Microsoft a multiplié les annonces lors d’Ignite 2025, notamment autour de l’IA agentique, de la gouvernance des agents et des évolutions Azure. Dans cet entretien, Xavier Perret, directeur Azure chez Microsoft France, revient sur les enjeux concrets pour les entreprises, la gestion des données, la sécurité, la souveraineté et l’arrivée d’agents capables de transformer les usages cloud.
SNC : Lorsque Microsoft parle de l’IA agentique comme d’un tournant majeur, concrètement qu’est-ce que cela change pour un client Azure, typiquement une PME ou une ETI ?
Xavier Perret : On est face à un monde où l’on commence à intégrer l’IA ou les modèles de langage dans l’environnement Azure entreprise. On passe d’un mode où l’on intègre ces couches conversationnelles à un mode où l’on commence à déléguer des tâches à des agents.
Il y a deux nouveautés. La première concerne les données. Les agents savent interroger une base, mais les données sont souvent dispersées, structurées ou non, et difficiles à exploiter. Avec Fabric et les annonces autour de Fabric AI, on ajoute une couche sémantique qui permet de réconcilier et de transformer les données pour qu’elles soient compréhensibles par les métiers et par les agents.
La deuxième concerne la gestion. Je dois pouvoir m’assurer que les agents accomplissent correctement leurs tâches. C’est ce qu’on appelle l’observabilité. Avec les nouvelles capacités d’observabilité et de pilotage des agents présentées à Ignite, on apporte la capacité de piloter les agents comme des collaborateurs numériques.
C’est la vision de Microsoft : refondre les processus d’entreprise avec une intelligence au niveau des données et une couche de gestion agentique.
Quels bénéfices tangibles peut-on attendre à court et moyen terme ?
X. P. : Je vais pouvoir déployer en toute sécurité des agents pour accomplir des tâches plus ou moins complexes, de faible valeur ou très chronophages. Cela apporte de la productivité et réduit le temps nécessaire pour passer du POC au terrain. On va aussi voir apparaître de nouvelles applications, notamment pour coordonner des écosystèmes différents, ce qui était difficile auparavant. Par exemple, dans la supply chain, l’agent peut orchestrer plusieurs acteurs. Cela optimise des processus et augmente les capacités des collaborateurs.
Avec la montée des agents autonomes, comment Microsoft aborde les questions de sécurité, de conformité et de traçabilité ?
X. P. : C’est un point essentiel. D’abord, on veut s’assurer que l’agent exécute uniquement les tâches prévues. On améliore les technologies autour des données pour éviter les hallucinations ou la complaisance, avec des modèles adaptés.
Ensuite, chaque agent dispose d’une identité grâce à Entra, ce qui permet de gérer ses droits et d’appliquer les politiques de sécurité déjà existantes.
Enfin, l’agent s’appuie sur des bases de données gouvernées. Si une donnée est confidentielle, il n’y aura pas accès. Cela peut déclencher des alertes de sécurité. On applique aux agents le même niveau de contrôle qu’aux collaborateurs : identité, gouvernance des données, observabilité et conformité.
Azure Copilot passe d’assistant à cockpit infra. Quel type d’opérations peut-il automatiser aujourd’hui et quelles sont les limites ?
X. P. : Azure Copilot permet déjà d’interagir en mode conversationnel avec l’administration des ressources Azure, que ce soit via le portail, la CLI ou du code.
La nouveauté est le passage en mode agentique : je délègue l’action. Il crée la ressource, pas seulement le code.
Nous avons aussi lancé un agent de migration capable de gérer toutes les étapes de migration, de déploiement et de remédiation. Il peut accompagner des modernisations : .NET, Java… Il ne peut pas encore tout faire, notamment certaines refontes applicatives complexes, mais il couvre déjà un spectre large.
Sur le volet data et IA, comment Microsoft gère l’équilibre entre puissance de l’IA, flexibilité développeur et gouvernance des données ?
X. P. : Azure AI Foundry apporte la promesse de déployer les modèles en toute sécurité. On propose un catalogue d’environ 11 000 modèles, Open Source inclus, et des modèles généralistes comme ceux d’OpenAI, désormais ceux d’Anthropic, ou encore Mistral que nous avons annoncé récemment.
Le client peut choisir les modèles les plus adaptés. On nourrit ensuite ces applications avec les données de l’entreprise. Le principe est d’apporter puissance, flexibilité et sécurité dans un même environnement.
Pour les équipes DevOps ou d’ingénierie infra, quelles sont les nouveautés qui changent leur quotidien ?
X. P. : Notre fer de lance reste GitHub. La stack Copilot permet de déléguer des tâches, de la documentation à la génération de code, jusqu’au pull request. L’impact pour les développeurs est similaire à ce qui s’est passé avec Python : ils deviennent maîtres de la chaîne mais se concentrent davantage sur les besoins métier et la coordination, tandis que les tâches répétitives sont déléguées à l’agent, toujours dans un environnement sécurisé.
Pour un acteur européen, quels sont les enjeux de souveraineté et de localisation des données ? Microsoft propose-t-il des offres agentiques adaptées aux contraintes européennes ?
X. P. : Azure et Microsoft 365 sont adaptés depuis longtemps à ces contraintes, en conformité et en localisation. Nous avons deux régions en France et une troisième en construction. OpenAI sur Azure répond déjà aux mêmes engagements que tous les services Azure en matière de localisation européenne.
Nous avons aussi des engagements forts : interventions limitées aux résidents européens, développement de datacenters en Europe, et partenariat avec des acteurs locaux comme Mistral. Cela fait partie de notre stratégie d’ouverture et d’investissement dans l’écosystème européen.
Selon vous, quelles sont les erreurs les plus fréquentes dans les projets IA / cloud des entreprises françaises ? Et, à l’inverse, les bonnes pratiques ?
X. P. : L’enjeu n’est plus technique. Il est humain. Beaucoup sous-estiment le changement d’usage, la formation et la culture autour de l’IA. Sans appropriation, l’impact est limité.
Deuxième point : penser que l’on peut avoir de bons projets IA sans de bonnes données. D’où notre investissement dans Fabric pour unifier, gouverner et rendre les données utilisables.
Les bonnes pratiques : ceux qui prennent en charge à la fois la technique, la data et l’appropriation métier réussissent. Pierre & Vacances, Groupama ou Darty l’ont fait en respectant leur culture et leur identité, ce qui est essentiel.
En France, quels secteurs vous semblent déjà prêts à bénéficier pleinement de vos agents et lesquels auront besoin d’un accompagnement plus progressif ?
X. P. : C’est très variable. Une étude IT montre que la France diffuse assez bien ces usages. La différence se situe surtout dans l’organisation du cloud : ceux qui ont déjà fait le chemin data ou cloud hybride vont plus vite. Le retail ou certaines grandes industries avancent bien, car la transformation data était déjà en place.
Mais cela dépend aussi des cultures d’entreprise, ce qui rend la réponse difficile à généraliser.
Une dernière question. Si vous deviez résumer en une phrase ce qu’Ignite 2025 change pour vos clients français, quelle serait-elle ?
X. P. : C’est la mise en relation entre la vraie valeur de l’entreprise – ses données et ses processus – et les agents qui travaillent avec les collaborateurs. L’objectif est de tirer le maximum de la valeur des données d’entreprise, avec une technologie qui permet enfin ce lien entre besoin métier et capacités des agents.








