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AVIS D’EXPERT – Claude Molly-Mitton, président de l’USF

AVIS D’EXPERT

Claude Molly-Mitton, président de l’USF, l’association des utilisateurs francophones des solutions SAP« De plus en plus de clients hésitent désormais à investir, ou à continuer d’investir, dans les systèmes SAP. »

Claude Molly-Mitton, président de l’USF, l’association des utilisateurs francophones des solutions SAP

 

Solutions IT : L’ERP sert-il d’autres usages aujourd’hui que ceux habituels (finances, compta…)

Claude Molly-Mitton : Il y a bien longtemps que l’ERP couvre bien d’autres process que les finances ou la comptabilité ! Il suffit d’observer les différentes commissions de l’USF : gestion de production, Supply Chain, achats, ressources humaines, CRM, gestion de projets, gestion des biens immobiliers, etc. et même dans une certaine mesure le décisionnel même si on peut conceptuellement le considérer de façon séparée.

Parlez-nous de l’évolution des ERP

Le vrai sujet de l’évolution et de l’adaptation des ERP est triple… Il est d’abord technologique avec notamment l’émergence depuis plusieurs années du Cloud. Des multitudes d’applications métiers ont ainsi éclos dans une logique à la fois fonctionnelle et économique totalement nouvelle. Cette émergence représente un défi tant pour les éditeurs d’ERP traditionnels (“on premise”) que pour les DSI sollicitées par leurs directions métiers, souhaitant mettre en œuvre plus facilement leurs applications métiers à travers le cloud.

D’autre part les ERP, certes puissants et efficaces, mais souvent lourds et longs à mettre en œuvre, ont également commencé à se heurter aux besoins accrus de souplesse, de réactivité, d’adaptabilité, d’agilité et d’interopérabilité applicative, sans parler des exigences en matière de simplification de l’ergonomie.

Enfin les ERP, comme tout le système d’information, doivent aujourd’hui adresser les “Big Data”, ces données massives structurées et non structurées et ils doivent être en capacité de le faire en temps réel. C’est pour cela, par exemple, que les bases de données en mémoire ont vu le jour ces dernières années et vont à terme supplanter tous nos vieux SGBD relationnels qui géraient les données de nos ERP. Ces dernières évolutions marquent aussi la fusion du transactionnel et du décisionnel, et représentent un vrai saut technologique. Et l’arrivée prochaine de l’Internet des objets ne va que faire accélérer et renforcer ce besoin et ce mouvement inéluctable.

Les datas sont le pétrole du 21ème siècle, cela ne fait aucun doute.

Et pensez, pour ne prendre qu’un seul chiffre que selon IDC et EMC, 40 zettaoctets de données auront été créés avant 2020. Un zettaoctet c’est mille exaoctets, un million de petaoctets, un milliard de teraoctets. On ne se rend plus vraiment compte à cette échelle, mais pour prendre une image supposons qu’on traduise un octet par un mètre… 40 zettaoctets équivaudraient alors à plus de 4,2 millions d’années-lumière soit près de deux fois la distance entre la Voie Lactée et la galaxie d’Andromède ! Nos ERP vont donc devoir devenir en quelque sorte “galactiques” !

Pour répondre à tous ces challenges, il est clair qu’aujourd’hui l’ERP “post-moderne” (expression lancée par le célèbre cabinet d’analystes Gartner) sera un ERP hybride, tout à la fois traditionnel on premise et Cloud, garantissant une excellente interopérabilité applicative, s’appuyant sur une base de données en mémoire et avec une ergonomie totalement revisitée. Les ERP post-modernes devront permettre la mise en œuvre simple et transparente de process hybrides en partie en mode Cloud et en partie en mode “on premise”.

Quels points d’améliorations ?

Le vrai point d’amélioration et la vraie clé de la survie des ERP (et de leurs éditeurs) se situe au niveau de la viabilité du nouveau modèle économique à mettre en place. Bien plus qu’au niveau technologique ou fonctionnel. La question clé du côté des utilisateurs, c’est le coût de possession. Et en la matière, le débat sur ce sujet est de plus en plus prégnant.

Encore une fois, la clé est d’abord dans le modèle économique global. Les éditeurs, qui doivent évidemment pouvoir survivre et continuer d’innover, dans l’intérêt même de leurs clients, doivent admettre que le temps des marges à deux chiffres, de la vache à lait de la maintenance qui fait repayer les applications tous les 4 à 5 ans aux clients est révolu.

Je ne prendrai qu’un exemple que nous connaissons bien à l’USF (une note de perspective paraît début octobre sur ce sujet) afin d’illustrer cette révolution qui doit être celle du modèle économique des éditeurs traditionnels d’ERP, sans laquelle toutes les jolies révolutions technologiques seront vouées à l’échec. Cet exemple est celui des accès indirects facturés par SAP à ses clients qui n’a plus aujourd’hui aucun sens ni justification, si tant est qu’il n’en n’ait jamais eu avant…

Derrière le vocable “d’accès indirects” se cachent en fait plusieurs notions techniques et juridiques complexes qu’il serait trop long et trop complexe d’exprimer ici. Ce qui importe c’est que nous constatons que de plus en plus de clients hésitent désormais à investir, ou à continuer d’investir, dans les systèmes SAP, à cause notamment de ce problème (et plus globalement du modèle économique). SAP perd ainsi aujourd’hui un potentiel de chiffre d’affaires évidemment impossible à chiffrer précisément mais qui grandit indubitablement.

L’éditeur serait donc sans aucun doute fort bien inspiré, dans son propre intérêt autant que dans celui de ses clients de changer du tout au tout sa posture sur ce sujet et plus globalement son approche des licences basée aujourd’hui en grande partie sur le nombre d’utilisateurs directs ou indirects de ses systèmes. Mais que vaut aujourd’hui cette notion d’utilisateurs à l’heure du Cloud, du Big Data, de la mobilité et des objets connectés ? SAP a une formidable opportunité pour mener à bien cette révolution n’ayant pas encore annoncé à ce jour (car pas encore finalisé) le modèle de licensing de son tout nouveau ERP baptisé S4/HANA…