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Frédéric Bardeau, Simplon : « Très peu d’entreprises font un diagnostic des compétences numériques de leurs salariés »

Frédéric Bardeau
Frédéric Bardeau, cofondateur et président de Simplon. Crédit Thomas-Chene pour Apec

Les Français sont-ils compétents en matière de numérique ? La question est cruciale alors que selon le rapport sur l’avenir de l’emploi du Forum Économique Mondial, 50 % des employés auront besoin d’une requalification d’ici à 2025 au fur et à mesure de l’adoption des technologies. Frédéric Bardeau, cofondateur et président de l’école Simplon, analyse la question au regard d’une étude menée avec Ifop.

Dévoilée début avril lors du Forum du Numérique en Commun à Chambéry, une étude* de l’Ifop et de l’école inclusive de formation au numérique Simplon révèle qu’un manque de compétences complique souvent le quotidien des Français et devient de plus en plus un frein pour trouver un travail ou évoluer dans un parcours professionnel. Selon ses résultats, 69 % des Français considèrent l’utilisation des outils numériques désormais indispensables dans leur vie quotidienne et 20 % d’entre eux jugent cela compliqué, voire stressant.

Une très large majorité des sondés reconnaît que ce manque de compétences peut constituer un frein dans plusieurs domaines de la vie, et en particulier dans la vie professionnelle : 88 % pour trouver un travail, notamment parmi les plus de 65 ans (92 %) et ceux se sentant compétents sur le numérique (90 %), 86 % pour évoluer professionnellement, et 78 % pour garder un travail.

Certes, près des trois quarts des Français affirment ne pas rencontrer de difficultés sur leurs compétences numériques et 12 % pensent même se situer au dessus de la moyenne. Les plus en plus en difficulté, à hauteur de 26 %, se retrouvent en particulier au sein de catégories éloignées de la « socialisation numérique », que ce soit à cause de leur âge (43 % des 65 ans et plus) ou de leur milieu social (35 % des personnes infra Bac). En revanche, les cadres expriment ne pas avoir de difficultés pour 94 %, tout comme ceux ayant suivi une formation sur le numérique (83 %).

Même les jeunes peuvent être à la peine

« La première difficulté en milieu professionnel, évoquée spontanément, est la maîtrise des outils et des équipements, confie Frédéric Bardeau, cofondateur et président de Simplon. Cela va de choses très basiques comme les codes professionnels autour des e-mails, à l’usage des logiciels – pas forcément bureautiques -, et aux équipements informatiques : la configuration des ordinateurs, l’usage des antivirus… Ce qui est intéressant, c’est que même les jeunes, les « digital natives », dont on dit qu’ils connaissent bien le numérique, peuvent rencontrer des probèmes dès qu’il s’agit de compétences quelque peu techniques, sortant de l’usage du smartphone et des réseaux sociaux ».

Dans le monde du travail, les compétences numériques sont perçues comme cruciales/très importantes particulièrement chez les femmes et les inactifs (retraités et chômeurs), pour évoluer professionnellement par les franciliens et les personnes CSP+ et, pour conserver son travail, par la classe moyenne, les cadres, les inactifs et les personnes de niveau Bac. La peur de perdre son travail transparaît aussi nettement dans l’étude. « Deux sentiments prédominent, note Frédéric Bardeau : la crainte du déclassement et des robots et, tous les métiers étant impactés par le numérique, la peur de ne pas maîtriser les compétences numériques nécessaires dans son travail ». En effet, dans les 10 ans qui viennent, neuf emplois sur dix nécessiteront de telles compétences, et selon le rapport sur l’avenir de l’emploi du Forum Économique Mondial, 50 % des employés auront besoin d’une requalification d’ici à 2025 au fur et à mesure de l’adoption des technologies.

Diagnostiquer les compétences numériques

Néanmoins, d’après l’étude, seuls 30 % des Français déclarent avoir suivi une formation liée à l’utilisation des outils numériques, dont 4 % seulement au cours de l’année écoulée. C’est le cas notamment des femmes (32 %), des cadres (47 %), des salariés du public (42 %), des plus aisés (34 %) et des diplômés du supérieur (42 %). La formation au numérique demeure donc largement ciblée vers les plus dotés en capitaux économiques et scolaires et vers ceux rencontrant le moins de problèmes dans ce domaine. Les formations sont largement suivies dans le milieu professionnel pour les salariés (78 %), ou au cours du parcours scolaire, que ce soit à l’occasion d’une formation universitaire (44 %) ou de la scolarité (42%).

Les personnes déclarant avoir été formées au numérique l’ont été dans le cadre d’une recherche/reconversion professionnelles, d’un changement de fonction, de la mise en place du télétravail ou d’une promotion professionnelle et celles qui ont été le moins formées appartiennent plutôt au secteur de l’agriculture. « C’est une critique souvent faite au système de formation en général, déclare Frédéric Bardeau : la formation ne touche pas sa vraie cible et ceux qui se forment le plus sont ceux qui en ont le moins besoin. Il existe un déficit de notoriété des formations et pour le pallier, je pense qu’il faut aller vers les gens. Pour les inactifs, Pôle emploi a commencé à faire le job avec des évaluations des compétences numériques pour les demandeurs d’emploi, comme Pix par exemple. Mais si on regarde du côté des actifs, très peu d’entreprises à ma connaissance, sauf de très grandes organisations intégrant une dimension sociale, font un diagnostic des compétences numériques de leurs salariés. Sinon, elle constateraient que 10 à 15 % d’entre eux sont très en difficulté et elles pourraient leur proposer des solutions de formation avec le CPF par exemple ».

 

Patricia Dreidemy

 

* Sondage mené les 24 et 25 février 2022 auprès d’un échantillon de 1 501 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.