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L’Etat accélère sa transformation

Sommaire du dossier

Simplification des démarches administratives des usagers et efficience accrue de la fonction publique sont en ligne de mire de la transformation numérique de l’Etat. Dans le plan de relance exceptionnel de 100 Md€ du fait de la crise économique et sanitaire, 500 M€ sont réservés à la transformation numérique de l’Etat et des territoires.

 

La transformation des administrations publiques, l’un des grands programmes du gouvernement baptisé “Action publique 2022”, comporte trois axes majeurs : l’un d’entre eux porte sur le numérique au service de l’efficacité de l’action publique. Son objectif est une administration plus efficace capable de tirer le meilleur parti des outils numériques, avec trois cibles : les usagers, les agents publics et les politiques publiques.

500 millions d’euros pour le numérique

L’Etat consacre des moyens assez importants à sa transformation numérique. La Cour des Comptes estime les enjeux financiers à un peu plus de 6 milliards d’euros en ce qui concerne les logiciels et applications mis en service au bilan des comptes au 31 décembre 2018 (2 919 M€ pour les projets menés par l’État, 3 206 M€ pour ceux menés par ses opérateurs). Le flux annuel d’investissement peut être évalué à 380 M€ en 2019, soit environ 3 % des investissements de l’État.

500 millions d’euros du plan de relance sont consacrés à la transformation numérique de l’Etat

En outre, le Plan de relance exceptionnel de 100 Md€ du fait de la crise économique et sanitaire s’articule autour de trois volets principaux : l’écologie, la compétitivité et la cohésion ; 500 M€ pilotés par le ministère de la transformation et de la fonction publiques sont réservés à la transformation numérique de l’Etat et des territoires :

– 204 M€ pour transformer l’Etat numérique (amélioration des démarches en ligne, partage de données entre administrations, open data) ;

– 208 M€ pour donner aux agents de meilleurs outils numériques pour travailler ;

– 88 M€ pour soutenir les projets et bonnes pratiques des collectivités locales.

En outre, depuis 2018, le Fonds pour la transformation de l’action publique (FTAP) investit 700 M€ dans des projets des administrations centrales et des territoires visant à améliorer la qualité du service aux citoyens et aux entreprises, l’environnement de travail des agents, ou réduire les dépenses publiques. 580 M€ ont déjà été mobilisés au profit de 97 projets lauréats, largement numériques, tel le Code du travail numérique, en ligne depuis début 2020.

« Numériser les démarches administratives, c’est les rendre accessibles partout, pour tous, tout le temps et facilement, »

Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques

Tech.gouv accélère la numérisation

Lancé par l’État en avril 2019, le programme Tech.gouv, piloté par la direction interministérielle du numérique (Dinum) avec l’appui de tous les ministères, doit accélérer la transformation numérique du service public, autour de six enjeux :

– Simplification : accéder à ses droits ou accomplir ses obligations administratives doit être facile, rapide et ergonomique ;

– Inclusion : réduire les inégalités territoriales et n’exclure aucun usager ou agent public ;

– Attractivité : attirer les talents au sein de l’État employeur et simplifier la vie des agents publics ;

– Maîtrise : accroître la souveraineté et la sécurité numérique de l’État par une meilleure maîtrise technologique ;

– Economies : optimiser les dépenses publiques en produisant un service de meilleure qualité et à moindre coût, qui justifie les investissements dans l’innovation ;

– Alliances : mettre en place des partenariats ouverts avec des acteurs publics et privés de confiance permet de démultiplier les capacités de l’État à produire et à proposer de nouveaux services publics en renforçant la proximité avec les usagers.

> Tech.gouv : les six axes de travail de Tech.gouv

Tech.gouv a 8 missions

– Label : labelliser des solutions et des outils numériques de qualité pour faciliter leur emploi par les porteurs de projets publics ;

– IDNum : construire une identification unifiée pour accéder aux services en ligne, pour les citoyens, les entreprises et les agents publics ;

– Data : exploiter le potentiel des données au service des politiques publiques ;

– Infra : construire et opérer des infrastructures et services numériques mutualisés (réseau, cloud, outils) ;

– Pilot : accompagner la conception et le pilotage des systèmes d’information de l’État ;

– Talents : attirer et fidéliser les talents du numérique, et accompagner les managers publics dans l’usage du numérique ;

– Beta : concevoir des services publics numériques autrement ;

– Transfo : appuyer la transformation publique par le numérique.

La feuille de route 2019-2022 de Tech.gouv est évolutive. Elle comprend aujourd’hui 38 projets relatifs à l’une des huit missions de Tech.gouv. 5 sont déjà achevés comme le guichet “Dites-le nous une fois” : un usager – particulier ou entreprise – entreprenant une démarche administrative n’est pas tenu de fournir certaines informations ou pièces justificatives déjà détenues par l’administration, ce qui a nécessité de développer les échanges de données entre les administrations. Trois sont nouveaux, comme celui initié mi-2020 suite à la crise sanitaire visant à développer au sein des administrations la culture du pilotage par la donnée.

A l’été 2020, un premier bilan de Tech.gouv a notamment mis en avant FranceConnect. Il permet à chaque particulier de se connecter à plus de 700 services en ligne d’administrations publiques en utilisant l’une des identités numériques partenaires : impots.gouv.fr, compte Ameli, identité numérique de La Poste, MobileConnect et moi, Mutualité Sociale Agricole (MSA).

