Les discours sur la sobriété numérique se multiplient, les labels fleurissent, les feuilles de route s’enchaînent… Mais derrière les annonces, les pratiques évoluent lentement. L’Ademe, en première ligne sur ces sujets, plaide pour une approche progressive, mesurable et structurée. Encore faut-il que les entreprises sachent par où commencer.
Sobriété, durabilité, éco-conception, réparabilité… Le numérique responsable s’impose peu à peu dans les discours des DSI, des décideurs politiques et des industriels. Mais dans les faits, les transformations concrètes restent rares, hétérogènes, souvent limitées à quelques pilotes ou actions symboliques.
Et pourtant, l’urgence est là : le numérique pourrait représenter entre 6 et 7 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici 2030, selon les projections de l’Ademe. Une part en hausse constante, alimentée par la multiplication des terminaux, la montée en puissance du cloud et l’explosion des usages liés à l’IA générative.
« Les entreprises sont de plus en plus sensibilisées mais peu savent réellement par où commencer », résume Erwann Fangeat, coordinateur technique sobriété numérique à l’Ademe. Un constat partagé par bon nombre d’acteurs qui peinent à passer du discours aux actes, notamment faute de référentiels, d’outils communs ou tout simplement de ressources humaines disponibles.
L’Ademe multiplie donc les outils volontaires : diagnostics environnementaux, catalogues de bonnes pratiques, référentiels sectoriels… Parmi eux, on retrouve notamment le guide sectoriel pour les services numériques, la grille d’auto-évaluation DSI ou encore l’outil NumEcoEval. Tous sont accessibles via la plateforme agir.ademe.fr, qui constitue aujourd’hui le point d’entrée central pour les décideurs souhaitant se lancer : ressources techniques, accompagnement méthodologique et dispositifs de financement y sont référencés en fonction de la taille, du secteur ou du niveau de maturité de l’entreprise.
La sobriété, ce n’est pas moins de numérique, c’est un numérique utile, partagé et choisi. C’est la pertinence de l’usage qui prime. »
Elle soutient également des acteurs comme altimpact.fr, qui accompagne les organisations dans leurs premières démarches à impact. Mais les moyens manquent souvent en interne pour mettre en œuvre ces outils, surtout dans les PME. La plateforme prépare aussi les futures obligations réglementaires françaises et européennes, qui imposeront bientôt plus de transparence sur l’impact environnemental des services numériques. Car aujourd’hui, aucune réglementation ne contraint les entreprises à engager une démarche de sobriété numérique. On reste sur du volontariat, de l’incitation, des outils mais pas de cadre contraignant.
Des signaux encourageants à consolider
Malgré ce flou réglementaire, certaines dynamiques positives émergent. L’agence coordonne plusieurs appels à projets dans le cadre de France 2030, visant à soutenir les innovations écoresponsables dans le numérique : la dernière vague de sélection a permis de financer 11 projets concrets. Parmi eux, CédonIA, un projet mené par l’Inria et ses partenaires, cherche à réduire la consommation énergétique des modèles d’intelligence artificielle via une approche de co-conception logicielle et matérielle. L’Ademe constate aussi une montée en compétences : de plus en plus de DSI se forment, s’équipent d’outils de mesure et lancent des démarches d’éco-conception à petite échelle. Reste à passer à l’échelle et à embarquer tout l’écosystème.
Données clés
- 6 à 7 % des GES mondiaux liés au numérique d’ici 2030 (Ademe)
- 78 à 80 % de l’impact carbone d’un terminal = fabrication (GreenIT.fr/Ademe)
- 20 % de l’empreinte numérique nationale = cloud (Ademe/Arcep)
- Un smartphone = 70 à 110 kg de CO₂ émis dès sa fabrication (Ademe)
- Impact exponentiel de l’IA générative
- Objectif SNBC 2 : – 45 % d’empreinte numérique d’ici 2030
Camille Suard