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StopCovid : organisations de défense des droits et avocats alertent sur le traçage numérique

(AFP) – Le projet controversé de traçage numérique, envisagé par le gouvernement pour lutter contre la pandémie de coronavirus après le confinement, représente une atteinte à la vie privée et aux libertés, alertent mardi des organisations de défense des droits, syndicats et avocats.

L’application mobile StopCovid doit permettre à un usager de prévenir les autres utilisateurs qu’il a croisés s’il est contaminé par le covid-19. Piste évoquée parmi les mesures de déconfinement à partir du 11 mai, l’application ne fait finalement pas partie du plan gouvernemental présenté mardi par le Premier ministre. Son utilisation fera l’objet « d’un débat spécifique, suivi d’un vote spécifique« , a précisé Edouard Philippe.
« L’intérêt et l’efficacité d’un tel suivi pour endiguer la propagation du virus sont trop incertains en comparaison de la menace disproportionnée qu’ils font peser sur les droits et libertés fondamentaux« , estime la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) dans un avis voté mardi.
« Il n’existe pas à l’heure actuelle de consensus à l’égard de son efficacité« , et son utilisation en France se heurte à « un obstacle majeur: la fracture numérique« , souligne-t-elle.
Pour qu’une telle application soit efficace, 60% de la population doit l’utiliser, selon une étude de la revue Science du 31 mars, citée par la commission qui rappelle que seule 77% de la population française est équipée d’un smartphone.

Les doutes des organisations de défense des droits

Selon le gouvernement, le traçage reposera sur le volontariat, l’anonymat des données et l’absence de données de géolocalisation. Mais les organisations de défense des droits mettent en doute la possibilité pour chacun de donner « un consentement libre et éclairé » sur les implications d’un traçage. « StopCovid s’annonce comme un véritable bracelet électronique passé volontairement au poignet des Français« , tranchent dans un communiqué commun le Syndicat national des journalistes (SNJ), le Syndicat national des
journalistes CGT (SNJ-CGT), la Ligue des droits de l’homme (LDH) et l’Union syndicale solidaires. Ces organisations évoquent un « chantage liant ce volontariat à la réussite du déconfinement« . Et en cas de contact avec une personne contaminée, devra-t-on « se soumettre à un dépistage obligatoire au risque de faire l’objet de poursuites
judiciaires? » interroge la CNCDH.
L’avocate Sophie Ferry-Bouillon prévient que « le volontariat doit être totalement garanti et non assorti de conditions comme l’accès aux soins ou aux tests« .

Limiter les risques d’identification des personnes

Lors d’un e-débat organisé mardi par le Conseil national des barreaux (CNB) avec plusieurs avocats et l’ambassadeur pour le numérique Henri Verdier, Me Ferry-Bouillon a souligné que toute conditionnalité entraînerait « une pression » sur l’utilisateur dont le consentement ne serait dès lors plus libre ni éclairé. Cette application ayant vocation à fonctionner pendant l’épidémie, dont on ne connaît pas la durée, elle estime qu’il est nécessaire qu’un « collège de personnalités » puisse décider de mettre fin immédiatement à son utilisation « s’il y a des dérapages ou un piratage ou des utilisations malveillantes« .

La présidente du CNB, Christiane Féral-Schuhl, spécialiste du cyber-droit, a mis en garde contre les inévitables « biais » qui accompagnent la création d’un algorithme et qu’il convient de corriger dans le respect des règles éthiques. « On est dans une société de surveillance. La question est le positionnement du curseur« , a-t-elle affirmé, invitant à mettre en balance l’efficacité sanitaire de l’application et l’atteinte aux libertés, appelant à « limiter les risques d’identification des personnes » liés à la traçabilité informatique.

L’ambassadeur Henri Verdier a pour sa part estimé qu’une des garanties serait que « le code source soit libre »: « Je ne vois pas comment une application qui concerne des millions de gens pourrait ne pas être en open source ».