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« SentinelOne entame un nouveau cycle de croissance, entre maturité et accélération » Alexandre Pierrin-Néron (SentinelOne)

Nommé VP Sales Manager France chez SentinelOne, Alexandre Pierrin-Néron dévoile sa feuille de route : verticalisation des grands comptes, relance partenariale, et élargissement au-delà de l’EDR grâce à Prompt Security (sécurité des usages IA) et Observo (maîtrise des données de sécurité). Une stratégie « AI-native » assumée pour accélérer en France.

SNC : Vous venez d’être nommé à la tête de SentinelOne France. Pouvez-vous revenir sur votre parcours ?

Alexandre Pierrin-Néron : J’ai toujours travaillé dans l’IT depuis ma sortie d’école et de l’armée, cela fait maintenant trente ans. J’ai évolué dans de grands groupes comme EMC², Cisco et HP, où j’ai occupé des postes de commercial puis de manager grands comptes, notamment pour AXA et Sanofi au niveau mondial.

Ensuite, je suis passé chez BMC Software sur la partie ITSM, avant de rejoindre Splunk, où j’ai dirigé la France à une époque où l’entreprise était encore une « scale-up ». C’est d’ailleurs un modèle qui me parle : c’est un peu la situation de SentinelOne aujourd’hui. Nous ne sommes plus une start-up, mais pas encore un géant. Par la suite, j’ai travaillé dans plusieurs acteurs de la cybersécurité, dont Cybereason et Lacework, avant de revenir chez BMC sur un périmètre Europe et Asie. 

Qu’est-ce qui vous a convaincu de rejoindre SentinelOne ?

A. P.-N. : D’abord, le marché de la cybersécurité me passionne. Ensuite, je pense que le marché entre dans une phase de consolidation : les clients, confrontés à la rareté des talents et à la réduction des budgets, cherchent à globaliser leurs solutions sous forme de plateformes intégrées. Aujourd’hui, quatre acteurs me semblent vraiment capables d’adresser cette stratégie : Microsoft, Palo Alto, CrowdStrike et SentinelOne.

SentinelOne est dans un tournant passionnant : un nouvel élan, une montée de marche. Nous sommes très forts sur le marché de l’EDR — je pense même leaders en France. Cela nous donne une base installée solide pour faire de l’upsell sur d’autres segments, notamment avec les deux récentes acquisitions : Prompt Security et Observo, qui vont nous redynamiser et nous donner un pas d’avance.

Quelle est votre feuille de route pour les prochains mois ?

A. P.-N. : J’applique une approche « 30-60-90 jours ». Les 30 premiers jours ont été consacrés à un rapport d’étonnement : comprendre où en est SentinelOne France. J’ai trouvé une belle dynamique, avec trois générations de collaborateurs : les plus anciens (présents depuis plus de cinq ans), ceux arrivés il y a deux ans et demi, et les nouveaux. Il faut désormais harmoniser tout ça : que les premiers évoluent, que la culture s’unifie et que les nouveaux trouvent leur place.

J’ai aussi profité des Assises de la Sécurité pour prendre la température du marché. J’ai été agréablement surpris : SentinelOne bénéficie d’une vraie reconnaissance, avec des clients solides comme Schneider ou Hermès, et une attente forte sur le renouveau de la marque.

Les 60 jours suivants seront dédiés à la structuration. Je travaille sur une organisation optimisée autour de deux pôles :

  • un pôle secteur public et régional,
  • un pôle grands comptes (CAC 40/SBF 120), que je souhaite verticaliser.

L’idée, c’est que nos commerciaux aient une réelle connaissance métier : qu’ils ne vendent pas un produit, mais des solutions adaptées aux enjeux sectoriels. Enfin, à 90 jours, je veux affiner cette organisation et installer une vraie vision, un « pilote dans l’avion ».

Je le dis souvent : on ne réussit jamais seul. Ce sont les équipes qui font le succès. Ma feuille de route, c’est un projet collectif : une vision, une stratégie et des objectifs partagés.

Comment évaluez-vous la maturité du marché français face aux menaces modernes ?

A. P.-N. : En 5 ans, on a assisté à un vrai changement. Les événements géopolitiques et la préparation des Jeux Olympiques ont obligé les entreprises à se mettre à niveau. Sur une échelle de 1 à 10, je dirais que la maturité est autour de 6. Elle varie selon les organisations : tout dépend du rattachement du CISO (IT, sécurité globale, direction des risques, etc.). Il faut maintenant passer d’une vision « assurance » — où la cybersécurité est perçue comme un mal nécessaire — à une approche de valeur métier.

