Où en sont les entreprises dans leur évolution digitale ? Deux années de Covid ont certes accélérer leur mutation, mais il reste néanmoins de nombreux points à améliorer alors que le changement s’avère en réalité permanent.
Les parcours de transformation digitale n’ont pas de fin. Ce sont des changements permanents, qui s’enchaînent. Estelle Boyer, directrice d’Envision by SFEIR et Olivier Rafal, directeur du Conseil de cette même filiale de SFEIR dédiée au conseil numérique stratégique, résument d’ailleurs la situation ainsi : « Il ne s’agit pas de se transformer pour passer d’un état A à un état B, mais d’être toujours dans le mouvement, de s’adapter, d’évoluer en permanence pour innover et répondre avec succès aux nouveaux défis. » Reste que certaines organisations évoluent plus vite que d’autres. Où en sont d’abord les TPE et PME, dans ce contexte si particulier de crise sanitaire ?
Le baromètre de France Num (une initiative gouvernementale pour la transformation numérique des TPE/PME) révèle une amélioration de la perception des bénéfices concrets du numérique par les dirigeants des TPE et PME et une forte progression des taux d’équipement numérique. Près de 2 800 entreprises ont été interrogées dont plus de 700 sans salarié. 79 % des dirigeants sondés considèrent que le numérique facilite la communication avec les clients. Ils étaient 72 % avant la crise. 78 % pensent aujourd’hui que le numérique représente un bénéfice réel pour leur entreprise, contre 68 % pré-pandémie, un joli bond. Et 59 % déclarent que le numérique facilite la communication avec les employés ou collaborateurs, contre 50 % auparavant
De plus en plus de TPE/PME équipées en numérique
66 % des entreprises ont un site Internet présentant leur activité, hors réseaux sociaux, contre 37 % avant la crise. 43 % possèdent une plateforme d’échange de documents en ligne entre collaborateurs (contre 17%). 29 % ont recours au référencement payant sur Internet (contre 15 %) 33 % utilisent des outils de collaboration professionnelle (contre 21) et 20 % ont leur propre site internet marchand de vente en ligne (contre 9 %).
Concernant les outils de gestion, 95 % des entreprises travaillent au moins avec une solution numérique de ce type, notamment des outils de bureautique type tableur, des outils de cybersécurité, comptabilité, facturation, et paiement. 80 % ont au moins une solution pour l’organisation du travail, principalement une messagerie instantanée. Et 24 % utilisent au moins une solution de gestion de production, achats, et logistique, notamment un logiciel d’achat, d’approvisionnement et de stock.
Une étude de l’Afnic (association française qui est l’office d’enregistrement désigné par l’État pour la gestion des noms de domaine en .fr) confirme que les TPE/PME françaises s’adaptent et voient dans la transformation numérique un moyen de croissance. Près de 7 entreprises sur 10 du panel interrogé ont un site internet, soit 68 %, confirmant le pourcentage de l’étude des Echos. 8 entreprises sur 10 utilisent les réseaux sociaux pour se faire connaître. Au global, 1/3 des répondants estiment effectuer plus de 30 % de chiffre d’affaires grâce à leur présence en ligne.
Elles sont meilleures en e-commerce et plus attentives au parcours client
Elles sont 69 % à proposer plusieurs moyens de paiement sur leur site, contre 62 % en 2019-2020. Ce taux atteint même 80 % chez les TPE, qui enregistrent également la plus forte progression puisqu’elles gagnent 19 points comparé à l’année dernière (61 %). Autre fait marquant, 51 % des TPE/PME interrogées en 2020-2021 proposent un espace client en ligne, alors qu’elles n’étaient que 44 % en 2019-2020. Ce pourcentage a plus particulièrement bondi parmi les TPE, qui enregistrent une progression de 45 % à 67 % et parmi les PME qui passent de 62 % à 81 %.
Enfin, 45 % des TPE/PME françaises proposent le suivi de la commande sur la période 2020-2021 contre 37 % en 2019-2020. La plus forte progression se remarque chez les TPE qui sont passées de 29 % à 43 % (+14 %) à adopter ce service. « Les commerces, TPE et PME françaises adaptent leur offre numérique aux usages de leurs clients et elles adoptent des outils qui facilitent la confiance dans le commerce en ligne. La part en forte progression des modules d’e-commerce et de suivi de commande est rendue possible par un taux d’équipement en site internet qui s’élève à 68 %, illustrant la stratégie d’autonomie numérique des TPE-PME françaises, face au tout plateforme », analyse Pierre Bonis, directeur général de l’Afnic.
Si les progrès sont indéniables, la digitalisation doit se poursuivre. Le plan France Relance de l’Etat les y aide. Pour les métiers de la restauration notamment qui ont souffert pendant la pandémie, METRO France, premier fournisseur de la restauration indépendante en France, et le Groupement ECTI-AJI (association partenaire et activateur France Num/ agence de communication et éditeur de progiciels du secteur CHR et de la gastronomie), ont joint leurs efforts pour promouvoir la plateforme digitale “simple comme numérique”. Ce programme, entièrement financé par France Relance, a pour vocation de faire découvrir aux professionnels du secteur CHR les solutions digitales dont ils ont besoin pour soutenir le développement de leurs activités. « Les professionnels du secteur CHR ont besoin d’être conseillés, orientés, et plus encore lorsqu’il s’agit de digital ! Dans le cadre de ce programme, ils le seront depuis leur inscription jusqu’à la mise en place de la solution choisie », explique Jérémy Santos, National Digital Sales Manager chez Metro France.
