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Un État numérique plus agile et souverain

© Céline Martin de Pixabay

Cloud souverain, datacenter de proximité, solutions sur-mesures… l’Etat semble impulser une nouvelle direction pour son administration et ses collectivités, au plus près d’elles, avec plus d’agilité et en circuit court.

 

Le 17 mai dernier, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, et Cédric O, secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques, présentaient la stratégie nationale d’un Cloud français et européen souverain, qui se veut au point à la fois techniquement, c’est-à-dire cyberprotégé, et juridiquement, comprenez échappant aux législations extraterritoriales, principalement le Cloud Act américain. Outre les entreprises privées, les administrations françaises sont directement concernées par la création d’un label “Cloud de confiance” qui leur permettra
« de bénéficier des meilleurs services offerts par le Cloud (suites bureautiques collaboratives, outils de visioconférence, etc.) tout en assurant la meilleure protection pour leurs données ». Une politique “Cloud au centre” de l’administration permettra, elle, d’accélérer résolument la transformation numérique du service public.

« Nous garantissons une indépendance totale par rapport aux lois extraterritoriales américaines »

Bruno Le Maire, dévoilant, le 17 mai, la stratégie nationale d’un Cloud souverain.

Le Cloud, un prérequis pour tout nouveau projet numérique au sein de l’État

Avec l’adoption de la politique “Cloud au centre”, le gouvernement fait du Cloud un prérequis pour tout nouveau projet numérique au sein de l’État, afin d’accélérer la transformation publique « au bénéfice des usagers et dans le strict respect de la cybersécurité et de la protection des données des citoyens et des entreprises ». Les services numériques des administrations seront hébergés sur l’un des deux Cloud interministériels internes de l’Etat ou sur les offres de Cloud proposées par les industriels satisfaisant des critères stricts de sécurité. Notamment, chaque produit numérique manipulant des données sensibles, qu’elles relèvent notamment des données personnelles des citoyens français, des données économiques relatives aux entreprises françaises, ou d’applications métiers relatives aux agents publics de l’Etat, devra impérativement être hébergé sur le Cloud interne de l’Etat ou sur un Cloud industriel qualifié SecNumCloud par l’ANSSI et protégé contre toute réglementation extracommunautaire. Ce label permettra d’échapper au Cloud Act. « Nous garantissons une indépendance totale par rapport aux lois extraterritoriales américaines », a ainsi soutenu Bruno Le Maire.

> Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, a lancé le 28 janvier, la démarche Services Publics +, destinée à améliorer en continu la qualité des services publics en se fondant sur la voix des usagers. Si 76 % des Français sont satisfaits des services publics et leur font confiance, 56 % souhaitent plus de rapidité et 44 % plus de simplicité.

Hébergement, stockage et transmission des données

La question de l’hébergement et du stockage des données est plus que jamais d’actualité pour l’Etat, les collectivités et les territoires. Début juin, la fédération InfraNum a annoncé le lancement d’un guide pratique à destination des collectivités pour les accompagner dans leur réflexion sur la mise en place de datacenters de proximité. L’Observatoire annuel du très haut débit, publié le 11 mai dernier par InfraNum, révèle que sur les 100 datacenters recensés en France, les 2/3 sont des structures de proximité. S’il en existe au moins une dans chaque région, 70 % sont concentrées dans 6 régions et 31 départements en sont totalement dépourvus… L’ouvrage, d’une centaine de pages, est composé de 2 cahiers. Le premier vise à se familiariser avec les datacenters (caractéristiques, fonctionnement, enjeux écologiques) et à s’interroger sur l’opportunité de monter un projet public pour répondre à une demande locale des entreprises et pour satisfaire les propres enjeux de numérisation des collectivités. Le second présente les problématiques techniques, juridiques et économiques auxquelles ces dernières sont confrontées pour la mise en place d’un datacenter de proximité. « Face à l’explosion des données, il est responsable de prôner un hébergement local des données puisque la majorité d’entre elles auront un usage local. Il n’y a donc pas d’intérêt à les faire transiter par des centres nationaux voire européens. Cette gestion en circuit court de la donnée s’inscrit dans le cadre de notre responsabilité environnementale, pour limiter la consommation énergétique, et sociétale, pour maîtriser la confidentialité et la souveraineté de nos données » explique Etienne Dugas, président d’InfraNum.

