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Les nouveaux maîtres du monde

Edito_SiT009Quelle mouche a donc piqué Tim Cook ? Débloque-t-il lorsqu’il refuse de débloquer l’iPhone d’un suspect de terrorisme, lorsqu’il défie le FBI ? Reçu comme un chef d’état à Matignon, le président de Google fait la même semaine un bras de fer avec le fisc français.

Les nouveaux géants de la technologie sont-ils les nouveaux maîtres du monde, au-dessus des lois et des gouvernements ? Ils contrôlent l’information, le divertissement, les biens culturels, la publicité, l’informatique domestique et d’entreprise et bien plus… Apple dispose d’une réserve de cash équivalent au PIB d’un pays comme le Qatar. Samsung est en Corée un État dans l’État, les revenus de ce conglomérat aux 400 000 employés pesant le quart du PIB de la Corée du Sud.

Il est vrai que des milliards d’habitants de la planète ne peuvent plus se passer d’internet ou de leur smartphone. Ceux qui leur dispensent sont les nouveaux dieux qui leur prodiguent une nouvelle forme d’or et d’air. Leur pouvoir contraste avec l’impuissance dénoncée des politiques, ceux que l’on appelait les « puissants de ce monde », aujourd’hui coincés par les rigidités du monde, réduits à des discours et des inaugurations.

Sans nous en rendre compte, nous sommes devenus véritablement « citoyens du monde », un monde globalisé, un monde parallèle, à la « Second Life ». Ce nouvel ordre du monde ubiarchique est dominé par un individualisme libertaire mâtiné de consumérisme illimité. Ses dirigeants parallèles se rient des taxes et les « smartonautes », consommateurs enfants rois, ne pourraient plus renoncer à l’impression de toute puisssance, apportée par les nouveaux outils.

Nous avons interrogé les visiteurs de solutions-numeriques.com : « Doit-on permettre l’accès aux données des smartphones dans le cadre de lutte contre le terrorisme? ». Vous êtes environ 40% à la date de cet article à vous y opposer. Cette réaction, comme celle d’Apple face au FBI, s’explique par l’espionnage pratiqué par la NSA, tel qu’il a été dénoncé.

Mais on peut aussi penser qu’au-delà des valeurs de liberté, Apple veut surtout rassurer ses clients du monde entier, pour continuer à vendre des iPhones, et en vendre davantage (+56% en Chine en 2015 !).

Interdire l’accès aux codes serait aussi laisser la liberté et l’impunité totale aux mafias et aux cybercriminels. Parions d’ailleurs qu’au-delà des rodomontades d’Apple, des négociations discrètes sont menées pour permettre à un organisme à l’indépendance indiscutable, un tiers de confiance, de disposer des informations. Dans ce débat de fond, liberté contre sécurité, créer une telle instance serait une bonne idée.

JK_Edito

Jean Kaminsky
Directeur de la publication et de la rédaction