Il y a cinq ans, seuls 10 à 15 % des CISO étaient précurseurs ; aujourd’hui, on est plutôt à 50 – 55 %.

SentinelOne revendique une approche « AI-native ». Qu’est-ce que cela change concrètement ?

A. P.-N. : L’IA est devenue un terme galvaudé, mais pour nous, elle est réellement native. Elle est intégrée dès la conception de nos solutions, contrairement à d’autres acteurs qui l’ont ajoutée après coup. C’est une vraie force : cela améliore la rapidité et la pertinence des détections.

Avec Prompt Security, nous allons plus loin : cette solution couvre trois volets majeurs — le shadow AI (les usages non contrôlés des outils d’IA), le développement sécurisé (intégrer la sécurité dès la création d’applications IA), et la sécurité des usages (empêcher les fuites de données via les agents ou les LLM). C’est un vrai différenciateur sur un marché en pleine mutation.

Quelle place cette brique occupe-t-elle dans votre stratégie ?

A. P.-N. : Une place centrale. Le marché de l’EDR tend à se commoditiser : la différenciation ne se fait plus seulement sur la détection, mais sur la capacité à protéger les environnements IA et cloud-natifs. Prompt Security nous permet d’entrer chez nos clients par de nouveaux interlocuteurs — les métiers, les développeurs, les équipes innovation — et de réconcilier le business, la sécurité et l’IT. Avec Observo, c’est la même logique : ouvrir le spectre et accélérer sur la partie data.

Justement, que va apporter Observo à votre portefeuille ?

A. P.-N. : Observo s’insère entre le SIEM et les autres solutions de sécurité. Aujourd’hui, les SIEM collectent des volumes colossaux de données dont à peine 25 à 30 % sont réellement utiles. Observo va permettre de filtrer, d’anonymiser, de synthétiser les données avant qu’elles ne soient envoyées dans les SIEM ou les plateformes d’observabilité comme Datadog. Résultat : des coûts réduits (car la facturation est souvent liée au volume de logs ingérés) et une meilleure efficacité opérationnelle. 

Prompt Security apporte une valeur « business », Observo une valeur « économique ».

Vous insistez souvent sur la vitesse de détection et de réponse. Comment l’IA permet-elle de réduire ce délai ?

A. P.-N. : Aujourd’hui, les SOC croulent sous le volume d’alertes. L’IA permet de filtrer, de corréler et de prioriser. Plutôt que de traiter 100 événements, elle en isole 10 vraiment critiques. Elle va aussi plus loin : elle analyse les historiques, propose des pistes de remédiation, et prépare jusqu’à 80 % du travail des analystes. Ce n’est pas une substitution, mais une augmentation de la capacité humaine.

Comment travaillez-vous avec les partenaires et MSSP en France ?

A. P.-N. : Nous avons un modèle 100 % indirect. SentinelOne France, c’est 25 personnes : nous ne pouvons pas tout couvrir seuls. Nos partenaires — intégrateurs, MSSP, assembleurs de solutions — sont essentiels pour proposer des offres complètes, clé en main. Le marché français est bien structuré, avec des acteurs solides comme Advens, avec qui nous avons déjà collaboré. L’enjeu, c’est de rester sélectif : on ne peut pas travailler avec tout le monde, il faut construire des relations engagées et durables.

Nous avons un modèle 100 % indirect. Je suis intransigeant sur ce point : soit on passe par nos partenaires, soit on n’y va pas.

Quels sont les secteurs les plus dynamiques pour SentinelOne en France ?

A. P.-N. : Historiquement, nous sommes très présents dans l’industrie et les services, avec des clients comme Schneider. Nous avons encore un fort potentiel dans le secteur financier, où nous sommes peu implantés. C’est un axe de développement prioritaire. Nous structurons aussi notre approche secteur public, avec une équipe dédiée aux grands ministères et une autre aux régions. Sur le privé, nous allons verticaliser par grands secteurs (banque, énergie, santé, retail, etc.) pour coller aux réalités métiers.

Enfin, quel rôle joueront selon vous l’IA — et demain l’IA agentique — dans la cybersécurité ?

A. P.-N. : L’IA sera un accélérateur et un facilitateur, mais ne remplacera pas l’humain.
L’homme restera supérieur dans la réflexion et la prise de décision. Nous vivons dans un monde où le volume d’informations explose : l’IA aidera à filtrer, synthétiser, hiérarchiser.

La décision finale doit rester humaine. L’enjeu, c’est de garder le contrôle.