Le Sénat américain envisage d’étendre les restrictions à l’exportation de GPU à l’ensemble du monde. Si ce texte est voté, l’Europe ne pourrait plus importer de puces haut de gamme pour l’IA, dépendant alors exclusivement des hyperscalers américains.
Le Gain AI Act étend le barème TPP au monde entier
La proposition de loi, baptisée Gain AI Act, reprend le barème TPP (Total Processing Power) déjà appliqué à la Chine et aux pays considérés comme « ennemis » des États-Unis. Toute exportation de puces IA américaines dépasserait désormais un seuil fixé à 4800 TPP, soit la quasi-totalité des GPU destinés à l’entraînement de modèles d’IA en datacenter depuis le Nvidia A100 lancé en 2020.
Concrètement, les entreprises européennes ne pourraient plus acheter ces GPU, ni directement (comme OVHcloud, Scaleway ou Eviden), ni indirectement avec les serveurs Dell ou HPE qui les intègrent. Elles devraient alors se tourner vers les services d’entraînement IA proposés par les géants américains du cloud tels que AWS, Azure, Google Cloud, OCI ou CoreWeave.
Alliés rétrogradés, seuils abaissés
Mais ce n’est pas tout ; le texte durcit également les restrictions. Les pays alliés de Washington, jusqu’ici exemptés de quotas, seraient rétrogradés au même niveau que les « ennemis ». Les seuils seraient encore abaissés pour certaines puces plus petites, afin d’éviter que leur agrégation permette de contourner les limites.
Une clause qui renforce la dépendance
L’autre disposition controversée, c’est qu’aucune puce ne pourrait être exportée tant que la demande américaine pour ce modèle n’aurait pas été satisfaite. Or, les tensions sur l’offre viennent surtout de l’insatiabilité des hyperscalers américains, qui captent déjà environ 75 % de la production haut de gamme de Nvidia avant même sa mise en vente, et de la dépendance à la capacité de production limitée de TSMC en 3 nm.
Continuité politique et enjeu de souveraineté
Cette proposition de loi s’inscrit dans la continuité de l’AI Diffusion Rule votée sous Joe Biden, qui fixait des quotas d’exportation. Elle pourrait désormais être instrumentalisée par l’administration Trump pour renforcer les barrières commerciales, comme ce fut le cas avec l’imposition de taxes sur les ventes de GPU à la Chine.
Autrement dit, si le Gain AI Act est adopté, l’innovation européenne en intelligence artificielle ne pourrait plus compter que sur les conditions fixées par Washington.