Les projets locaux

Au-delà du Cloud, des datacenters et des réseaux – fin 2022, l’objectif gouvernemental de 80 % de couverture en fibre optique devrait être dépassé de 7% -, la dématérialisation de l’Etat et de ses administrations et autres collectivités signifie beaucoup de projets locaux. Comme la mise en place de téléservices pour moderniser et faciliter l’interaction avec les usagers sur les services gérés par la collectivité (demandes de subvention, signalement sur la voirie, demandes administratives diverses, etc.). Ainsi, à titre d’exemple, le département des Yvelines, aidé par l’éditeur lyonnais Blueway, a mis à disposition des Yvelinois un ensemble de prestations en ligne comme la prise de rendez-vous PMI pour les familles, ou encore le dépôt de candidatures des communes au label “Villes et Villages Fleuris”.

Il s’agit aussi de centraliser, de distribuer et de répartir la donnée, afin de disposer d’une vision à 360°des informations critiques de la collectivité pour en permettre un meilleur pilotage et une meilleure traçabilité. Lire à ce sujet le témoignage de la métropole de Clermont Ferrand.

Les collectivités cherchent également à automatiser et informatiser le maximum d’étapes d’un processus métier, afin de gagner en efficacité et en simplicité, sur les gestions RH et administratives notamment. Récemment, le Centre de Gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon (cdg69), coordonnateur des centres de gestion Auvergne-Rhône-Alpes, qui agit pour le compte de plus de 400 collectivités, a dématérialisé les bulletins de salaire de ses agents. Ils sont dorénavant placés au sein du coffre-fort numérique Digiposte distribué par Docaposte, filiale du Groupe La Poste. Le déploiement des 122 coffres forts des agents du CDG a été réalisé en moins d’un mois, avec un excellent taux d’adhésion des agents (plus de 94%). Après cette première étape réussie, le CDG prévoit de présenter cette solution à l’ensemble de ses 400 collectivités.

Autre défi des mairies, métropoles et collectivités : optimiser l’organisation du système d’information pour le simplifier, le rendre plus agile et évolutif et l’aligner sur leurs besoins et objectifs opérationnels. Avec souvent plus de 100 à 200 applications au sein des collectivités, il faut ainsi décloisonner et urbaniser le SI, tout en facilitant sa maintenance et son agilité.

Un catalogue d’outils à disposition

Pour aider les administrations (État, collectivités territoriales, fonction publique hospitalière, opérateurs…) à identifier et utiliser des outils et solutions numériques utiles aux services publics, la direction interministérielle du numérique (DINUM) a lancé à la mi-mai le catalogue “GouvTech”. Plus de 200 solutions numériques, couvrant de nombreux champs, y sont d’ores et déjà référencées. « Aujourd’hui, quand un acteur public a besoin d’un outil numérique pour un projet, il est confronté soit à un foisonnement d’offres – dans le cas d’un projet “classique”, par exemple un besoin de logiciel finances ou RH – parmi lesquelles il n’est pas facile de se retrouver, soit au contraire à des difficultés à identifier des produits qui pourraient le satisfaire, en remplissant les conditions techniques exigées par le secteur public », explique Sabine Guillaume, cheffe de la mission Label du programme Tech.Gouv, au sein de la DINUM. La DINUM souhaite aussi faire émerger des solutions peu répandues, pas encore ou peu connues des administrations, et faire ressortir des solutions innovantes, proposées par de petites entreprises ou startups. Une procédure d’autoévaluation des solutions par les fournisseurs sera lancée à l’automne 2021. Une liste de près de 70 critères a été établie : accessibilité numérique, sécurité, éco-conception, gestion des données, respect du RGPD, open source, innovation, interfaçage avec FranceConnect et les API publiques, etc. Mais à l’horizon 2022, un processus de labellisation par un tiers sera mis en place afin de renforcer l’objectivité des analyses.

