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Région du Grand Ouest : un Far-West impitoyable pour les recruteurs d’équipes IT

La pénurie de talents pousse fortement les salaires à la hausse dans l’Ouest de la France. Offrir des conditions de travail attractives, s’ouvrir à la diversité et fidéliser ses collaborateurs sont des solutions pour éviter de se retrouver le bec dans l’eau dans la chasse à l’oiseau rare.

La région du Grand Ouest devient un Far-West impitoyable pour les recruteurs d’équipes IT. Comme en 2021, le marché du recrutement informatique dans le Grand Ouest est en très forte tension. Le cabinet de recrutement spécialisé basé à Nantes Externatic observe dans son étude annuelle une augmentation de 10 à 20 % de certains salaires entre 2021 et 2022. En cause, la rareté des profils techniques face à la toujours plus forte demande des entreprises. L’enquête a été réalisée de mai 2021 à mai 2022, à travers des entretiens avec 2 052 candidats et 350 recrutements effectués sur le Grand Ouest (Nantes, Bordeaux, Angers, Rennes, La Roche-sur-Yon…).

Au palmarès des postes les mieux payés (rémunération supérieure à 55 K€ pour un profil expert, avec 10 ans d’expérience) figurent des fonctions variées. Il y a l’architecte technique, les postes de management (directeur de projets, directeur technique) ou encore le product manager. Côté commercial, les business développeurs tirent leur épingle du jeu. Côté data, les data architectes et Chief Data Officers sont aussi rémunérés rubis sur l’ongle. Côté production et R&D, les fonctions de DevOps/ Site Reliability Engineer (SRE) sont les mieux payées.

L’essor de la famille des Ops

FinOps, DevOps, DevSecOps : ces méthodes et postes associés se sont particulièrement développés cette année. En effet, l’essor des logiciels SaaS nécessite des profils experts en infrastructure et cloud. Et l’optimisation de ces nouvelles technologies nécessite de bien gérer les coûts, l’automatisation et la sécurité.

Les salaires des profils tests / Quality Assurance (QA) rejoignent ceux des développeurs. Les exigences de qualité ont pris plus d’importance. Le testeur doit être en mesure de s’interfacer avec le produit, les développeurs et les DevOps. Son niveau de compétences augmente donc. Or, peu de profils sont formés sur le marché.

Selon Externatic, la tendance à la spécialisation s’accroît : les développeurs full stack par exemple sont devenus rares au profit d’experts orientés plutôt front end ou back end.

Donner du sens

Le cabinet de recrutement livre son analyse du marché. Les profils Tech ne cherchent pas que le meilleur salaire, mais aussi du sens à leur mission, un équilibre entre vies professionnelle et personnelle, du temps libre et un environnement de confiance. Sur un marché où ils sont très sollicités, ils prennent confiance en leur valeur, demandant des salaires plus élevés. Ils gagnent en rémunération à chaque changement de poste. Certains candidats développeurs se présentent en entretien avec des prétentions salariales plus élevées que les managers qu’ils rencontrent !

Les entreprises n’ont pas ou plus de marge de négociation. Pour garder leurs talents, elles doivent soit s’aligner sur les propositions de leurs concurrents, soit laisser partir leur collaborateur pour garder une cohérence sur la grille des salaires. Ce phénomène tire encore plus les salaires vers le haut : près de 100 KE en province à des postes de développeur est un chiffre inenvisageable il y a quelques années. « Cette année, le salaire d’un de nos candidats dans son entreprise est passé de 50 KE à 75 KE sur la présentation d’une offre d’un potentiel recruteur, » remarque Benjamin Casseron, associé chez Externatic.

Quelques exemples de salaires. Etude 2022 d’Externatic sur le Grand Ouest

Candidats en mode projet et freelancing

Les candidats sont plus volatiles. Ils fonctionnent en mode projet et n’hésitent pas à quitter leur employeur, si leur poste leur semble moins attractif, sans perspectives claires de progression, ou ne sont pas en phase avec l’orientation produit ou le management. Le cabinet constate une augmentation des fins de période d’essai à l’initiative des candidats.

Et de plus en plus de professionnels expérimentés deviennent freelances, souhaitant s’émanciper par rapport à un employeur, choisir leurs missions et un meilleur équilibre vie professionnelle / vie privée.

Trop de sollicitations tuent les sollicitations

Quand les profils Tech se mettent à l’écoute du marché, ils reçoivent des dizaines de messages. Quand ils ont jusqu’à dix processus de recrutement en parallèle à gérer, cela devient compliqué entre les tests techniques à réaliser, les rencontres avec les opérationnels et les ressources humaines. Certains préfèrent dire stop aux sollicitations pour éviter la confusion. D’autres candidats arrivent en entretien sans s’être renseignés sur l’entreprise, ou ne viennent pas aux entretiens prévus.

De bonnes conditions de travail et du télétravail

Les Romains voulaient du pain et des jeux, aujourd’hui les pros veulent des conditions de travail agréables et des impacts positifs ! Le travail doit être stimulant, permettant de se développer, de s’épanouir, d’être fier de ses réalisations et d’améliorer son employabilité. Le développement durable doit être pris en compte. Le recruteur doit mettre en avant sa vision, ses valeurs et son impact bénéfique sur la société.

L’environnement de travail doit être sain et attirant, faciliter la vie des salariés : semaine de 4 jours, congés associatifs, flexibilité des horaires, formation et évolution interne…

Les candidats veulent converser la flexibilité du télétravail obtenue lors de la crise sanitaire. Moins de stress, de temps de transport et plus de temps pour leur vie personnelle… Répondre à cette exigence du travail à distance est un facteur d’attractivité notable. Si beaucoup d’entreprises privilégient le travail hybride, comme d’ailleurs certains candidats, elles doivent proposer des postes en full remote pour répondre aux attentes d’autres profils.

S’ouvrir à la diversité

Malgré des efforts sur les salaires et les conditions de travail, il reste difficile de recruter. La solution : s’ouvrir à la diversité. Il s’agit d’abord de recruter des profils plus jeunes et/ou moins expérimentés, à potentiel, à faire monter en compétences. Ensuite, avec le full remote, le vivier de candidats n’est plus limité localement. Enfin, l’ouverture aux talents étrangers passe par leur sourcing, leur qualification et leur accueil. Ce qui demande de créer des équipes internationales de recrutement pour détecter des profils rares et des équipes juridiques et administratives pour faciliter l’intégration et l’installation en France. A titre d’exemple, le Canada a développé des solutions pour attirer des profils venant de partout dans le monde.

Complétons l’analyse du cabinet : la diversité passe également par la pêche aux profils non techniques qui ne demandent qu’à être formés. Les chômeurs en reconversion, profils non titulaires d’un bac+5 technologique, issus des quartiers prioritaires de la ville, et les femmes sont encore trop peu répandus dans les équipes IT.

Fidéliser ses collaborateurs

Autre axe à ne pas négliger, la rétention des talents : le turnover augmente au même rythme que la tension du marché. Il n’est plus rare de constater des turnovers de 30-35 %. En parallèle, compte-tenu des difficultés à recruter, les entreprises n’hésitent plus à faire des contre-propositions aux démissionnaires.

S’adapter ou mourir

A l’avenir, le cabinet mise sur un écart entre l’offre et la demande qui devrait rester important. Aussi l’adaptation des entreprises (télétravail, avantages, diversité, formation…) sera la clef du succès de leurs recrutements. L’évolution des technologies se fait à grande vitesse, il est temps pour les recruteurs de mettre le pied sur l’accélérateur.

 

 

Christine Calais