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ChatGPT – À qui appartiennent les contenus ?

Un article d’Alexandra Iteanu, Avocat à la Cour, (Numérique, Cybersécurité et Data).

Difficile de passer à côté du phénomène “ChatGPT”, cet outil conversationnel établi à partir d’une intelligence artificielle, développé et exploité par la société Californienne OpenAI. 

Rédiger un devoir à la maison, un post sur Linkedin, répondre à une offre d’emploi ou trouver la liste des ingrédients pour réaliser un cake à la banane n’a jamais été aussi facile.  L’inscription au service est un jeu d’enfant : un e-mail, un mot de passe et un numéro de téléphone, et nous voilà propulsés dans le merveilleux monde de l’IA… sans oublier de cocher la case « J’ai lu et accepté les CGU ». ChatGPT est alimenté par « une grande quantité de données textuelles », selon ses propres dires, et permet, en répondant aux questions de ses utilisateurs, de générer des réponses avec « une qualité et une cohérence élevée1 » .

Alexandra Iteanu , Avocat à la Cour

Que disent les Conditions Générales d’Utilisation ?

Si l’inscription et l’utilisation au service sont aisées, la lecture des Conditions générales d’utilisation, comme c’est souvent le cas pour les éditeurs de solutions américains, l’est un peu moins. L’utilisateur se voit proposer une succession de liens hypertextes, renvoyant à plusieurs documents formant dans leur ensemble ces CGU2… tous en anglais bien sûr !

Les Terms of Use livrent une première affirmation en apparence très claire : les questions posées par l’utilisateur (qualifié “Input”) et les réponses apportées par le service (“Output”) sont la propriété de l’utilisateur. OpenAI annonce ainsi céder la propriété intellectuelle de ces (ou “ses” ?) contenus à l’utilisateur.

Cependant, pour céder, encore faut-il soi-même être propriétaire. S’agissant des outputs, OpenAI détient-elle les droits de propriété lui permettant de céder ces contenus ? L’essence du machine learning et de ChatGPT est de se nourrir d’un très grand nombre de textes en libre accès sur internet, notamment disponibles sur les réseaux sociaux. Mais ces textes ne sont pas forcément libres de droits. En clair, ces contenus peuvent appartenir à des tiers. L’output généré par ChatGPT peut être la reproduction ou une œuvre dérivée de ces contenus appartenant à un tiers. Dans tous les cas, seul ce tiers peut opérer une cession, pas ChatGPT. Dans ces conditions, la cession annoncée dans les CGU, est au mieux inopérante.

Les CGU apportent aussi une nuance qui montre que la règle posée n’est pas simple. Il s’agit des « contenus similaires ». Ces output ont été générés et partagés avec d’autres utilisateurs. C’est par exemple lorsque des utilisateurs posent la même question et reçoivent logiquement la même réponse. Pour les CGU d’OpenAI, le « contenu similaire », n’est pas alors la propriété de l’utilisateur, sans préciser qui est propriétaire dans ce cas.

Enfin, dans un autre de ces documents contractuels3, OpenAI impose ses règles dans le cas où un utilisateur souhaiterait repartager le contenu généré par ChatGPT sur les réseaux sociaux. L’utilisateur devra (1) revoir “manuellement” le contenu généré par ChatGPT avant de le partager, (2) attribuer ce contenu à son nom ou sa société, (3) indiquer que ce contenu est généré par une IA et (4) ne pas partager de contenu qui contreviendrait aux règles fixées par OpenAI dans sa « Politique de Contenus » (violences, injures, etc.). Ces 4 règles sont cumulatives, c’est-à-dire qu’elles sont toutes nécessaires.

Ce même document prévoit le cas où des utilisateurs souhaiteraient publier des contenus dont ils sont les auteurs, et en partie créés avec ChatGPT. Des règles similaires et cumulatives devront être respectées et le rôle de l’IA dans la création du contenu devra être clairement révélé.

En conclusion, on peut regretter une documentation contractuelle en millefeuille et en anglais. Si on note la bonne volonté d’OpenAI de mettre entre les mains des utilisateurs la propriété des contenus générés, elle pourrait se heurter aux règles de la propriété intellectuelle. Tel utilisateur s’approprie une réponse, et la publie sous son nom. Tel autre n’a pas craint de l’exploiter commercialement, en la revendant, en l’éditant. En matière de propriété intellectuelle, la Loi prévaut souvent sur le contrat qui est écarté, ici les CGU. C’est en particulier vrai en Europe. Dernière précision : le lecteur sera étonné d’apprendre que les CGU sont annoncées comme gouvernées par les lois de l’État de Californie et les juges de ce même État américain.
À suivre …

 

•1 https://chat.openai.com/chat

•2 https://openai.com/terms/

•3 https://openai.com/api/policies/sharing-publication/