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Les usages de la démat boostés par la crise

Avec le confinement, le travail à distance est devenu une réalité. Fraichement adopté par certaines entreprises, échangé plus massivement par d’autres, le document numérique est resté au cœur des activités. Certains de ses usages en ont été boostés.

 

Un peu moins d’un tiers de la population active, soit 7 millions de personnes, est susceptible de travailler à distance, estime le ministère du Travail. La Dares, direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, a révélé dans une de ses enquêtes fin mars qu’un salarié sur quatre télétravaillait. Si des enseignements seront à tirer lors des bilans de l’après-crise sanitaire pour préciser les contours d’une nouvelle organisation du travail en France, le contexte a été propice à un développement accéléré des projets numériques. Une accélération de la demande que tous les acteurs de la dématérialisation constatent depuis les premiers jours de confinement. « L’effet Coronavirus a accentué des problématiques que les entreprises avaient déjà avant. Savoir comment accéder à l’information depuis différents sites, en mobilité et à distance a été par exemple une question d’une évidente actualité pendant la crise. Les attentes sont nombreuses, nous avons enregistré une augmentation de 20 à 30 % des demandes concernant des projets de dématérialisation et de BPO (externalisation des processus d’affaires, NDLR) », indique Olivier Waldin, directeur transformation digitale de Xelians.

« Un certain nombre de clients sont revenus vers nous pour nous demander d’automatiser des flux. »

Jean-Louis Sadokh, T2i

Jean-Louis Sadokh

« À l’issue d’une période d’organisation d’une quinzaine de jours environ, un certain nombre de clients sont revenus vers nous pour nous demander d’automatiser des flux, en particulier la numérisation des factures papier en provenance de leurs fournisseurs. Certains ne recevaient plus de courrier et n’avaient pas les moyens d’imprimer les mails et de rescanner les factures, ce qu’ils faisaient auparavant.

Ces clients ont acquis un module additionnel permettant de scruter leurs boîtes mails pour récupérer automatiquement les factures et les acheminer vers une plateforme de LAD (lecture automatique de documents, NDLR) avant d’alimenter la comptabilité », souligne de son côté Jean-Louis Sadokh, membre fondateur du groupe T2i.

Les IoT de la dématérialisation

Mais lorsque le canal e-mail ne réunit pas l’ensemble des données, la capture des documents papier reste essentielle pour amorcer une chaîne de dématérialisation. « Même en période de télétravail, des services administratifs, des services comptables et des services de contrôle de gestion ont dû continuer à numériser des documents papier en dehors de leur entreprise. Nous avons constaté une poussée de la demande en scanners individuels. Nous avons aussi répondu sur le plan matériel et logiciel aux professionnels de la dématérialisation qui ont fait face à une augmentation de la volumétrie traitée habituellement, alors qu’ils travaillaient en sous-effectif. En plus de leur fournir les équipements adaptés, nous avons assuré des prestations de conseil à distance pour les aider à pallier la réduction de leurs ressources et optimiser l’automatisation des traitements », explique Cyril Condamines, directeur commercial chez Kodak Alaris.

Si le flux de données numériques augmente constamment, celui du papier ne baisse que légèrement constatent les professionnels de la dématérialisation. L’état d’urgence sanitaire aura temporairement diminué la circulation du papier mais les habitudes d’impression des documents sont encore bien ancrées dans les entreprises, et rien ne prouve que cela change à la reprise des activités. En tant que dispositif, le scanner devrait évoluer.

Des IOT de dématérialisation

De nouvelles solutions pourraient alors permettre de décentraliser les points de numérisation avec des périphériques plus petits et mieux distribués sur les réseaux distants des entreprises. Les fabricants ne parlent quelquefois même plus de scanner mais d’IoT de dématérialisation. Pour PFU, filiale de Fujitsu, le Coronavirus n’a pas entraîné un surplus de commandes de scanners : « la numérisation reste encore pour beaucoup d’entreprises la 5e roue du carrosse. Lors du confinement, elles ont en majorité travaillé sur des données déjà numérisées, en particulier les PME. Si cette période avait duré 6 mois, peut-être auraient-elles été forcées à faire quelque chose. Il faut aussi reconnaître que les fabricants n’étaient pas préparés aux us et coutumes du télétravail en France, ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays européens. Il nous faut donc travailler à une meilleure intégration des offres avec des éditeurs qui débordent l’écosystème de la GED, sécuriser les scanners tournés de plus en plus vers le Cloud et, pourquoi pas, leur adjoindre une puce RFID pour lire automatiquement les documents qui contiennent ce type de balise », estime Guillaume Villeneuve, responsable des ventes France et Benelux chez PFU.

Signer à distance avec une vidéo

Parmi les secteurs à l’arrêt pendant la période de confinement, certains services ont assuré une forme de continuité. C’est le cas des notaires qui ont bénéficié du décret du 3 avril 2020 autorisant la comparution à distance pour l’établissement des actes authentiques. Grâce à cette disposition, lorsque le notaire n’a pu procéder lui-même à la vérification de l’identité de son client, il peut déléguer cette procédure à la plateforme IDNow de DocuSign qui met en œuvre signature qualifiée et visioconférence. « Le notaire envoie au client, avant la cérémonie de signature de l’acte par comparution à distance, un document (par exemple l’accord du client pour que l’acte soit reçu par le notaire au moyen d’une comparution à distance) à signer via DocuSign avec le mode “signature à distance avec vidéo”. Le client signe ce document via DocuSign (IDNow vérifie alors l’identité du client via une vidéo chat). Le client se crée un compte sur la plateforme afin que son identité soit conservée », précise le conseil supérieur du notariat. « Malgré une durée d’une vingtaine de minutes pour valider l’identité d’un comparant, la procédure a permis de débloquer un peu une situation dans laquelle il était difficile de se rendre dans les bureaux, et des études ont pu ainsi assurer une continuité de services », commente Jacques Massa, gérant de NotaSolutions, un éditeur de logiciels spécialisés dans le juridique.

