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La crise sert de prétexte

Autrement dit, que la crise serve de prétexte à la négociation ou pas, il y a une pression forte des clients sur les fournisseurs. « Oui, les délais se sont allongés et les négociations sont devenues plus âpres », confirme Georges Epinette. « Dans notre association Ae-SCM (Association pour le eSourcing Capability Model, une autre association dont fait partie Georges Epinette, qui tient sa conférence annuelle le 27 novembre 2009 NdlR) nous avons fait un sous-référentiel contractuel, dans lequel à partir des pratiques que l'on déclare avoir sous contrôle, on génère automatiquement un squelette de contrat. Nous considérons qu'on passe beaucoup trop de temps inutilement sur les contrats : c'est pour cela que la charte Syntec- Cigref a des avantages. »

Élaborée en 2003, cette charte avait pour objectif de servir de code de bonne conduite entre utilisateurs, intégrateurs et éditeurs pour garantir le bon déroulement des projets informatiques. Il s'agit d'un ensemble de règles de bonnes pratiques édictées dans le respect mutuel, destinées notamment à mettre en évidence la valeur des SI. Cette charte a, à l'époque, été déclinée sous la forme de quatre mémentos (intitulés « Missions de conseil performantes », « Ingénierie et intégration de systèmes », « Contrats d’infogérance et de TMA » et « Sélection et mise en oeuvre de progiciels »). On relevait alors une certaine méconnaissance du mode de fonctionnement des éditeurs et des intégrateurs de la part des clients, qui étaient parfois pour la première fois dans des projets significatifs de mise en oeuvre de solutions de gestion. Il y avait donc aussi une dimension pédagogique dans la démarche.

« Ces éléments restent d'actualité aujourd'hui, pour plusieurs raisons » poursuit Michel Jardat. « D'abord, il y a une évolution du business model traditionnel des éditeurs, qui ne se cantonnent plus à la vente de licences et de maintenance. On a vu en effet le logiciel libre arriver en force et les types de contrats, avec l'arrivée du SaaS, considérablement évoluer. Le contrat SaaS par exemple, est un contrat de location et non plus en droit d'usage, ce qui remet en cause tout le modèle financier. Le Syntec Informatique conduit actuellement, dans le cadre de son plan triennal, une réflexion sur l'évolution du business model de l'édition, ses conséquences en interne chez l'éditeur et chez le client. Cette évolution, conjuguée à la tendance actuelle des utilisateurs à travailler avec des progiciels alors qu'il y a quelques années il y avait encore beaucoup de spécifique, justifierait que nous révisions notre charte commune avec le Cigref. »

Georges Epinette reste circonspect quant à la nécessité et surtout à l'intérêt pour les entreprises de tout renégocier : « On note un discours incantatoire dans de nombreuses entreprises sur la nécessité de réduire les coûts », poursuit-il. « Cette nécessité est évidemment la conséquence de la situation économique, mais c'est aussi une sorte de mimétisme et en fin de compte, cet effet dilue un peu le positionnement des systèmes d'information, qui sont là pour créer de la valeur et améliorer la performance.
Et qui dit réduction des coûts, dit obligatoirement vivre dans l'immédiateté. Or, notre mission, en tant que DSI, consiste évidemment à réduire les coûts, puisqu'il faut accompagner les efforts de l'entreprise, mais aussi à ne pas sacrifier l'avenir. La différence fondamentale que je vois entre les SI et le business d'une entreprise, c'est que les SI s'inscrivent dans une logique de long terme. Personnellement, je vois très clair sur ce que je vais faire avec les SI de mon entreprise en 2013 voire même en 2015. La crise nous ramène à des exigences court terme, qui peuvent altérer la stratégie que l'on a définie. »

Et Georges Epinette d'aller plus loin encore en intégrant les directions métier dans sa réflexion : « Ces comportements sont de nature à modifier les relations que nous avions avec nos directions métier voire avec notre DG : les directions métier ayant maintenant la pression, elles tendent aujourd'hui à agir en oukases et à instituer une relation clientfournisseur du type 'Je dirige, je commande, je paie'. C'est un danger.

Il faut en outre revoir complètement le concept d'alignement stratégique, qui ne veut plus dire grand chose puisqu'on est dans l'immédiateté. Il faut bien s'accrocher aux valeurs fondamentales de l'entreprise, quitte à abandonner un morceau de la stratégie que l'on avait fixée, mais rester quand même sur les fondamentaux, pour ne pas perdre son âme.

Il faut par ailleurs continuer à innover et le DSI a un rôle fondamental à jouer là dessus en période de crise, quitte à parfois dépenser encore plus aujourd'hui pour générer des économies demain. Et ça, c'est très difficile à justifier et à réaliser dans le contexte actuel, alors que l'entreprise raisonne sur des exercices de 12 mois et nous oblige à un ROI dans l'année. »