Accueil Le Web n’est plus mondial - Quelles conséquences pour les Européens ?

Le Web n’est plus mondial – Quelles conséquences pour les Européens ?

 

 

Par Jean-Noël de GALZAIN,
Président HEXATRUST, PDG de WALLIX Group

 

Le destin d’Internet ressemble, on le sait, à celui des océans. Tous les deux ont commencé comme un espace de liberté et d’anarchie. Depuis quelques années il se transforme en devenant non seulement un espace critique pour les échanges commerciaux mondiaux mais aussi, une zone d’affrontement et de guerre plus ou moins larvée, chez les industriels et leurs gouvernements qui doivent faire face aux agressions d’acteurs pas toujours privés, justement qualifiés de « pirates ».

Avec la décision de Google de se plier aux demandes de l’Etat Américain de ne plus collaborer avec Huawei, une nouvelle étape a été franchie. Selon un modèle bien établi dans l’histoire, une puissance technologiquement avancée utilise sa technologie et sa position forte pour améliorer son influence dans un espace stratégique et affaiblir ou écarter ses rivaux. Ce passage à l’acte attendu va avoir des conséquences profondes.

La première réaction à attendre est une course aux armements. Les rivaux de l’Amérique vont vouloir se doter de ce dont les Etats-Unis leur restreignent l’accès. Pour financer ces développements, l’export est souvent vital. Ici intervient donc la seconde conséquence : la création de sphères d’influences au sein de l’Internet.

Le cyberespace va-t-il être entrecoupé de frontières ?

L’ancien patron de Google, Éric Schmidt, prédisait en 2018 un internet scindé en deux, l’un chinois et l’autre américain. Avec l’annonce de Google cette année de ne plus collaborer avec Huawei… Nous y sommes !

Et on voit s’y dessiner dans cet espace stratégique une troisième zone d’influence : une sphère digitale occidentale avec un ensemble disparate de pays tiers revendiquant eux aussi une part de l’action (France, Russie, Japon,…)

Quelle sphère d’influence voulons-nous bâtir ?

Accepter le CLOUD ACT revient à accepter la suprématie du droit américain sur le nôtre en matière de droit des consommateurs et à perdre peu à peu le contrôle de nos communications et nos données.

Bâtir une sphère numérique Européenne forte permettrait au contraire de porter haut nos valeurs et de protéger la vie digitale de nos concitoyens et de nos entreprises, enfin, de développer notre industrie et de créer de nombreux emplois. Nous avons aujourd’hui la capacité technologique et financière de cette autonomie stratégique.

Avec le RGPD, l’Union européenne s’est dotée d’un texte de référence pour protéger les données personnelles de ses citoyens, érigé en garantie de nos Droits et Libertés Fondamentaux. Ce texte doit être le vecteur de notre modèle civilisationnel et de notre souveraineté dans le numérique !

Sommes-nous capables d’en faire un standard mondial ?

Aujourd’hui, nous avons des choix à faire, avec des enjeux majeurs. Nous devons porter cette stratégie auprès de nos alliés Européens pour préserver notre souveraineté. C’est déjà le cas avec le Japon, reconnu aux yeux de la Commission européenne comme ayant « un niveau de protection adéquat » au RGPD ; ou encore la Californie, pourtant siège des géants de la Tech qui se dote du CCPA -California Consumer Privacy Act- en vigueur le 1er janvier 2020.

Ensemble, nous pouvons bâtir un espace numérique dans lequel prévalent les droits et libertés fondamentaux de notre société, nos intérêts économiques, nos informations commerciales, industrielles, financières ou techniques, à l’abri des lois extraterritoriales de type CLOUD ACT ou équivalent.

L’Europe a ouvert la voie avec le RGPD, à nous d’en élargir le périmètre et d’en faire un standard mondial.