Accueil Réglementation/Loi Une plainte déposée en France contre Apple et Siri

Une plainte déposée en France contre Apple et Siri

Sans recueillir le moindre consentement, la marque à la pomme collectait, conservait et analysait un volume colossal d’enregistrements de son assistant vocal, même lorsque celui-ci était déclenché par erreur.

Siri a la mémoire plus longue que ne le prétend Apple. La marque à la pomme fait déjà l’objet d’un recours collectif outre-Atlantique, les plaignants lui reprochant d’avoir conservé et exploité sans consentement les conversations privées de ses utilisateurs entre 2014 et 2024. Des poursuites que Cupertino tente d’effacer avec un accord amiable à 95 millions de dollars, soit 20 dollars par appareil…

La cellule Investigations de France Info et Le Monde rapportent, en France, que la Ligue des Droits de l’Homme a porté plainte pour « pour violation de la vie privée, traitement illicite des données personnelles et pratique commerciale trompeuse ». Le signalement effectué auprès du parquet de Paris dénonce « la collecte massive d’enregistrements » d’Apple par le biais de son assistant virtuel.

Ecoutes massives

Car, à en croire un lanceur d’alerte français, la marque à la pomme conserve et analyse des dizaines de millions d’enregistrements, sinon des centaines. En 2019, Thomas Le Bonniec était recruté par Globe Technical Services, entreprise basée à Cork, à deux pas des locaux d’Apple. « Le jour même de mon arrivée, on nous a fait comprendre qu’on allait travailler sur des enregistrements de personnes en train de parler à leur assistant Siri ou sur des enregistrements captés à leur insu quand la machine se déclenchait par erreur » signale l’ancien salarié de ce sous-traitant d’Apple.

Thomas Le Bonniec affirme avoir traité quotidiennement des milliers d’enregistrements de conversations, souvent captées à l’insu des utilisateurs. « D’autres collègues étaient affectés à une étape ultérieure : l’étiquetage ou tag. Ils devaient comparer les mots-clés énoncés durant un enregistrement et les rattacher aux données stockées dans les appareils auxquelles nous avions accès comme les contacts, la géolocalisation, la musique, les films, des marques, etc. » ajoute-t-il.

Au mépris total du RGPD donc, puisque Apple se passe du consentement explicite et éclairé de ses utilisateurs.  « Il y a deux infractions importantes: la violation de l’intimité de la vie privée à travers des enregistrements qui n’ont pas été consentis, qui sont à l’insu des personnes, d’une part. Et puis, il y a la protection des données personnelles, le RGPD (Règlement général de protection des données), qui n’a pas été respecté non plus » explique à l’AFP la présidente de la LDH, Nathalie Tehio.

Des moments « choquants ou gênants »

Thomas Le Bonniec décide de quitter la société après avoir écouté près de 50 000 enregistrements. « Il y a des moments banals, choquants ou gênants où vous entendez des choses très intimes voire violentes qu’on ne partage pas avec des inconnus. Des conversations où il est question de données de santé, comme quelqu’un qui parle de sa sclérose en plaques ou d’une fausse couche. On entend aussi des opinions politiques ou syndicales » assure le lanceur d’alerte qui, depuis 2019, multiplie les signalements aux autorités.

Las, la Data Protection Commission irlandais classe l’affaire en 2022 sans lancer d’enquête. « Des gens achètent des appareils Apple en se disant que leur vie privée est mieux protégée. Je n’en suis pas convaincu du tout » souligne Thomas Le Bonniec. Apple a de son côté annoncé, dès 2019, la suspension de son programme de sous-traitance et de ne plus conserver les enregistrements de Siri que si l’utilisateur donne explicitement son accord. Dans un communiqué publié en janvier, l’entreprise assure que Siri a été « conçu pour protéger la vie privée des utilisateurs » et est « l’assistant numérique le plus privé qui soit ».