Ce programme d’aide gratuit à la transformation numérique permet aux professionnels du secteur CHR de s’initier aux logiciels et solutions numériques indispensables à leur développement. Dès l’inscription, Il propose d’évaluer la “maturité numérique” de l’établissement via un questionnaire en ligne destiné à répertorier les différents outils dont l’établissement dispose déjà. Une fois inscrit sur la plateforme, SimpleCommeNumérique propose un accompagnement personnalisé et gratuit effectué par un expert bénévole du groupement.
Les grandes entreprises vont plus vite, et parfois à coup de milliards
Certes, face à la crise, et en ce qui concerne plus particulièrement le numérique, les dirigeants sont convaincus de l’importance d’accélérer leur transformation digitale relève aussi l’étude “Agilité et performance : l’équation gagnante”, menée par Les Échos Études en décembre 2021 auprès de 300 dirigeants d’entreprises dans tous les secteurs d’activité. L’étude confirme que l’écrasante majorité des entreprises a désormais fait un saut dans le digital chez qui il est une priorité pour 72 % des répondants. Bouée de sauvetage pendant la crise, le numérique s’est diffusé au sein des PME, confirme ce rapport. 70% des PME interrogées ont déjà intégré des outils digitaux dans leur fonctionnement, dont près d’un quart sont à un stade avancé de cette mutation.
Reste que l’on constate une importante inégalité entre les grandes et les petites structures. Les grands comptes et les ETI ont bien mieux résisté à la crise sanitaire avec 97 % des entreprises de plus 5 000 salariés et 92 % des ETI qui ont déclaré avoir réalisé, en 2020, une performance en ligne égale ou meilleure que leurs concurrents. À contrario, près du quart des PME a connu une moins bonne performance que son marché avec 52 % d’entre elles qui ont su résister à la crise et seulement 26 % qui ont réussi l’exploit de surperformer.
Car les grandes entreprises vont, elles, vite et parfois à coup de milliards. En février dernier, Carrefour a ainsi annoncé un investissement de 3 milliards d’euros sur cinq ans dans la poursuite de sa transformation numérique. Meta va l’y aider en lui fournissant ses solutions pour son marketing digital et ses méthodes de travail. « Le partenariat couvrira de nombreux aspects de l’activité de Carrefour, de la communication interne à l’expérience des employés, en passant par la relation client, la publicité numérique et la digitalisation des prospectus, la communication locale et le social commerce », indique le distributeur. Et cela en France, Belgique, Italie, Espagne, Roumanie, Pologne, Argentine, Brésil et Taiwan. Ainsi, Carrefour va notamment déployer la plateforme de travail collaboratif Workplace auprès de ses 320 000 employés. Facebook, Whatsapp, Messenger, Instagram… seront aussi mis à contribution. Mais le groupe français qui veut tripler ses ventes en ligne d’ici à 2026, en visant 10 milliards d’euros, investit aussi dans la livraison en moins de 15 minutes, l’augmentation de ses clients omnicanaux, le développement des places de marché pour le non-alimentaire… Et 100 % de ses systèmes informatiques migreront dans le Cloud, annonce-t-il, contre 30 % à l’heure actuelle. « Nos avancées digitales nous permettront de développer de nouvelles sources de revenus et de profits, mais aussi d’améliorer la performance opérationnelle de toutes nos activités », anticipe Alexandre Bompard, PDG du groupe, qui se voit en leader mondial du “Digital Retail”.
Adopter de plus en plus vite les technologies émergentes
Les entreprises à gros revenus, celles qui ont un CA supérieur à 1 milliard de dollars US, utilisent à tour de bras le numérique et adoptent même de plus en plus rapidement les technologies émergentes, note Infosys dans son rapport Digital Radar 2022, qui évalue les efforts de transformation numérique des entreprises (en Australie, Chine, France, Allemagne, Inde, Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni et aux États-Unis) selon un indice de “Maturité Numérique”. Un grand nombre d’entre elles déclarent ainsi avoir opté pour des approches basées sur l’intelligence artificielle (IA) et la blockchain (73 % et 71 %, respectivement), plutôt que sur des technologies plus traditionnelles de modernisation ou matures comme le Cloud (69 % et 68 %, respectivement).
directeur du Conseil d’Envision by SFEIR
Car elles s’efforcent d’anticiper, et cela passe par la data. « Il faut anticiper où va le marché pour bouger dans la bonne direction. Cela repose sur la donnée et la façon dont l’entreprise parvient à la valoriser. Ce qui est tout autant un enjeu technologique (disposer d’une plateforme data à l’état de l’art) qu’un enjeu de gouvernance et de stratégie. Les entreprises les plus matures sur ce sujet sont les mieux armées pour anticiper et se préparer », soutiennent Estelle Boyer et Olivier Rafal d’Envision by SFEIR.
Avis d’expert
Estelle Boyer,
directrice d’Envision by SFEIR
« Tout va très vite aujourd’hui, souvent trop pour les cycles de décision des entreprises. Elles doivent pouvoir prendre leurs décisions rapidement et être suffisamment agiles pour les mettre en application tout aussi rapidement. C’est cette agilité et ce temps de réaction très court qui différencient les « tech companies » des autres. »
