Accueil Recrutement Emplois : la French Tech n’est pas un long fleuve tranquille

Emplois : la French Tech n’est pas un long fleuve tranquille

Loin s’en faut ! Entre licenciements massifs, nouvelles embauches et prévisions de recrutements d’ici un an, Emplois Numériques fait le point à l’aube d’un été qui s’annonce très chaud.

« La French Tech licencie à tour de bras, affirmait ces jours-ci sans détour Adrien Touati, cofondateur de la fintech manager.one, sur son fil Linkedin. Nous recevons de nombreuses candidatures de talents dont la période d’essai a été stoppée brutalement. Nous avons vécu des années folles avec des valorisations délirantes et des financements irrationnels. Certaines de nos licornes licencient après avoir levé des dizaines, voire des centaines de millions d’euros. Bon nombre d’acteurs ont embauché de façon effrénée sans se soucier de la place de l’humain dans les organisations ou du mal qu’ils faisaient à tout un écosystème confronté à la pénurie des talents et l’envolée injustifiée des salaires ».

Pour Adrien Touati, ces recrutements en masse ont été le résultat d’un manque de maturité de certaines startups, poussées vers une croissance forcée et des embauches inconsidérées par certains fonds Venture Capital. « La période va être agitée, estime-t-il, mais je crois sincèrement que les acteurs solides avec des valeurs en sortiront plus forts. La fête est finie, les modèles basés sur une source de financement intarissable vont au tapis les uns après les autres, les modèles à l’équilibre et bénéficiaires sont désormais de mise ».

Licenciements versus recrutements

De son côté, le baromètre Numeum du mois de juin sur l’emploi dans les startups de la French Tech, réalisé avec U Change, note qu’après un début d’année très dynamique, suivi d’une inflexion notable en avril, un net rebond a eu lieu en mai et s’est confirmé en juin. Selon le baromètre, avec plus de 6 000 créations nettes, le mois de juin pèse à lui seul plus de 30 % du total des emplois créés depuis janvier 2023. La dégradation observée en avril a rapidement été effacée, puisque plus de 14 000 emplois ont été créés entre mai et juin, soit 75 % du total depuis le début d’année.

« Cet écart entre la perception des uns et la réalité mesurée est en tant que tel particulièrement intéressant, commente pour Emplois Numériques Guillaume Buffet, président de U Change, qui nous explique la méthodologie employée pour le baromètre.
« Nous recueillons le déclaratif des collaborateurs des startups. Si la startup X est comptabilisée avec N collaborateurs en juin, ce sont les N personnes qui déclarent sur leur Linkedin travailler pour elle. Nous vérifions chaque mois la cohérence des données et réalisons des tris spécifiques, par exemple pour le French Tech 120. Nous constatons effectivement les plans de licenciements annoncés, en général avec 2 à 3 mois de décalage, le temps qu’ils soient opérationnels. Il y a en effet des startups réputées qui dégraissent fortement. Mais force est de constater, qu’en parallèle, de nombreuses autres recrutent ».

50 000 nouveaux emplois d’ici à juin 2024

Dans le même temps, France Digitale (la plus grande association de startups et investisseurs en Europe) et Actual Group (acteur sur le marché du travail et de l’emploi en France) viennent de publier fin juin une étude révélant que plus d’un million d’emplois, directs et indirects, ont été créés en France grâce aux startups. « Il s’agit de 400 000 emplois directs dans les startups, 400 000 emplois directs générés auprès des fournisseurs et prestataires des startups et enfin 300 000 emplois indirects générés auprès des fournisseurs et prestataires de ces mêmes fournisseurs et prestataires », précise à Emplois Numériques Bruno Sola, Chief digital officer chez Actual Group. Les freelances sont compris dans les 400 000 emplois dans les startups. Et d’après l’étude, celles qui lèvent des fonds créent 2,5 fois plus d’emplois.

Intitulée « L’emploi dans les startups en France en 2023 », l’enquête prévoit la création a minima, d’ici un an, de 50 000 postes supplémentaires par les jeunes pousses, dont un tiers en dehors de l’Ile-de-France. Une estimation basée sur les déclarations d’intention des entreprises ayant levé des fonds depuis 2021. «  Ce sont celles qui ont le plus de visibilité aujourd’hui car elles ont confirmé leur business model et ont la confiance du marché (des investisseurs) », explique Bruno Sola. Nous savons que la demande de compétences numériques est plus nombreuse, mais là, on parle de ce qui certain ».

