“Nous pouvons déjà constater les effets de l’IA sur la productivité dans des secteurs comme celui technologique américain, où la production augmente tandis que l’emploi diminue“, s’est inquiétée Christine Lagarde, présidente de la BCE, à l’occasion d’un congrès sur l’IA qui s’est tenu le 1er avril 2025 à Francfort.
L’IA génère déjà un impact important sur l’économie. Ses conséquences peuvent être désormais mesurées. “Selon une méthodologie largement acceptée, la zone euro pourrait connaître une augmentation de la productivité totale des facteurs (PTF) d’environ 0,3 point de pourcentage par an au cours des dix prochaines années. Comparez cela avec la décennie passée, lorsque la croissance annuelle de la PTF n’était en moyenne que de 0,5 %. D’autres estimations indiquent des gains beaucoup plus importants, la productivité devant augmenter de 1,5 point de pourcentage plus rapidement chaque année si l’IA est largement adoptée au cours de la prochaine décennie“.
Pour bénéficier des performances de l’IA, la présidente demande de lever les freins aux investissements par capital-risque. “Entre 2018 et 2023, environ 33 milliards d’euros ont été investis dans les entreprises d’IA dans l’UE, contre plus de 120 milliards d’euros dans leurs homologues américaines“, a-t-elle relevé.
“La construction et le développement de cette technologie nécessitent également des investissements considérables dans les centres de données, et l’UE dispose actuellement d’environ quatre fois moins de sites dédiés que les États-Unis“, a-t-elle pointé.
Elle demande “une réglementation intelligente pour éviter la fragmentation des données tout en garantissant leur protection“. Des travaux de recherche montrent que si la prestation institutionnelle moyenne de l’UE était élevée au niveau des meilleures pratiques, les secteurs à forte intensité d’IA verraient leur part dans les investissements augmenter de plus de 10 points de pourcentage.
La consommation énergétique importante de l’IA est également un frein. “La consommation d’énergie des centres de données devrait tripler en Europe d’ici la fin de la décennie. Et cette augmentation de la demande survient à un moment où la transition verte augmente également la demande d’électricité, par exemple pour recharger les véhicules électriques à batterie“.
Les conséquences de l’IA sur l’emploi sont importantes. “Selon une étude de la BCE, entre 23 % et 29 % des travailleurs en Europe sont fortement exposés à l’IA“.
Les premières études montraient que l’IA pouvait améliorer le travail des personnes les moins qualifiées. “Mais des études plus récentes portant sur des tâches plus complexes, comme la recherche scientifique, diriger une entreprise et investir, montrent que les travailleurs les plus performants en bénéficient de manière disproportionnée et, dans certains cas, les travailleurs les moins productifs ne constatent aucune amélioration“.
Christine Lagarde demande ainsi de former massivement les personnes à l’IA pour relever les enjeux et construire un nouveau modèle. “Les compétences les plus recherchées dans les emplois à forte exposition seront liées à la gestion et aux affaires – des compétences que de nombreuses personnes ont la capacité d’acquérir.”
Enfin, pour éviter les fragmentations sociales et se positionner face à la concurrence mondiale, elle sollicite une meilleure gouvernance européenne pour “anticiper les impacts sociaux et climatiques afin de préserver son modèle de société“.