La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) vient de publier un arrêt qui impose aux fournisseurs de services numériques de prendre en compte les besoins des entreprises tierces souhaitant utiliser les services.
“Le refus d’une entreprise en position dominante, qui a développé une plateforme numérique, de permettre l’accès à cette plateforme, en refusant d’assurer l’interopérabilité de celle-ci avec une application développée par une entreprise tierce, peut constituer un abus de position dominante, alors même que la plateforme n’est pas indispensable à l’exploitation commerciale de l’application” juge la CJUE.
La Cour qualifie qu’un abus peut être constaté lorsque la plateforme a été développée dans la perspective de permettre son utilisation par des entreprises tierces et qu’elle est de nature à rendre l’application plus attractive pour les consommateurs.
Toutefois, le refus peut être justifié par l’inexistence d’un modèle pour la catégorie des applications concernées au moment de la demande d’accès par l’entreprise tierce, “lorsque l’octroi de l’interopérabilité compromettrait la sécurité ou l’intégrité de la plateforme, ou encore lorsqu’il serait impossible pour d’autres raisons techniques d’assurer cette interopérabilité”.
Dans tous les autres cas, “l’entreprise dominante doit développer un tel modèle, dans un délai raisonnable nécessaire à cet effet et moyennant, le cas échéant, une contrepartie financière appropriée” explique la CJUE. “Doivent être pris en compte dans ce cadre les besoins de l’entreprise tierce ayant demandé ce développement, le coût réel de celui-ci et le droit de l’entreprise en position dominante d’en retirer un bénéfice approprié”.
Les géants du numérique visés
Cette décision est générée par le litige opposant Google et Enel, datant de 2018. Google a refusé d’assurer l’interopérabilité de l’application JuicePass qui permettait aux conducteurs de véhicules électriques de localiser et réserver des bornes de recharge avec Android auto. L’Autorité italienne de la concurrence (AGCM) avait condamné Google à une amende de 102 millions d’euros pour abus de position dominante. La décision a été contestée par l’entreprise devant le Conseil d’État italien. Ce dernier a saisi la CJUE pour clarifier le cadre juridique applicable.
La CJUE vise ainsi directement les géants du numérique mais aussi d’autres acteurs des secteurs bancaires, santé, etc. qui contrôlent des écosystèmes fermés. La Cour contraint ces acteurs à ouvrir davantage leurs plateformes à des services tiers y compris concurrents.
Par ailleurs, elle renforce la DMA récemment entrée en vigueur qui impose de garantir l’interopérabilité entre les services des plateformes et les entreprises tierces.
Les startups et éditeurs disposent désormais d’un outil pour exiger un accès aux plateformes pour déployer plus rapidement leurs solutions.