Les startups françaises sont aujourd’hui à l’origine de plus d’un million d’emplois, partout en France, et dans tous les secteurs, en particulier dans celui du logiciel et des technologies de l’information (qui comprend notamment les startups du SaaS, de l’IA, du gaming, des apps, de la cyber, de la blockchain, du cloud et de l’IT) suivi par les services, l’industrie, la finance et la santé. @France Digitale-Actual Group

Retour aux fondamentaux

L’étude présente pour la première fois les cinq métiers dont les startups auront de plus en plus besoin dans les trois années à venir (lire encadré), au-delà des métiers tech classiques toujours pénuriques : les comptables carbone et biodiversité, signe de la place grandissante de la RSE et des reporting extra-financiers ; les X-Ops pour améliorer l’efficacité et l’exécution opérationnelle des équipes ; les directions d’affaires publiques pour aider à anticiper les nombreuses réglementations dans le numérique ; les Chief freelance officers, pour accompagner l’aspiration grandissante des candidats à la flexibilité ; les Sales enablers », évolution des postes de commerciaux en facilitateurs de vente, pour gérer la transition vers une vente de plus en plus « consultative ».

Ce dernier métier de Sales enabler marque clairement une recentrage des startups sur les fondamentaux. « Avoir comme projet de créer une solution innovante pour résoudre une problématique, c’est bien mais faire en sorte qu’elle soit génératrice de profit, c’est mieux. En clair, il faut vendre, générer du chiffre d’affaires et je pense qu’on l’a quelque peu oublié dans la nouvelle économie, déclare Bruno Sola. Les startups créent toujours de l’emploi mais d’un autre côté, on assiste à un alignement de leur modèle sur celui de l’économie traditionnelle ».

 

Les 5 métiers dont les startups auront de plus en plus besoin
dans les 3 ans à venir

Comptable carbone et biodiversité : responsable RSE, architecte environnemental ou encore comptable carbone et biodiversité…, le développement durable s’accompagne d’un écosystème de nouveaux métiers. L’accélération vient en partie des demandes de reporting des fonds Venture Capital dans le cadre de leurs propres obligations liées à la « Sustainable Finance Disclosures Regulation » (SFDR) mais aussi et surtout de l’anticipation de la
« Corporate Sustainability Reporting Directive » (CSRD), directive européenne qui va bouleverser les relations commerciales entre startups et grands groupes.

X-Ops : initialement dédié à l’optimisation de la livraison de code (les devOps), il prend désormais une nouvelle envergure et s’attelle à toutes les facettes de l’efficacité organisationnelle. Dans les startups les plus innovantes, des équipes se constituent déjà sous le néologisme X-Ops (MLOps, DataOps, FinOps…). Le rôle des Ops est de garantir que dans une startup, chacun puisse se concentrer sur son expertise et ses priorités, tout en travaillant de manière collégiale et coopérative. Dotés d’une vision panoramique de l’activité du groupe et de la confiance indispensable de la hiérarchie pour mener à bien ces mutations, ils ont pour horizon principal la transformation de la startup en scaleup.

Direction d’affaires publiques : la pression réglementaire, notamment environnementale et technologique, en France comme en Europe, crée le besoin d’intégrer des profils qui comprennent, analysent et anticipent l’impact des réglementations sur le business. Profils d’autant plus précieux qu’ils créent des opportunités d’accès à de nouveaux marchés, dans le secteur public notamment. Mais pourquoi un poste de direction ? Pour aligner la stratégie d’affaires publiques avec l’ensemble des équipes.

Chief freelance officer : chargé du recrutement des freelances, il a la responsabilité de l’intégralité du processus ou travaille avec le service des ressources humaines pour la rédaction des offres, le sourcing, le tri des candidatures et leur sélection. En gérant les indépendants, il va permettre à son entreprise d’optimiser la flexibilité de sa masse salariale. Ce métier devrait se développer de façon considérable dans les années à venir.

Sales enabler : réduire le plus possible les frictions entre le discours de vente, la culture de l’entreprise, la réalité technique du produit et les attentes des clients sont les objectifs du Sales enabler, issu du monde de la formation ou de la vente. En lien direct avec le Sales manager, il produit du contenu et des outils pour aider les commerciaux à gagner en performance tout au long de leur carrière. Le Sales enabler est en lien avec nombre d’interlocuteurs et doit saisir les enjeux de chacun et comprendre la proposition de valeur qui fonctionnera le mieux pour tous.

 

Patricia Dreidemy