Malgré quelques avancées spectaculaires, l’intelligence artificielle n’a pas encore transformé le secteur aéronautique. Dans un livre blanc piloté par Aerospace Valley, une quarantaine d’experts appellent à développer des IA sobres, embarquables et souveraines, adaptées aux contraintes spécifiques de la filière. Loin des modèles grand public, c’est une autre vision de l’IA qui se dessine.
Un livre blanc pour une IA adaptée à l’aéronautique
Une quarantaine d’experts d’Occitanie et Nouvelle-Aquitaine publient un livre blanc intitulé « Contribution de l’IA à une aéronautique pérenne ». Piloté par le pôle de compétitivité Aerospace Valley, il appelle à développer des algorithmes spécialisés, sobres, embarquables et souverains pour le secteur.
« L’intelligence artificielle ouvre des perspectives concrètes pour concevoir différemment, voler plus efficacement, anticiper les besoins de maintenance. » Catherine Jestin, EVP Digital chez Airbus, présidente de la Commission Digitale du Gifas
Globalement, l’IA n’a pas encore transformé le secteur, à l’inverse de la publicité ou du e-commerce. Des projets pilotes existent cependant : Airbus avec son projet Dragonfly a permi un déroutement autonome d’un A350 en janvier 2023, Daher a offert une réduction drastique du temps de diagnostic en maintenance et OpenAirlines s’est lancé dans l’optimisation IA de la consommation de carburant.
Un besoin d’IA frugale, embarquable et souveraine
Les experts insistent sur la nécessité de concevoir des IA sobres en calcul et compatibles avec les contraintes d’embarquement (masse, puissance, temps réel, dissipation thermique) : « Embarquer des capteurs supplémentaires doit être justifié au regard de leur poids et des risques de défaillance associés », résume le livre blanc.
Pour Romaric Redon (ANITI, ex-Airbus), il est temps de reprendre le contrôle sur les briques critiques : « Nous sommes de plus en plus dépendants de technologies américaines, que ce soit pour le stockage des données ou les calculateurs de bord. »
Des spécificités freinant l’adoption
L’aéronautique est un secteur BtoB majoritairement, où les retours sur investissement de l’IA sont plus lents et complexes. Les technologies développées par les géants du numérique ciblent avant tout le secteur BtoC, notamment pour des usages comme la publicité ciblée. Ce domaine, très lucratif, consacre à lui seul 500 milliards de dollars sur un total de 1 000 milliards à ce type d’innovations. À l’inverse, l’aéronautique civile, pourtant estimée à 1 200 milliards de dollars, n’en consacre qu’une part infime à l’IA. D’où la nécessité, selon les experts, que les acteurs du secteur investissent eux-mêmes dans le développement de solutions d’IA spécifiques, adaptées à leurs enjeux métiers.