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Le Conseil national du numérique explore les interactions entre humains et machines au travail

On parle souvent d’homme augmenté par les technologies numériques mais au final, les machines ne risquent-elles pas de diminuer les capacités humaines ? Dans son rapport « Humains et machines. Quelles interactions au travail ? », le CNNum identifie dix leviers pour rendre les travailleurs acteurs de leur relation au numérique.

Dans la relation hommes-machines au travail, on ne voit souvent que la face émergée de l’iceberg : la crainte que certains emplois disparaissent et que, pour d’autres, les machines prennent le dessus sur l’être humain. Alors qu’une autre question se cache derrière l’automatisation, l’usage des outils numériques et l’avènement de l’IA. Celle des interactions nouvelles qui apparaissent et de leur impact sur les différents types de travailleurs.

Le Conseil national du numérique a identifié cette problématique et réalisé un dossier qui analyse comment nos corps interagissent avec les outils numériques dans l’environnement professionnel et comment nous collaborons dans ce contexte. Il délivre ses conseils sur la façon dont les humains et les machines peuvent coexister au travail et sur la manière de repenser les organisations de demain à travers ces dispositifs numériques.

Olga Kokshagina

« Nous avons pu discuter avec une quarantaine d’experts, dont quelques entreprises, mais aussi des organismes syndicaux et des chercheurs qui étudient ces sujets avec les entreprises », raconte Olga Kokshagina, chercheuse en management et membre co-pilote du dossier. Pour sa part, elle travaille plutôt avec les managers et les cadres et elle constate que les impacts sont différents selon les « populations » de l’entreprise.


Favoriser le dialogue et la co-création avec les collaborateurs

« Par exemple, les employés dans les entrepôts peuvent aujourd’hui être guidés par des applications à commande vocale, quand auparavant ce sont eux qui décidaient de la manière dont ils organisaient leur travail, explique-t-elle. Il n’ont donc pas forcément une « agentivité » (ndlr : la capacité d’être acteur de son propre environnement) pour changer, adapter et trouver eux-même la façon la plus efficace de remplir leurs tâches ». Sans parler de la possibilité de surveillance de l’activité des employés grâce à ces machines.

Sur les impacts pour les managers, certains syndicats interrogés dans le cadre du rapport estiment que si le numérique offre aux managers de nouveaux outils pour encadrer leurs équipes, cela efface leur prise de décision. On leur demande de se baser sur des données algorithmiques pour prendre des décisions, alors qu’ils peuvent avoir au quotidien une vision différente de leurs équipes.

Le CNNum encourage dans son rapport à un dialogue plus intense et plus large, à accorder plus de protection et de choix aux travailleurs et à nourrir les rapports professionnels d’un regain de confiance plutôt que de surveillance. « Il faut inclure les collaborateurs dans la prise de décision d’implémenter telle machine ou tel outil numérique, les impliquer dans leur conception et leur mise en place, et également créer ensemble des dispositifs d’amélioration continue », estime Olga Kokshagina. Le CNNum va poursuivre ses travaux au travers du Conseil National de la Refondation, dont l’un des trois thèmes du volet numérique porte sur les transitions numériques au travail.

 

Les dix leviers identifiés par le CNNum

1. Impliquer les travailleurs concernés le plus en amont possible dans la conception et le déploiement de leurs outils 
2. Former l’ensemble des parties prenantes (travailleurs, managers, partenaires sociaux, médecins du travail…) à leur usage 
3. Réaliser une étude d’impact préalable à leur déploiement, intégrant notamment leurs effets potentiels sur le travail mais également sur les interactions au sein des équipes et les dynamiques collectives
4. Mettre en place un dispositif de remontée continue d’informations sur la façon dont les travailleurs vivent leur relation aux outils numériques 
5. Accompagner le déploiement d’un travail hybride, entre télétravail et présentiel, qui ne soit pas subi mais source d’opportunités et d’accroissement de la qualité de vie au travail et dans la vie personnelle 
6. Assurer l’effectivité d’un dialogue social ouvert à plusieurs niveaux, régulier et transparent incluant l’ensemble des parties prenantes concernées par les outils numériques 
7. Faire du numérique au travail un pilier de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises 
8. Rendre la régulation sur les outils numériques de travail efficace et effective, en clarifiant les dispositions préexistantes en matière de droits et libertés numériques applicables dans un contexte de travail, en les renforçant et en assurant que ceux qui utilisent les outils soient impliqués dans la conception et la mise en œuvre de la régulation 
9. Accroître la vigilance et l’effectivité des droits des travailleurs en matière de surveillance au travail
10. Encourager et approfondir la recherche sur les outils numériques de travail et leurs apports et impacts sur les travailleurs

 

Patricia Dreidemy