L’intelligence artificielle générative (IAG) apporte-t-elle de la valeur et va-t-elle créer ou détruire de l’emploi ? L’Unédic fait le point en analysant une série de travaux récents.
“La littérature sur le sujet s’accorde unanimement sur la surexposition des femmes à l’IA générative (IAG), en raison de leur présence plus marquée dans des emplois susceptibles d’être largement automatisés. Toutefois, cette hypothèse pourrait être remise en question ou atténuée si le potentiel de l’IAG s’avérait encore plus vaste que prévu et si son adoption par les entreprises était totale. Par ailleurs, une convergence de vues émerge sur la vulnérabilité accrue des seniors, souvent perçus comme moins enclins à s’adapter aux transformations du marché du travail.” Tel est le terrible constat de l’étude menée par l’Unedic fondée sur les principales études mondiales sur le sujet.
À l’instar des précédentes révolutions technologiques, l’IAG est attendue pour générer des gains de productivité significatifs, en parallèle de ses effets sur l’emploi. “Tous les travaux recensés pour cette revue de la littérature concluent à un effet positif de l’IAG sur la productivité du travail, qu’ils relèvent d’une approche macroéconomique ou microéconomique. En revanche, les ordres de grandeurs divergent – parfois sensiblement, ce qui peut notamment être imputable à la modélisation utilisée. La Commission IA estime
ainsi que l’IAG pourrait se traduire par un gain de productivité allant de 0,5 % à 1,3 % par an, de sorte que la productivité française augmenterait de moitié, voire pourrait plus que doubler par rapport à sa tendance des années 2010 (1,0 % par an). La fourchette est encore plus large pour McKinsey avec des gains estimés entre 0,2 % et 3,1 % selon le scénario de rythme de déploiement de l’IAG” affirme Laure Baquero, autrice de l’étude.
Les gains de productivité liés à l’IAG pourraient s’opérer via deux principaux mécanismes. La substitution totale ou partielle des tâches sur le marché du travail :
– Les tâches automatisées seraient exécutées plus efficacement par l’IAG que par les travailleurs, nécessitant ainsi moins de main-d’œuvre pour un volume de production équivalent, voire supérieur.
– Les employés dont les tâches sont complétées par l’IAG disposeraient de davantage de temps pour se concentrer sur des missions à plus forte valeur ajoutée, augmentant ainsi leur productivité.
Des employés augmentés
L’IA pourrait également accompagner les actifs à s’améliorer, notamment les personnes les moins qualifiés. Une expérimentation menée dans un centre d’appels, un secteur marqué par un fort turnover et une faible productivité des nouveaux employés, a montré que l’IAG pouvait homogénéiser les niveaux de performance. En augmentant la productivité des employés les moins performants et en favorisant la diffusion des bonnes pratiques des travailleurs les plus efficaces, l’IAG contribue à réduire la rotation du personnel. Cependant, ces résultats restent limités au niveau microéconomique et ne peuvent être automatiquement extrapolés à l’échelle macroéconomique.
Une transformation continue
Un autre effet, par exemple, est analysé par McKinsey. Le cabinet anticipe une hausse de la demande pour les emplois à hauts revenus et une baisse pour ceux à rémunération intermédiaire en Europe, y compris en France. “Cette dernière se distinguerait de la quasi-totalité des pays européens puisque l’IAG y impliquerait également une progression de la demande des emplois associés aux plus bas salaires – sans que la raison soit explicitée. Enfin, en se substituant à certains travailleurs, l’IAG transfèrerait une partie des revenus du travail vers le capital et pourrait ainsi favoriser les inégalités de revenu entre travail et capital“.
De manière étonnante, les créations d’emplois liées à l’IA sont peu étudiés. La difficulté à quantifier les emplois menacés par l’automatisation réside dans l’incertitude entourant les limites de l’IAG. Il est donc encore très difficile d’anticiper la nature et le volume des nouveaux emplois qui émergeront de cette transformation.
L’IAG remodèlera l’organisation du travail
Les études sur l’impact de l’IAG se concentrent majoritairement sur l’automatisation des tâches, sans prendre en compte les transformations organisationnelles qu’elle pourrait engendrer. Or l’IAG remodèlera certaines professions, mais également l’organisation du travail au sein des entreprises, avec des effets potentiels sur la productivité. “De fait, les évaluations des effets de l’IAG sur l’emploi présentées précédemment sont des études ex-ante puisque la révolution IAG n’en est qu’à ses débuts. Les transformations organisationnelles ne seront donc perceptibles que lorsqu’elles seront en bonne partie déployées, reportant d’autant l’intégration éventuelle de cette composante dans les études d’impact qui seront réalisées a posteriori“.
Les bouleversements induits par l’IAG en font un nouvel élément structurel influençant le marché de l’emploi et le chômage.