèrent qu’il est difficile de candidater à une offre d’emploi car les offres sont très strictes sur les profils recherchés. 55% des répondants estiment que le rapport de force est en faveur du recruteur.

Et le décalage entre le salaires et les compétences attendues constitue le premier frein à leur recherche d’emploi (41% des réponses). Une incohérence entre le discours de l’entreprise et son processus de recrutement est évoquée par 27% des répondants. 75% des candidats accordent de l’importance à la marque employeur, mais ils sont nombreux à juger qu’elle est parfois en décalage avec la réalité de l’entreprise et sont globalement peu satisfaits de leur dernière expérience candidat, à qui ils attribuent en moyenne une note de 5.6/10.

Pour Nolwenn Pigault, directrice marketing de Golden Bees, « en 2023 il n’est assurément plus possible d’envisager attirer des candidats sans les connaître parfaitement : leurs aspirations, leurs ressentis ou leurs attentes. Notre nouvelle étude a pour objectif de dépasser les biais cognitifs sur les attentes des candidats. Une partie de la réponse réside simplement dans l’acceptation de casser les idées préconçues et les mauvaises pratiques qui bloquent le potentiel de rencontre au niveau individuel. »