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AVIS D’EXPERT – Démystification de l’IA quantique : ce qu’elle est, ce qu’elle n’est pas et son importance à l’heure actuelle

Simon Fried, Vice-président Marketing et Développement commercial chez Classiq, analyse la réalité de l’IA quantique, ses promesses et ses limites. Expert des stratégies d’innovation et du développement international, il explique pourquoi la combinaison de l’IA et du quantique attire déjà l’attention de nombreux secteurs, de la finance à la pharmacie, et comment les entreprises peuvent s’y préparer.

L’IA a franchi un nouveau cap. Elle ne se contente plus de créer de grands modèles ou de traiter des volumes massifs de données. Aujourd’hui, la concurrence se joue sur la vitesse, l’efficacité et l’innovation. Les entreprises recherchent des solutions capables d’apporter à la fois des bénéfices techniques et économiques, et pour certaines, l’informatique quantique s’impose progressivement comme l’un de ces outils stratégiques. On parle d’IA quantique, lorsqu’on combine l’informatique quantique avec l’intelligence artificielle.

Elle offre un nouveau moyen de résoudre des problèmes complexes dans le domaine du machine learning, de l’optimisation et de l’analyse des données. Bien qu’elle soit encore en cours de développement, son potentiel attire clairement l’attention. Une enquête mondiale réalisée par SAS en 2024 a montré que plus de 60 % des chefs d’entreprise explorent ou investissent déjà dans cette technologie.

Pourquoi les équipes d’IA s’intéressent à l’univers quantique

L’apprentissage des grands modèles d’IA nécessite du temps, de l’énergie et de l’argent. Même des améliorations mineures en efficacité peuvent se traduire par des économies conséquentes. L’informatique quantique offre de nouvelles méthodes permettant de résoudre certains problèmes de manière plus efficace ou plus précise qu’avec les machines classiques.

Par exemple, les ordinateurs quantiques peuvent effectuer nombreux calculs simultanés en utilisant une propriété appelée « superposition », ce qui les rend adaptés aux recherches dans de vastes ensembles de données ou à l’optimisation des systèmes complexes. Ces capacités se prêtent parfaitement à de nombreuses tâches de machine learning, telles que la sélection de caractéristiques, le perfectionnement des modèles et l’échantillonnage de données.

Bien que les machines quantiques actuelles ne soient pas totalement abouties, les chercheurs trouvent déjà des moyens de les associer à des outils classiques. Ces systèmes hybrides permettent aux équipes d’IA de tester des méthodes quantiques dès à présent.

Applications en cours de développement

Bien que l’informatique quantique appliquée à l’IA soit encore un domaine émergent, elle est déjà testée dans divers secteurs avec des résultats prometteurs. En matière de compression des modèles et de cartographie des caractéristiques, les technologies quantiques permettent de réduire la taille et la complexité des modèles d’IA. Elles transforment les données via des circuits quantiques, ce qui facilite la classification de points difficiles pour les méthodes classiques. Un article publié dans Nature Physics a montré comment les noyaux quantiques peuvent améliorer les machines à vecteurs de support, notamment pour des ensembles de données très vastes ou dispersés.

Dans la finance, l’IA quantique commence également à être testée pour l’optimisation de portefeuilles et l’évaluation des risques, à travers des algorithmes tels que QAOA, étudiés notamment par Citi Innovation Labs et AWS.

Le secteur pharmaceutique explore lui aussi ses avantages, en particulier pour la découverte de médicaments et la modélisation moléculaire, où les simulations classiques atteignent leurs limites. Une étude menée par IBM, The Cleveland Clinic et Michigan State University a montré comment des ordinateurs quantiques actuels pouvaient déjà simuler des molécules complexes.

Enfin, l’optimisation des chaînes logistiques constitue un autre terrain d’expérimentation, où des acteurs comme Fujitsu et Japan Post testent des approches quantiques pour mieux gérer des variables dynamiques telles que les embouteillages ou la fluctuation du volume de colis. Ces applications illustrent à la fois la diversité des problèmes que l’IA quantique peut aborder et son potentiel à transformer des secteurs très différents.

Défis et limitations

Le matériel quantique constitue encore un défi. Même si les nouvelles avancées semblent quotidiennes, les machines actuelles demeurent encore sensibles au bruit, sont peu fiables pour les calculs longs et leur extension s’avère complexe. La plupart des applications doivent opérer dans ce périmètre en utilisant des circuits quantiques plus courts et plus simples.

Le développement des logiciels quantiques est également complexe. La programmation quantique exige des connaissances en physique, en mathématiques et en informatique. Rares sont les équipes qui disposent du panel de compétences adéquat.

Afin de surmonter ces obstacles, de nouveaux outils sont en cours de création. Ils incluent des infrastructures de programmation de haut niveau et des systèmes de conception de circuits automatisés. Ces solutions permettent aux développeurs d’IA de tester les méthodes quantiques sans avoir à écrire de code quantique de bas niveau.

Le déploiement complet de l’IA quantique n’est pas pour demain. Néanmoins, les équipes visionnaires peuvent dès aujourd’hui se préparer en trois étapes : constituer des équipes pluridisciplinaires associant experts en IA, chercheurs en optimisation et spécialistes du quantique ; expérimenter avec des flux de travail hybrides sur des problèmes ciblés, comme la sélection de caractéristiques ou l’optimisation sous contraintes ; et adopter des plateformes qui masquent la complexité technique afin de se concentrer sur les applications.

Encore en développement, l’IA quantique ne remplace pas l’IA classique mais ouvre des perspectives là où les modèles actuels montrent leurs limites. Son évolution sera progressive plutôt que brutale. À mesure que le matériel et les logiciels s’amélioreront, les pionniers déjà engagés seront les mieux placés pour tirer parti de cette nouvelle source de valeur.