Pour sa 15e édition, EY & Associés (EY) et Numeum dressent le portrait d’un écosystème logiciel français toujours solide, mais engagé dans une mutation de fond. L’intelligence artificielle, intégrée sans surprise dans plus de six offres sur dix, redéfinit les modèles techniques et économiques du secteur.
Avec 23,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires d’édition en 2024, les éditeurs français maintiennent une croissance soutenue de 7,4 %. Une performance dans un environnement économique incertain, portée par un modèle SaaS bien installé et une rentabilité stable : 79 % des entreprises étudiées affichent un résultat d’exploitation positif. Mais derrière cette résilience, l’étude met en lumière une transition structurelle : celle d’une industrie qui passe de l’automatisation à l’intelligence agentique, où les logiciels apprennent et agissent de manière autonome.
L’IA comme pivot du modèle français
L’intelligence artificielle s’impose comme la première priorité technologique pour 83 % des éditeurs, devant le cloud et la cybersécurité. 61 % ont déjà intégré des fonctionnalités d’IA générative dans leurs produits, et 92 % utilisent au moins un outil d’IA en interne, principalement pour la R&D et le marketing.
Les gains sont réels : 61 % des entreprises constatent une hausse de productivité. Mais l’impact économique reste flou. “53 % des éditeurs n’intègrent pas de tarification spécifique ou offrent gratuitement les fonctionnalités d’IA”. L’IA génère donc de la valeur… sans toujours se traduire par des revenus additionnels.
Une souveraineté technologique à consolider
Le revers de cette accélération tient à la dépendance croissante aux solutions tierces. 76 % des éditeurs utilisent des modèles d’IA externes, souvent américains. Seuls 24 % développent leurs propres modèles, et à peine un tiers ont entamé leur mise en conformité avec l’AI Act européen.
Cette dépendance met en question la maîtrise des données et la souveraineté technologique du secteur. Pour des acteurs qui revendiquent un ancrage fort dans la R&D française, l’enjeu est désormais de regagner du contrôle sur les briques critiques : données d’entraînement, modèles et infrastructures.
Un équilibre entre innovation, responsabilité et rentabilité
La dynamique d’investissement reste bien orientée : 34 % des effectifs des éditeurs pure players sont dédiés à la R&D, et 73 % des entreprises citent l’innovation comme leur premier levier de croissance. En parallèle, la RSE poursuit sa consolidation : 77 % des éditeurs ont une démarche structurée et près de 60 % réalisent leur bilan carbone.
Le défi consiste à concilier cette volonté d’innovation avec des enjeux de gouvernance et de financement. Alors que l’accès aux capitaux externes se tend, 67 % des éditeurs s’appuient sur l’endettement, et 73 % recourent encore au Crédit d’Impôt Recherche.
Un modèle français en transition
Dans ce paysage, la France conserve ses points forts : un tissu d’éditeurs rentables, des expertises sectorielles solides et une R&D localisée. Mais la prochaine étape s’annonce décisive. Devenir « AI-native », ce n’est plus seulement intégrer l’IA : c’est repenser les architectures logicielles, la tarification et la gouvernance.
Le Top 250 2025 envoie un message clair : la compétitivité du logiciel français ne se jouera plus seulement sur la qualité des produits, mais sur la capacité à conjuguer performance technologique, indépendance et confiance.








