Accueil Logiciels-Services Témoignage – La commune de La Selle-sur-Bied se lance dans la télémédecine

Témoignage – La commune de La Selle-sur-Bied se lance dans la télémédecine

Face à la désertification médicale en zone rurale, la commune de La Selle-sur-Bied dans le Loiret a pris le taureau par les cornes : elle a lancé un cabinet de téléconsultation conçu par la startup Healphi pour faciliter l’accès aux soins. Plusieurs communes du département, où les médecins partant à la retraite ne sont plus remplacés, lui emboîtent le pas.

Jadis, il y avait des médecins à la Selle-sur-le-Bied, commune de 1 00 habitants dans le Loiret. Puis, plus aucun depuis de trop nombreuses années. Le maire, Pascal Delion, ne voulait pas perdre non plus la pharmacie, qui finissait par battre de l’aile : « Dans notre bassin de vie de 2 500 personnes et aux alentours, beaucoup de médecins partent à la retraite sans être remplacés. Nous nous sommes lancés dans le projet d’ouvrir un cabinet de téléconsultation au sein de la maison paramédicale, ouverte depuis un an et demi, avant même d’avoir reçu la subvention de la Région. »
Le premier cabinet de téléconsultation réalisé en partenariat avec la startup Healphi, a ainsi pu ouvrir officiellement en septembre 2018 après quelques semaines de tests. Le maire de la Selle-sur-le-Bied souhaite offrir aux habitants un maximum de services, qui pourraient à terme développer le tissu commercial. Il se félicite : « Plus besoin d’aller attendre plusieurs heures aux urgences de Montargis pour se soigner ! »

Deux autres communes du département ont ensuite ouvert elles aussi un cabinet de téléconsultation début 2019 : Saint-Maurice-sur-Fessard, au sein d’un cabinet infirmier, et Châtillon-Coligny, dans un pôle de santé. Au début du printemps, ce sera au tour de Dordives, dans un EHPAD (Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), et de Lorris, au sein d’une maison de santé.

2,5 millions de Français souffrent d’un manque d’accès aux soins

La charge de travail des urgentistes est ainsi diminuée. « En créant notre startup à Marseille en juin 2017, nous avons souhaité soulager les services d’urgence et lutter contre les déserts médicaux, qui concernent 2,5 millions de personnes en France », met en avant Jean-Sébastien Gras, cofondateur de Healphi avec Tarik Mouamenia. Ils ont conçu ensemble le cabinet de téléconsultation : le patient y consulte à distance un médecin généraliste, accompagné d’un infirmier qui réalise des mesures grâce aux instruments du chariot, certains étant connectés pour faciliter le travail du médecin (thermomètre, tensiomètre, stéthoscope, oxymètre, otoscope, dermatoscope).

Tarik Mouamenia et Jean-Sébastien Gras, cofondateurs de Healphi

Un projet mené avec les acteurs locaux

C’est le fruit d’un projet fondé sur une approche terrain, à la fois tourné vers le patient et en concertation avec les médecins, infirmiers et les élus locaux. Après une étude de marché réalisée début 2017 auprès des médecins et infirmiers, il a été construit avec les élus, et soutenu par la Région et l’Agence Régionale de Santé (ARS) Centre-Val-de-Loire. « Le besoin de médecine générale est le plus important, souligne Jean-Sébastien Gras. Nous travaillons néanmoins actuellement avec des spécialistes en cardiologie et en dermatologie. »

80 % des problèmes résolus

Pierre Dubois, généraliste depuis 34 ans, souhaitait conserver une activité à temps partiel à son début de retraite. Il téléconsulte depuis Tours les patients de La Selle-sur-Bied, chacun ayant un rendez-vous de 20 minutes, une après-midi deux fois par semaine: « J’ai vu des choses que je ne voyais pas en consultation à Tours, car certains patients n’ont pas consulté de médecin depuis très longtemps. J’ai formé les infirmiers aux différentes prises de mesure. Ils sont mes bras, et je mène la consultation. Certes, on ne peut pas pratiquer la palpation du ventre, qui requiert l’expertise médicale. Mais je peux résoudre 80% des problèmes que je résolvais en consultation classique. Je prescris des prises de sang, des radios, je télétransmets des ordonnances, des certificats médicaux… »

téléconsultation
Le cabinet de téléconsultation

Toute innovation a ses détracteurs. Les acteurs du projet regrettent qu’un médecin réticent à 10 km de La Selle-sur-Bied dévalorise le projet. Ce qui n’empêche pas le projet de grandir, avec de nouvelles communes, et des patients au rendez-vous. « Les patients reviennent, ou amènent leur fils, leur mari, se réjouit le docteur Dubois. La confiance est là. » S’il indique qu’au début des téléconsultations, il a connu divers problèmes logiciels et de connexion, aujourd’hui ça s’arrange. Guillaume Presle, l’un des deux infirmiers, avec Audrey Guillot qui assistent les patients à La-Selle-sur-le-Bied, a également essuyé les plâtres au niveau technique l’été dernier. Mais il voulait avoir une expérience complémentaire à son activité libérale, et surtout ce projet lui tient à cœur car il répond à un besoin de la population : « Notre présence rassure le patient. Nous nous chargeons de toutes les manipulations. Certes, au début, il y eu quelques réticences face à l’inconnu. Avec un médecin à l’écoute et à l’heure, le bouche-à-oreille a été positif. »

 

Dans les coulisses du cabinet de téléconsultation

Healphi met à disposition du médecin téléconsultant et des infirmiers des logiciels médicaux de Cegedim, partenaire du projet, permettant l’emploi de la carte Vitale et le remboursement du patient, comme dans une consultation médicale classique. Par ailleurs, les professionnels de santé ont aussi accès au DMP du patient : ce dossier médical partagé est un carnet de santé numérique qui conserve de façon sécurisée les informations de santé. Les données de santé sont stockées chez un hébergeur de données agréé, garantissant leur confidentialité.

Schéma de fonctionnement de la téléconsultation

 

La téléconsultation généralisée depuis septembre 2018

Depuis le 15 septembre 2018, la téléconsultation est généralisée ; deux exigences ont été posées par la Caisse Nationale d’Assurance-Maladie (CNAM) : le recours à une liaison vidéo afin de garantir la qualité des échanges, et l’utilisation d’une solution sécurisée pour protéger les données médicales, confidentielles et sensibles par nature. Les tarifs et modalités de prises en charge de ces consultations à distance sont identiques à ceux des consultations en présentiel.

Le développement de la télémédecine constitue un enjeu clé dans la mesure où elle peut apporter des réponses aux défis de notre système de santé. Son déploiement s’inscrit dans le cadre du Plan accès aux soins lancé en octobre 2017 par le gouvernement. Les nouvelles pratiques médicales fondées sur le recours aux technologies de la communication ont pour objectifs d’améliorer la prise en charge des patients, de simplifier leur suivi dans un contexte de vieillissement de la population et d’augmentation des pathologies chroniques (12 millions de patients en affections de longue durée (ALD) en 2016), de faciliter l’accès de tous à des soins de qualité sur l’ensemble du territoire et d’améliorer la qualité de vie des patients.

 

Auteur : Christine Calais