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Vers un « cyber-Schengen »?

EBRC, Yves Reding, CEO

L’incontournable écosystème digital européen

Par Yves Reding, CEO, EBRC

 Aujourd’hui, la majorité des acteurs du secteur digital en Europe sont peu puissants comparés aux géants internationaux du web. Pourtant, l’Europe est constituée d’un écosystème digital et de compétences extraordinairement riches et diversifiées. Représentant un potentiel de plus de 500 millions de consommateurs et d’usagers du monde numérique, l’Union européenne est un acteur incontournable de la quatrième révolution industrielle en cours.

LE RESPECT DE LA DIGNITÉ HUMAINE

Le continent européen impose ses normes et ses valeurs humanistes, respectueuses des Droits de l’Homme. À titre d’exemple, le RGPD devient, de facto, un standard global en matière d’échanges des données personnelles. Le 14 septembre 2016, voulant réaffirmer quelques valeurs essentielles européennes, Jean-Claude Juncker, Président de la Commission européenne, a rappelé devant le Parlement européen l’importance pour tout citoyen du droit à une vie privée et à la protection de ses données personnelles : « Les européens n’aiment pas que des drones planent au-dessus de leur tête pour enregistrer leur moindre geste, ni que des entreprises consignent chacun de leurs clics de souris. (…) Car en Europe, la vie privée n’est pas un vain mot. C’est une question de dignité humaine. »

LA COMPÉTITION ÉQUITABLE OU LE « LEVEL PLAYING FIELD »

De plus en plus dans la nouvelle économie numérique, règne le principe du « winner takes it all », c’est-à-dire « le gagnant s’accapare l’ensemble du marché ». Ce principe aboutit à la création de monopoles durables, disposant d’une puissance progressivement croissante. Cette puissance peut être telle que l’acteur dominant définit lui-même les règles du jeu et les modifie unilatéralement dans son propre intérêt. Afin d’assurer un écosystème diversifié, il est vital que l’Union européenne régule et assure des règles identiques et équitables. Le sommet digital européen de Tallinn du 29 septembre 2017 a retenu le principe d’une transparence plus juste, avec l’objectif d’inciter les plateformes de l’internet à davantage de clarté, tout en incitant les lanceurs d’alerte à s’exprimer sur les sujets d’agression économique.

SOUTENIR L’INNOVATION DE RUPTURE À UN NIVEAU EUROPÉEN

De même, l’Europe doit soutenir l’innovation digitale. Emmanuel Macron, Président de la République française, a appelé à la création dans les deux ans à venir d’une nouvelle « Agence européenne pour l’innovation de rupture ». Avec pour objectif de « mettre l’Europe en situation de novateur et non de suiveur » et d’encourager l’émergence de champions digitaux européens. Le sommet de Tallinn a approuvé la mise en place d’une politique commune de transformation et d’investissements pour tendre vers un marché unique et un financement de l’innovation de rupture (Intelligence Artificielle, Blockchain, véhicules autonomes, etc.).

UN ESPACE NUMÉRIQUE QUI SOUTIENT

Face à la révolution digitale à venir, le sommet de Tallinn a retenu le financement des biens communs afin de permettre aux autorités publiques de lutter contre la fracture numérique via la formation initiale et continue.

UN ESPACE NUMÉRIQUE QUI PROTÈGE LES CITOYENS

Pour que l’économie numérique européenne soit ouverte à l’innovation et que chaque citoyen puisse en profiter, il est indispensable de responsabiliser les usagers. L’Estonie est un des champions européens du digital et de l’e-gouvernance, une administration zéro papier qui propose, entre autres, le statut d’e-résident. Pour ce pays, le monde numérique est indissociable du volet « cyber-security ». De ce fait, il a développé le concept d’hygiène numérique pour tous. Conscient que le monde digital est porteur de risques, il est vital que chaque usager adopte les bonnes pratiques en matière de sécurité. Et ces bonnes pratiques reposent sur des réflexes de base et de bon sens. Les citoyens doivent comprendre comment assurer leur sécurité et éviter une divulgation accidentelle ou malveillante de leurs informations personnelles. Seule une meilleure cyber-sécurité permettra de garantir une circulation transfrontalière en confiance et aisée des biens, des personnes, des services, des capitaux et évidemment des données. La mise en application de ces mesures fondamentales d’hygiène numérique permettrait d’éviter 90 % des cyber-attaques.

UN « CYBER-SCHENGEN » ?

La Commission européenne estime que si l’Union européenne n’est pas capable de repousser correctement les défis en matière de cyber-sécurité, l’économie européenne pourrait subir des pertes estimées à un montant de 640 milliards d’euros. Une cyber-attaque d’envergure mondiale pourrait engendrer autant de dommages qu’un ouragan de type Katrina, soit l’équivalent de 120 milliards de dollars US. En 2016, environ 4 000 cyber-attaques ont été enregistrées chaque jour dans toute l’Union européenne. Si les usagers du digital sont la cible de cyber-attaques, il en va de même des entreprises, des institutions internationales ou nationales, des infrastructures d’intérêt stratégique. 2016 et 2017 nous ont montré que même des élections démocratiques peuvent être influencées par des actes de cyber-malveillance. Désormais, pour faire face aux cyber-menaces, les capacités individuelles de chaque pays ou de chaque entreprise ne suffisent plus. Seule une réponse coordonnée de mise en commun des moyens permettra d’y répondre efficacement. Lors du sommet européen digital de Tallinn, la Présidente de la Lituanie, Dalia Grybauskaitė, a plaidé pour la création d’un « Cyber-Schengen » européen. La cyber-sécurité doit devenir une composante de la politique de sécurité et de défense de l’Union européenne, avec la mise en place rapide de cyber-forces de réaction permettant de consolider la défense tout en assurant une prévention et une réponse efficace et efficiente aux cyber-attaques.