Longtemps considéré comme le compromis idéal, le cloud hybride montre ses limites. De plus en plus d’entreprises, notamment des PME et ETI, envisagent désormais le grand saut vers un modèle full cloud, portées à la fois par des enjeux de sécurité et par les exigences européennes en matière de souveraineté numérique (RGPD, SecNumCloud…).
Pourquoi le modèle hybride n’est-il pas toujours suffisant ?
Si l’hybridation a modernisé les SI, plusieurs facteurs poussent à dépasser ce stade. Le premier est la sécurité. Maintenir un écosystème hybride sécurisé est un défi colossal pour une PME. « Les PME n’ont souvent ni les ressources, ni les compétences, ni l’infrastructure pour assurer la sécurité de leurs données et garantir une véritable continuité d’activité, explique Laurent Buisson, responsable pôle ERP & BI chez BCSYS. Une cyberattaque est souvent l’élément déclencheur qui pousse une entreprise à basculer l’ERP dans un environnement SaaS sécurisé. »
Le deuxième facteur est la dette technique. Gérer deux mondes implique une double complexité et des coûts élevés. « Il faut des équipes à la fois compétentes sur le on premise et sur le cloud… Ce qui représente un coût souvent trop compliqué à gérer, souligne Allan Mourtialon, architecte des SI chez Calliope. De plus, les infrastructures sur site se déprécient rapidement et peinent à supporter les innovations comme l’IA. »
Enfin, la pénurie de talents sur les technologies vieillissantes accélère le mouvement. « Trouver un développeur Cobol relève aujourd’hui du parcours du combattant. Les rares experts facturent leurs services à des tarifs très élevés, indique Thierry Belliard, DSI groupe chez TVH Consulting. Le passage au full cloud permet d’externaliser cette gestion et aux équipes de se recentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée. »
Quels sont les bénéfices au-delà des coûts ?
Les avantages dépassent le simple cadre financier (Capex VS Opex). Le gain le plus significatif est l’agilité métier. « En SaaS, créer un environnement de test ou une copie de la production se fait en quelques clics. On peut déployer de nouveaux modules ou faire des POC sans mobiliser lourdement les équipes IT », précise Laurent Buisson.
La scalabilité est l’autre atout majeur, offrant une élasticité impossible en interne. « Fini le surdimensionnement coûteux. L’entreprise ne paie que ce qu’elle consomme. Ce modèle économique disruptif rend accessibles des outils puissants à des TPE et permet de concurrencer des acteurs bien plus établis », explique Allan Mourtialon.
Enfin, le full cloud est un catalyseur d’innovation (IA, analyse de données), les solutions SaaS bénéficiant de mises à jour continues. « Au lieu de subir des projets de migration longs, coûteux et risqués l’entreprise profite d’un flux constant d’améliorations et des derniers correctifs de sécurité, sans effort particulier », ajoute Thierry Belliard.
Quels sont les défis de la migration et les réponses des éditeurs ?
Le processus est un défi, surtout avec du legacy. Les éditeurs ont développé des outils de migration progressive. « Il est possible de synchroniser une version on premise récente de l’ERP avec sa version SaaS. La migration se fait en arrière-plan, sans interrompre le travail des utilisateurs », détaille Laurent Buisson. « Pour les systèmes les plus anciens, une approche lift and shift est souvent privilégiée », complète Allan Mourtialon.
Un autre point de vigilance concerne les garanties de service (SLA). Il faut distinguer le SLA d’infrastructure (souvent 99,9 %) du support applicatif, car les éditeurs ne s’engagent pas sur les délais de résolution fonctionnels. « Ainsi, un bug, même critique, peut être reconnu rapidement mais sa résolution peut prendre des semaines, voire des mois », explique Laurent Buisson.
Le full cloud est-il fait pour tout le monde ?
Le passage au full cloud reste inenvisageable dans certains cas précis :
- la souveraineté des données (défense, santé) ;
- la connectivité (zones à faible débit) ;
- les contraintes de l’existant (applications métiers très spécifiques) ;
- la gouvernance (choix stratégique de garder la maîtrise).
« Si la trajectoire vers le full cloud semble inéluctable, il est important de rappeler qu’il n’existe pas de feuille de route universelle, indique Thierry Belliard. Chaque migration reste un projet unique adapté au contexte, à la maturité et aux contraintes. C’est un levier de transformation organisationnelle et culturelle qui redéfinit les rôles, les compétences et la gouvernance. »