 

Un usage plus conventionnel de la signature électronique a connu un franc succès. Les contrats, les documents d’embauche, les demandes de prêts et plus généralement tous les processus de validation signés manuellement ont basculé dans le numérique. « On a observé deux phénomènes pendant cette période particulière. D’une part beaucoup de clients qui ont dû mettre en place dans l’urgence des solutions de signature électronique souvent jusqu’alors restées à l’état de projets, et d’autre part des entreprises en perte de visibilité sur leur business qui au contraire ont décidé de geler leurs projets. Pour celles qui ont franchi le pas, la plupart des demandes correspondaient à des cas d’usage pour les ressources humaines, en particulier dans le cadre du télétravail ou du chômage partiel. On a vu également des demandes plus classiques en lien avec la continuité du business, par exemple la signature de bons de commande », souligne Olivier Pain, directeur général de DocuSign.

« Nous avons vu le nombre de coffres créés pour permettre la signature en ligne augmenter de 60 % par rapport au mois précédent. »

Charles du Boullay, Docaposte

Les opérateurs de signature électronique travaillent étroitement avec les tiers archiveurs à qui ils confient le soin de conserver les documents signés. « Qu’il s’agisse de YouSign, DocuSign, PeopleDoc ou de Docaposte, nous avons vu le nombre de coffres créés pour permettre la signature en ligne augmenter de 60 % par rapport au mois précédent. Les entreprises ont donc voulu mettre en place rapidement un service de signature. Le traitement des factures a lui aussi augmenté. En revanche le bulletin de salaire n’a pas fait l’objet de la même urgence, ni les notes de frais, pas plus que les RH, où le besoin d’être en face-à-face est essentiel », souligne Charles du Boullay, président de CDC Arkhineo, revendu depuis cette interview à Docaposte (fin mai).

Processus, risques de fraude et sécurité

Du côté des processus d’automatisation, les plateformes spécialisées n’ont pas été délaissées. Une fois les robots adoptés, difficile de s’en séparer martèlent les spécialistes. Les entreprises équipées avant l’arrivée de l’urgence sanitaire ont tiré parti de leurs installations, quitte à les redimensionner pour faire face au manque d’effectif. « Les deux mois de confinement ont conduit à des reparamétrages technologiques pour permettre au plus grand nombre le travail à distance. Les process n’ont souvent évolué qu’à la marge. C’est l’agilité des solutions délivrées en cloud et en SaaS qui a facilité reconfigurations et redéploiements, et favorisé au final un facteur de résilience. Nous avons aussi constaté des risques croissants de fraude pendant la pandémie Covid-19 et la reprise, il faut que les entreprises restent vigilantes dans leurs projets de dématérialisation », indique Frédéric Massy, directeur marketing d’Itesoft. Le volet sécurité n’a pas disparu pendant le confinement, bien au contraire.

Sécuriser les accès aux documents

« Intégrer opérationnellement les outils d’ECM avec de la signature électronique et maîtriser et sécuriser le capital informationnel pour permettre de déterminer quelles données ont été volées en cas de cyberattaques, sont des exemples de demandes de la part de nos clients », illustre Noureddine Lamriri, VP product marketing chez Everteam. Les experts établissent d’ailleurs un parallèle entre les mesures à prendre dans les domaines sanitaires et numériques. Sur le plan de la prévention, on parle d’hygiène numérique qui impose la nécessité de sécuriser les accès aux documents comme aux postes de travail, mais aussi de protection en cas d’intrusion et, bien sûr, de continuité des activités grâce aux sauvegardes et à l’archivage. C’est le prolongement de la construction d’un nouvel environnement de travail qui est à l’œuvre et qui devrait désormais enrichir les offres de digital workplace.

 

 

En mai, Spigraph a élargi sa gamme logicielle tagPDF avec un nouveau produit : tagPDF Invoice.

Le logiciel combine tagPDF pour la capture documentaire et une solution de traitement automatisé des factures. Ce dernier module est celui de Yooz, l’éditeur spécialisé en dématérialisation de factures et processus P2P.

 


AVIS D’EXPERT

Ronald De Temmerman

Ronald De Temmerman,
vice-président en charge des ventes stratégiques pour la région EMEA,
GlobalSign

 

 

La signature électronique, essentielle

Pour l’autorité de certification GlobalSign, les signatures numériques se révèlent essentielles pour faire évoluer l’entreprise dans cette période de crise.

« Cette crise fournit une dynamique supplémentaire dans des changements déjà en cours. En termes de sécurité, elle met en lumière le fait que la signature électronique reste un point faible dans de nombreuses entreprises et que beaucoup d’entre elles devront s’en préoccuper dans le futur. D’un autre côté nous bénéficions du règlement eIDAS qui instaure un cadre de confiance non seulement pour la signature électronique, mais pour tous les usages en ligne. On peut donc s’attendre à un renforcement de la sécurité, mais aussi à une meilleure fluidité des outils et une amélioration de l’expérience client. Malgré la complexité technologique, nous avons l’obligation de simplifier l’usage de la signature électronique. »