Alexis de Goriainoff, cofondateur et CEO de Sewan, analyse pour nos lecteurs les mutations profondes du secteur, entre guerre tarifaire, innovations technologiques et enjeux de cybersécurité.
Face à une intensification de la guerre tarifaire et aux tensions autour d’une possible consolidation du marché, le secteur des télécoms est en pleine mutation. Entre restructurations, nouvelles technologies et impératifs de sécurité, les entreprises doivent s’adapter à un tout nouvel environnement dont elles sont les premières bénéficiaires. La diminution des coûts rend la technologie accessible à toutes, tandis que les avancées technologiques, notamment l’émergence de l’IA, mais pas seulement, leur offrent des services inestimables qui améliorent leur efficacité. Téléphonie et collaboration, Internet et réseaux, Sécurité et Cloud… toutes les verticales qui font aujourd’hui le marché des télécommunications d’entreprise, sans exception, poursuivent leur profonde mutation. Les entreprises en profitent alors que les acteurs du marché doivent, quant à eux, s’adapter pour rester dans le jeu et anticiper les besoins nouveaux.
Téléphonie d’entreprise : vers une hybridation complète
L’évolution des usages en entreprise suit avec un certain décalage celle du grand public. Alors que les lignes téléphoniques fixes ont quasiment toutes disparues des foyers depuis une décennie, les entreprises ont longtemps conservé leurs postes physiques. Aujourd’hui, cette résistance s’effrite au profit d’un écosystème hybride où se mêlent téléphonie mobile, softphones et outils collaboratifs comme Teams ou Zoom. Pourquoi un tel écart ? À domicile, le téléphone portable s’est imposé grâce à sa mobilité et sa personnalisation. Chaque membre du foyer dispose désormais de son propre numéro et smartphone. En entreprise, la réalité est double. Les postes fixes et les ordinateurs suffisaient à des besoins en mobilité peu développés tandis que la gestion centralisée des appels, les serveurs vocaux interactifs et l’accueil téléphonique ont longtemps nécessité des infrastructures dédiées. Si le passage à la téléphonie IP a facilité la gestion de ces infrastructures, il n’a pas révolutionné les usages pour autant. Il a fallu un véritable électrochoc – la généralisation du télétravail – pour accélérer l’adoption massive des communications unifiées et de la téléphonie mobile, transformant la collaboration en abolissant la frontière entre réunions physiques et virtuelles.
Désormais, deux approches coexistent : la téléphonie mobile et les plateformes de communications unifiées. Le mobile, bien que pratique, ne couvre pas tous les besoins des entreprises de plus de 10 employés, notamment pour la gestion d’appels et l’intégration aux outils métiers. Il soulève aussi une question centrale : l’entreprise doit-elle fournir un téléphone professionnel à chaque collaborateur, au risque de multiplier les équipements, ou miser sur le BYOD (Bring Your Own Device) et exposer ses employés à un mélange potentiellement intrusif entre vie professionnelle et personnelle ?
Les solutions de communications unifiées, quant à elles, s’intègrent bien aux systèmes d’information mais restent en retrait sur la gestion avancée des appels et la stabilité en mobilité. Résultat : de nombreuses entreprises adoptent Teams pour la visioconférence mais conservent un autre système pour leurs communications externes.
Le défi des opérateurs est donc clair : proposer une solution unique et fluide, alliant mobilité, collaboration et téléphonie avancée, sans multiplier les équipements. L’enjeu est d’autant plus stratégique qu’une telle solution permettrait d’améliorer la productivité, tout en respectant la vie privée des utilisateurs.
La connectivité par satellite en plein déploiement : changement de paradigme
Le déploiement des technologies de connectivité par satellite, notamment sous l’impulsion de SpaceX avec Starlink, ouvre de nouvelles perspectives pour les zones mal desservies. Offrant des débits équivalents à la fibre avec une latence minimale, cette technologie s’impose comme une alternative crédible pour les territoires ruraux encore tributaires d’accès ADSL vieillissants.
L’intégration de ce type de solutions avancées promet un désenclavement sans précédent, permettant à des régions rurales de s’ouvrir à des usages actuels, tels que la visioconférence ou l’accès à des applications gourmandes en bande passante. Mais son utilité ne se limite pas aux régions isolées. Sa flexibilité ouvre des perspectives nouvelles pour les entreprises : événements temporaires, sites mobiles, solutions de secours en cas de coupure fibre ou connexion homogène pour des implantations internationales. En somme, cette technologie satellite incarne une réponse pragmatique à des problématiques complexes, rendant la connectivité plus universelle que jamais.
Cybersécurité : priorité absolue dans un contexte d’attaques croissantes
Ces prochains mois, la cybersécurité sera un enjeu de premier plan pour toutes les entreprises. Face à la multiplication des cyberattaques, qui touchent particulièrement les TPE et PME, les budgets alloués à la sécurité augmentent mais peinent à suivre les besoins réels. Pour ces petites structures, souvent démunies face à la complexité des solutions existantes, la problématique reste double : un budget limité et un besoin d’accompagnement personnalisé. En réponse, les offres de cybersécurité devront allier accessibilité et efficacité. Il est à souligner que l’État continue de jouer un rôle moteur avec des initiatives renforçant la sensibilisation et la réponse aux incidents, notamment via des plateformes comme Cybermalveillance.gouv.fr ou son numéro « 17 Cyber » dédié au signalement des attaques. Mais au-delà de la prévention, les entreprises et les pouvoirs publics doivent collaborer pour améliorer la répression des actes malveillants, en encourageant une coopération internationale et des mesures dissuasives. Le défi est de taille : sensibiliser, accompagner, mais aussi réprimer pour garantir un environnement en ligne plus sûr.
Communication d’entreprise : une transformation soutenue par l’IA
Comme tous les secteurs, les communications n’échappent pas à l’essor de l’IA. Bien plus qu’un simple effet de mode, cette technologie introduit des fonctionnalités, telles que l’enregistrement d’appels, les résumés automatisés des communications ou l’analyse des émotions, transformant ainsi les pratiques en entreprise. Dans un centre d’appel, par exemple, un superviseur peut identifier en temps réel les conversations problématiques et intervenir immédiatement. Les agents conversationnels connaissent également un essor rapide. Capables de gérer des prises de rendez-vous ou des services après-vente de manière autonome, ils révolutionnent la relation client, notamment pour des tâches simples mais chronophages. Cette technologie pourrait par exemple offrir à toutes et tous une solution simple et accessible pour réserver un rendez-vous médical, un service essentiel qui s’est complexifié ces dernières années, notamment pour les personnes âgées, souvent moins à l’aise avec les applications numériques. Cependant, l’adoption de ces technologies prendra du temps, car l’idée de converser avec une machine, aussi « intelligente » soit-elle, reste encore déroutante pour beaucoup. Enfin, l’IA ouvre la voie à une multitude d’applications verticales et généralistes. Si certaines seront de véritables catalyseurs de productivité, d’autres risquent de s’avérer gadgets. Les entreprises devront faire preuve de discernement pour tirer le meilleur parti de ces innovations tout en maîtrisant leurs coûts.