L’administration Trump a dévoilé le 23 juillet son America’s AI Action Plan, une stratégie ambitieuse pour asseoir la suprématie technologique des États-Unis dans le domaine de l’intelligence artificielle.
Axé sur les trois piliers innovation, infrastructures et diplomatie internationale, le “Winning the AI Race: America’s AI Action Plan” entend libérer le potentiel du secteur privé, lever les freins réglementaires, bâtir une infrastructure énergétique massive et imposer les standards américains à l’échelle internationale.
Conçue comme un levier de domination économique, militaire et géopolitique, l’intelligence artificielle est placée au cœur de la souveraineté américaine. Dans ce document de 28 pages, la Maison Blanche assume sa volonté d’imposer son propre cadre technologique, en s’opposant aux normes européennes jugées trop restrictives. Le plan va jusqu’à exiger la suppression de toute référence à la désinformation, à la diversité ou au climat au nom de la « protection de la liberté d’expression ».
Un écosystème pour accélérer l’adoption de l’IA dans tous les pans de l’économie
Le plan présente des atouts indéniables. Il repose sur le triptyque investissements massifs, dérégulation ciblée et souveraineté industrielle. Il prévoit notamment la simplification des procédures pour la construction de data centers et d’usines de semi-conducteurs, la modernisation accélérée du réseau électrique et la mise en place de centres de calcul ultra-sécurisés pour les besoins militaires. L’approche est pragmatique : l’IA doit être déployée dans tous les secteurs et soutenir la croissance, tout en formant une nouvelle génération de travailleurs qualifiés.
Sur le plan international, le plan prévoit d’exporter le modèle technologique américain, en créant une alliance des pays utilisateurs de technologies IA made in USA. Il renforce les contrôles à l’exportation, cible l’influence chinoise dans les organismes internationaux et encourage une harmonisation des normes au sein du bloc occidental.
Des faiblesses potentielles qui pourraient limiter l’efficacité du plan
Mais le plan étasunien présente aussi de sérieuses limites. Le rejet des régulations éthiques et la suppression des références aux enjeux climatiques posent question. La volonté de déréguler à marche forcée l’énergie et l’économie numérique pourrait générer un impact environnemental majeur, notamment par le recours aux énergies fossiles. L’automatisation accélérée, sans garanties sociales solides, fait aussi planer le risque d’un creusement des inégalités.
Enfin, la stratégie américaine reste floue sur la gouvernance des risques IA et néglige les mécanismes indépendants de supervision. Elle pourrait entraîner une fragmentation mondiale des standards si elle est perçue comme trop unilatérale.
Résister au modèle techno nationaliste de dérégulation stratégique
L’Europe ne peut rester passive. Si elle veut résister à ce modèle techno nationaliste de dérégulation stratégique, elle doit fédérer ses énergies. Faire valoir un cadre de confiance avec l’AI Act, une politique industrielle plus volontariste pour combler son retard technologique, et une diplomatie active pour promouvoir des standards éthiques à l’échelle mondiale. Il est surtout urgent pour l’Europe d’investir dans des capacités industrielles et technologiques environnementalement propres, de soutenir l’innovation via des politiques communes ambitieuses et de renforcer une diplomatie technologique capable de faire émerger des standards globaux alternatifs.