Un collectif de 20 organisations relance le débat sur la dépendance à Microsoft Windows : elles invitent les particuliers, entreprises et pouvoirs publics à basculer vers le logiciel libre. Derrière le discours, c’est une remise en cause, à la fois politique, économique et écologique, du modèle imposé des licences payantes.
Une mobilisation née de la fin de vie de Windows 10
Le 4 décembre 2025, un collectif de vingt organisations, parmi lesquelles HOP, APRIL, UFC-Que Choisir et Emmaüs Connect, relance frontalement le débat sur la dépendance aux systèmes propriétaires. Elles dénoncent la « taxe Windows », c’est-à-dire la situation où l’achat d’un ordinateur impose automatiquement le paiement d’une licence Windows, que l’utilisateur en ait besoin ou non. Leur appel vise à réintroduire un véritable choix : pouvoir acheter une machine sans OS préinstallé, connaître le coût exact de la licence et envisager des alternatives libres dès l’acquisition.
À l’origine de cette mobilisation, la fin programmée du support gratuit de Windows 10. Des millions d’appareils encore pleinement fonctionnels se retrouvaient brusquement condamnés, sauf à passer à un nouveau système ou à souscrire un maintien de sécurité payant. La pétition lancée à la rentrée, largement relayée et soutenue par plus de 50 000 personnes, a poussé Microsoft à accorder un sursis d’un an pour les mises à jour de sécurité. Pour le collectif, ce délai ne règle toutefois rien. Il ne s’agit que d’une extension provisoire, qui reporte mais n’annule pas l’obsolescence technique induite.
Un modèle économique remis en question
Le texte publié par les organisations met en cause un modèle économique bien installé, où la vente du matériel s’accompagne presque systématiquement d’une licence logicielle imposée. Ce couplage, affirment-elles, pèse sur les ménages modestes, réduit la marge de manœuvre des administrations et alourdit les dépenses des entreprises. Il impose de fait un choix logiciel par défaut, sans transparence sur son coût réel, et sans possibilité simple de s’y soustraire.
Cette critique intervient dans un contexte où la dépendance aux solutions propriétaires suscite un débat plus large. Le surcoût lié à la licence, l’obligation de migrations régulières, et le manque de alternatives visibles renforcent un sentiment d’injustice, particulièrement dans les secteurs publics ou associatifs où chaque euro compte.
L’obsolescence logicielle, angle mort de la transition écologique
Pour les signataires, l’impact écologique d’une telle dépendance est désormais impossible à ignorer. L’arrêt des mises à jour de Windows 10 ne concerne pas seulement des questions de sécurité, il entraîne un renouvellement forcé de millions d’ordinateurs encore opérationnels, uniquement pour des raisons logicielles. À l’échelle d’un pays, cela signifie davantage de déchets électroniques, une pression accrue sur les chaînes d’approvisionnement, et une intensification des émissions liées à la production de nouveaux équipements.
Le collectif souligne qu’une politique de maintien logiciel plus longue, ou l’adoption de systèmes libres capables de prolonger la durée de vie des machines, pourrait réduire fortement cet impact. L’obsolescence logicielle devient ainsi un enjeu écologique autant qu’économique.
Le logiciel libre comme outil de souveraineté
L’appel rappelle également que la question dépasse la seule dimension technique. La dépendance imposée à un éditeur unique pose des enjeux de souveraineté numérique. En l’absence de choix lors de l’achat, les utilisateurs se retrouvent enfermés dans un écosystème dont ils ne maîtrisent ni le calendrier, ni les conditions d’usage, ni les évolutions tarifaires. À l’inverse, les solutions libres offrent une autonomie accrue : elles permettent d’auditer le code, d’adapter les systèmes, de prolonger les usages et d’échapper aux logiques de verrouillage.
Pour les organisations signataires, cette autonomie n’est pas un luxe mais une nécessité. Dans un contexte de tensions économiques et géopolitiques, pouvoir contrôler ses outils numériques apparaît comme un élément essentiel de résilience.
Une pression croissante sur les constructeurs et les pouvoirs publics
Cette mobilisation pourrait désormais infléchir les pratiques du marché. Les organisations appellent les fabricants à proposer des ordinateurs « nus », sans système préinstallé, ou équipés de solutions libres dès l’origine. Elles invitent aussi les pouvoirs publics à se saisir du sujet, notamment pour encadrer la vente liée matériel + licence et encourager l’usage de systèmes ouverts dans les administrations.
Le mouvement, porté à l’origine par l’urgence autour de Windows 10, s’inscrit désormais dans une réflexion plus large sur la place des géants du numérique, la durée de vie des équipements et la capacité des citoyens à choisir leurs outils. Il révèle un basculement culturel où la dépendance à un écosystème propriétaire n’apparaît plus comme une fatalité, mais comme un choix. Pour le collectif, il est temps que ce choix redevienne accessible à tous.








