De pionnier de la signature électronique à acteur de la gestion intelligente des contrats, Docusign accélère sa transformation. Avec Intelligent Agreement Management (IAM) et son moteur d’IA Iris, l’entreprise veut s’imposer comme la référence mondiale d’un marché en pleine mutation. Nous avons recueilli la vision d’Allan Thygesen, CEO de Docusign, et de Stéphane Barberet, General Manager EMEA, qui détaillent respectivement la stratégie globale et l’ancrage européen de l’entreprise.
Un marché à réinventer
Pour Allan Thygesen, le constat est sans appel : « La prochaine étape pour Docusign, c’est la gestion des accords. Nous avons développé une plateforme de bout en bout qui couvre l’intégralité du cycle de vie contractuel, de la création à la gestion continue. »
Selon lui, les pertes liées à des pratiques contractuelles inefficaces se chiffrent à près de 2 000 milliards de dollars par an dans le monde. « Nos clients nous disent directement que de mauvais processus contractuels nuisent à leur activité. Ils perdent des opportunités de vente, des clients, des économies et même des talents, à cause de procédures trop lentes et trop lourdes. »
C’est pour répondre à ce problème que Docusign a lancé IAM, présenté comme « la première solution intégrée capable de relever ces défis grâce à une approche unifiée ». Déjà, plus de 10 000 clients l’ont adoptée, preuve que le besoin est massif et transversal.
Iris : une IA qui comprend les contrats
Dans un marché où beaucoup d’acteurs misent sur des modèles d’IA généralistes pour générer ou analyser du texte, Docusign revendique une approche spécialisée. « Nous avons lancé cette année Docusign Iris, un nouveau moteur d’IA déjà disponible en France. Iris a été conçu spécifiquement pour les accords et s’appuie sur plus de vingt ans d’expertise contractuelle », explique Allan Thygesen.
Ce positionnement tranche avec les solutions plus horizontales : là où les modèles génériques se contentent de traduire ou reformuler, Iris est capable de :
« traiter, réviser et analyser les contrats — non pas simplement traduits, mais réellement compris — dans les langues locales, avec toutes leurs nuances et leur contexte ».
Lancé en 2025, Iris alimente déjà plusieurs nouveautés. Navigator, disponible, permet d’explorer les contrats existants et d’en extraire des données clés. Agreement Desk, attendu en octobre, intégrera la révision assistée par IA dans Microsoft Word pour accélérer la création et la négociation des contrats. Enfin, Workspaces, prévu en décembre, proposera un espace collaboratif unique pour fluidifier les transactions complexes.
L’Europe, entre retard et avantage stratégique
Pour Stéphane Barberet, le retard européen en matière d’IA est en train de se combler rapidement. « L’Amérique du Nord a peut-être été la première à adopter largement l’IA, mais l’Europe est en train de rattraper son retard », observe-t-il. La différence se joue ailleurs : « Ici, les entreprises mettent clairement l’accent sur une adoption responsable de l’IA, alignée sur des cadres réglementaires en constante évolution tels que l’AI Act européen et le RGPD. »
Cette rigueur pourrait même devenir un avantage compétitif. « Cette clarté réglementaire est en train de devenir un atout stratégique. Les entreprises basées en Europe gagnent la confiance de leurs clients car elles intègrent dès le départ la transparence, l’éthique et la protection des données dans leurs systèmes d’IA. »
Transparence et humain au cœur
La question de la conformité reste centrale. « Chez Docusign, la conformité et la confiance sont intégrées à tout ce que nous faisons », insiste Stéphane Barberet. L’entreprise s’appuie sur des certifications locales comme celle de l’ANSSI en France, et sur des standards internationaux tels que le cadre de gestion des risques du NIST. Elle revendique aussi une « politique d’IA responsable » pensée pour évoluer avec les réglementations.
Dans le prolongement, Allan Thygesen met l’accent sur la dimension humaine : « Chez Docusign, nous savons que la confiance est essentielle. C’est pourquoi nous concevons nos expériences d’IA avec l’humain dans la boucle. Une IA efficace doit rester un outil, pas un décideur. » Selon lui, l’IA doit prendre en charge les tâches répétitives et fastidieuses, tandis que l’humain conserve son rôle de jugement et de décision.
Des résultats déjà tangibles
Les premiers cas clients montrent l’impact concret de cette stratégie. Aux États-Unis, la société de gestion de patrimoine KPC Private Funds a réduit de 70 % le temps d’onboarding de ses clients en automatisant ses processus. La coopérative financière Metro Credit Union a, de son côté, gagné 75 % d’efficacité opérationnelle en seulement quatre semaines d’utilisation d’IAM.
En Europe, plusieurs exemples confirment la tendance. L’assureur Covéa Group a déployé la signature électronique de Docusign auprès de ses 24 000 collaborateurs, avec des gains de productivité considérables. Au Portugal, Ikea a numérisé l’intégralité de ses processus contractuels RH : les délais de traitement sont passés de quatre jours à deux, certains accords étant désormais signés en quelques minutes. Enfin, le spécialiste de l’intelligence des processus Celonis a réduit ses délais de signature de 48 heures à seulement cinq heures grâce à Docusign CLM et eSignature for Salesforce.
Vers un écosystème élargi
Pour Docusign, la prochaine étape est collective. « Notre écosystème de clients, de partenaires et de développeurs est essentiel au succès et à l’avenir de la gestion intelligente des accords », explique Allan Thygesen. En Europe, l’entreprise vient de lancer un nouveau programme partenaire, articulé autour de trois axes — Construire, Vendre, Servir — pour favoriser les intégrations, les ventes complexes et les déploiements experts.
Une Université Docusign a également été créée, avec des formations et certifications spécifiques à IAM. « Ces accréditations donnent à nos partenaires un avantage concurrentiel et une expertise produit plus approfondie », souligne Stéphane Barberet. L’ambition, c’est d’accélérer l’adoption de la plateforme, en particulier en Europe et en France, où les besoins sont immenses.
Une nouvelle ère contractuelle
Avec IAM et Iris, Docusign assume de transformer le contrat en actif stratégique. Là où il était vu comme une contrainte administrative, il devient une source de croissance, de productivité et de confiance. Pour Allan Thygesen, l’IA appliquée à la gestion contractuelle ouvre une nouvelle phase : « Nous transformons des données contractuelles jusqu’ici dormantes en intelligence exploitable, capable d’améliorer la prise de décision et de créer de nouvelles opportunités. »
Pour les entreprises françaises et européennes, l’enjeu est désormais de taille : libérer la valeur enfermée dans leurs contrats, et faire de la conformité non plus un fardeau, mais un levier compétitif.