Simplifier les démarches du quotidien

Dans le cadre d’Action Publique 2022, le gouvernement s’est engagé à rendre accessible sur Internet l’ensemble des démarches administratives d’ici 2022. « Numériser les démarches administratives, c’est les rendre accessible partout, pour tous, tout le temps et facilement, » a mis en avant Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques le 23 octobre dernier en présentant la dernière version de l’Observatoire de la qualité des démarches en ligne. Celui-ci rend compte, chaque trimestre depuis juin 2019, de la numérisation de 250 démarches administratives les plus utilisées par les usagers. Encore 68 de ces 250 démarches ne sont pas faisables en ligne. 59 % des démarches sont effectuées sur des smartphones. La disponibilité et le temps de réponse de chacun des sites sont vérifiés 24h/24. 2 millions de Français ont donné leur avis dans les 12 dernier mois, grâce au bouton “Je donne mon avis” présent sur la plupart des démarches en ligne. 71 % sont satisfaits de la démarche qu’ils ont réalisée. L’objectif est d’atteindre un taux de satisfaction de 80 % d’ici 2022.

En outre, le projet de loi d’Accélération et de Simplification de l’Action Publique (ASAP) adopté le 28 octobre 2020 comporte de nombreuses dispositions de simplification des démarches administratives pour faciliter la vie quotidienne des Français, qui passent parfois par le numérique, comme la possibilité de s’inscrire en ligne à l’examen du permis de conduire.

Les agents 2.0

L’État s’est engagé avec Action Publique 2022 à construire progressivement un nouvel environnement de travail numérique pour ses agents, en mettant à disposition des outils numériques innovants, mobiles et collaboratifs en les faisant participer au choix, au prototypage et à l’évaluation des solutions. Ainsi, à l’issue de deux appels à projets en mars et en septembre 2019, 15 projets proposés par les agents ont été retenus pour être testés et prototypés. Ces solutions concernent le travail collaboratif (outils de stockage, de traitement de texte, de messagerie) et le travail en mobilité (outils permettant aux agents d’accéder à distance à leurs documents de manière sécurisée).

En outre, l’État poursuit le déploiement de la messagerie instantanée sécurisée des agents publics, Tchap, qui compte en septembre 2020, plus de 170 000 utilisateurs contre 70 000 dix mois auparavant. En septembre 2019, le système de visioconférence webconf.numerique.gouv.fr a été généralisé à l’ensemble des administrations.

Enfin, le projet de Tech.gouv de “sac à dos numérique de l’agent public”, ajouté du fait de la crise sanitaire, souhaite donner accès à tous les agents de l’État à des infrastructures et outils permettant aussi bien le travail sur site autant que le télétravail.

L’Etat pourrait mieux gérer ses projets

La Cour des comptes a réalisé une enquête publiée en octobre 2020 sur la conduite des grands projets numériques de l’État. Si l’État a connu des réussites notables, comme le prélèvement à la source, il a néanmoins subi des échecs, notamment en gestion des ressources humaines, tels Louvois, logiciel utilisé pour la paye des militaires, et l’ONP, projet abandonné visant à centraliser sur un applicatif unique l’ensemble des procédures nécessaires au versement des paies des fonctionnaires de l’État.

La connaissance par l’État de ses dépenses liées aux projets numériques est insuffisante. La comptabilisation des immobilisations afférentes, tant au compte général de l’État qu’aux comptes de ses opérateurs, pourrait progresser.

Pour des projets plus rapides et moins coûteux

Une cinquantaine de grands projets numériques sont en cours : ceux dont le coût complet dépasse 9 M€, faisant l’objet d’une procédure d’avis conforme auprès de la Dinum. Les dérives calendaires et budgétaires ont augmenté depuis 2015, s’établissant en juillet 2019 à plus de 35 % en moyenne selon la Dinum. Sur une décennie, l’insuffisance du financement et des moyens humains est régulièrement relevée.

Les ministères ont du mal à ajuster le nombre et les ambitions des projets aux budgets nécessaires pour les réaliser sur des durées plus courtes, et leur difficulté à arrêter des projets à l’échec certain. Aussi la Cour des Comptes recommande que les ministères sélectionnent, dans le cadre d’une programmation pluriannuelle à 5 ou 10 ans, un nombre réduit de projets de 5 à 20 ME de coût complet, réalisables en 1,5 à 3 ans, et à s’organiser pour respecter les échéances. Et les administrations doivent multiplier les investissements numériques modestes dans une logique d’apport de services rapides aux usagers ou à leurs agents. Il faut aussi faire attention aux problématiques d’obsolescence technique et de sécurité informatique.

Prendre à bras le corps l’enjeu RH

La nécessité d’une responsabilité unique en direction de projet n’est pas comprise. Le recours trop fort à des prestataires extérieurs par certains ministères, au lieu d’ouvrir des postes afin de garder la maîtrise des prestations, est également souligné. Certains métiers sont particulièrement en tension : chef de projet maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre, directeur de projet, scrum master, concepteur-développeur et intégrateur d’application. La Cour des Comptes suggère un plan interministériel de recrutement portant sur plusieurs centaines de postes, notamment de chefs de projet, afin de constituer un vivier. En outre, les dirigeants des administrations doivent gagner en expérience et en compétence pour mieux mesurer les enjeux du numérique et piloter leurs équipes. C’est l’une des clés de la réussite de la transformation numérique du service public.

Taux de dématérialisation et taux de satisfaction des démarches.
Source : Observatoire de la qualité des démarches en ligne, octobre 2020.

Mais tout n’est pas sombre pour la Cour. L’expérience des utilisateurs est mieux prise en compte lors de la construction des applications, même si l’évaluation de leur satisfaction au terme du projet reste à développer. Et de nombreux projets ont été mutualisés entre ministères afin de réduire les coûts concernant les infrastructures, la gestion des ressources humaines, l’archivage et l’identification des usagers.

Entre objectifs ambitieux au service des usagers, des agents et de l’Etat, et moyens humains et organisation à développer, la transformation numérique de l’Etat se poursuit.