Les laboratoires d’innovation publique territoriale, outils clefs

Le programme de transformation Action Publique 2022 (AP2022), lancé par l’Etat en octobre 2017, poursuit trois objectifs : améliorer la qualité de service en développant la relation de confiance entre les usagers et l’administration ; offrir un environnement de travail modernisé aux agents publics en les impliquant pleinement dans la définition et le suivi des transformations ; accompagner la baisse de la dépense publique. Mais l’Etat se veut agile, avec le développement de solutions ad hoc. Ainsi, il a mis en place dans l’Hexagone 10 laboratoires d’innovation publique territoriale qui « sont des outils clefs pour la transformation publique », selon Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publique, car ils sont « au plus près des besoins du terrain » et permettent
« de déployer des solutions adaptées aux attentes »
. Thierry Lambert, le Délégué Interministériel à la Transformation Publique, enfonce le clou, expliquant qu’il s’agit de
« donner plus de pouvoir et de marge de manœuvre aux acteurs publics en proximité avec les usagers », permettant que la coopération et l’innovation « s’épanouissent avec agilité dans des solutions à taille humaine et sur mesure, mieux appropriées par les parties prenantes et donc plus impactantes. C’est dans l’intimité des territoires que l’on peut trouver des solutions qui répondent parfaitement aux attentes du terrain, et tenter des choses nouvelles. »

> Présentation d’un des 10 laboratoires d’innovation publique territoriale. Le gouvernement a mis en ligne fin mai leurs différentes réalisations.

Des cas d’usage variés accessibles en ligne

Parmi les réalisations de ces labs que le gouvernement a mis à disposition sur le site modernisation. gouv.fr fin mai 2021 : simplifier le parcours d’entrée en formation pour les demandeurs emplois, imaginé par le TiLab en Bretagne, ou encore concevoir un portail collaboratif Economie social et solidaire dans les Hauts-de-France. En Ile-de-France, La Fabrique RH a pour objectif de proposer un espace de travail du futur ouvert en interministériel à tous les agents public franciliens. En Nouvelle-Aquitaine, le laboratoire La Base veut simplifier et dématérialiser les actes de décès pour les entreprises de pompes funèbres, une démarche qui s’inscrit dans le projet de simplification des démarches administratives souhaité par le gouvernement avec « Dites-le nous une fois » (un usager – particulier ou entreprise – entreprenant une démarche administrative n’est plus tenu de fournir certaines informations ou pièces justificatives déjà détenues par l’administration).

En parallèle, avec la crise, le plan FranceRelance aide les administrations à innover grâce aux technologies émergentes, en finançant leurs projets jusqu’à 48 000€. Ce guichet du plan France Relance est ouvert aux administrations d’État, centrales et déconcentrées, aux laboratoires de recherche et aux opérateurs ministériels. Le guichet est ouvert depuis 18 janvier 2021 pour une durée de 2 ans.

> Le plan France Relance aide les administrations à innover grâce aux technologies émergentes, en finançant leurs projets jusqu’à 48 000 €.

 


Le gouvernement organise
ses “Forums Open d’Etat”

Fin mai, le gouvernement a lancé son premier Forum d’Etat organisé par la DITP et la Cour des comptes, qui s’est inscrit dans le cadre de l’élaboration du plan d’action Gouvernement ouvert de la France 2021-2023, lancé en février par Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques. L’objectif de ces forums est de favoriser la réflexion, le débat d’idée et la collaboration entre agents publics, impliqués dans des projets d’innovation, et les acteurs de la société civile (acteurs privés, associations, ONG…) engagés sur ces mêmes sujets.

En parallèle du dialogue ouvert en ligne, des panels d’experts associant des représentants de l’administration et des acteurs de la société civile travaillent sur la formalisation d’actions et d’engagements pour nourrir l’élaboration du prochain plan d’action : transparence de la commande publique, portée par le ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance ou encore accès des citoyens aux données, portée par la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs) et la Direction du numérique.