Ancien développeur et manager R&D devenu Product Manager chez Gurobi, Xavier Nodet connaît intimement les coulisses de l’optimisation mathématique. Il revient sur la mission de cette entreprise pionnière, fondée en 2008 par des experts du domaine, qui a fait le pari du télétravail intégral bien avant l’heure dans l’optique de réunir les meilleurs talents. Avec près de 200 collaborateurs répartis dans le monde, Gurobi s’est imposé comme une référence mondiale du calcul d’optimisation, au cœur de la nouvelle ère de l’intelligence décisionnelle.
SNC : Pourquoi parle-t-on d’un retour en force de l’optimisation à l’ère de l’IA ?
Xavier Nolet : Parce que l’optimisation complète très bien l’IA. Les modèles donnent des prédictions (par exemple : « si vous baissez le prix de X, la demande augmente de Y »), mais ils ne prennent pas en compte toutes les contraintes simultanément. L’optimisation utilise ces prédictions et l’état réel (coûts, capacités, budgets, etc.) pour trouver le meilleur ensemble de décisions, pas une décision isolée.
L’IA prédit ; l’optimisation décide en combinant plusieurs décisions sous contraintes (budgets, capacités…), ce que les systèmes d’IA « classiques » ne gèrent pas. C’est un complément durable, dans toutes les industries.
En période de volatilité, qu’est-ce que ça change ?
X. N. : On décide plus vite. Si votre plan mensuel met une semaine à être recalculé et qu’un imprévu survient, vous êtes en retard. Avec l’optimisation, vous comparez des hypothèses et vous mettez le plan à jour rapidement.
Quels problèmes vos clients cherchent-ils le plus souvent à résoudre ?
X. N. : C’est très large : satisfaire le plus de demandes possibles compte tenu des ressources, minimiser les coûts pour servir une demande donnée, pénétrer un marché avec un budget contraint, ou encore améliorer les plannings (par exemple en tenant mieux compte des préférences du personnel). L’optimisation s’applique partout : on mesure quelque chose et on cherche à l’optimiser en respectant les contraintes.
Des secteurs en forte progression en Europe ?
X. N. : Oui, l’énergie. Avec la hausse des prix et la complexité des réseaux, les opérateurs ont besoin d’optimiser leurs infrastructures. La distribution d’électricité est un problème très complexe à gérer en temps quasi réel ; l’optimisation aide à évaluer l’impact d’événements (une ligne hors service, une centrale qui s’arrête) et à reconfigurer efficacement.
Concrètement, que fait le moteur Gurobi ?
X. N. : C’est une grosse calculatrice : on lui fournit un problème bien posé — ce qu’on cherche à optimiser, des variables de décision (produire ou non, quand, combien…), et des contraintes. Le solveur calcule une ou plusieurs solutions et peut prouver l’optimalité si on le laisse tourner suffisamment. Gurobi s’intègre dans une application qui récupère les données et présente la solution à une machine ou à un utilisateur.
Quelles évolutions récentes du moteur facilitent l’adoption ?
X. N. : Nous gérons désormais des problèmes non linéaires. Dans l’énergie, la relation entre variables n’est souvent pas linéaire : on n’est plus obligé d’approximer par morceaux. Le moteur traite directement ces modèles, ce qui élargit le champ d’application (énergie, chimie, etc.) et gagne en précision.
Comment accompagnez-vous les entreprises (compétences, support) ?
X. N. : Nous proposons des formations (y compris un cours en ligne co-développé avec des universitaires). Le support est un point fort : une grande partie de l’équipe technique répond directement aux utilisateurs — des profils souvent docteurs en maths/optimisation — et les avant-ventes techniques aident à l’intégration. On accompagne aussi bien des équipes expérimentées que des entreprises qui découvrent l’optimisation.
Quelle place face aux géants du cloud et de l’IA ?
X. N. : Nous avons notre place : Gurobi est un logiciel. Il ne remplace pas le cloud ni le matériel ; il s’exécute sur ces infrastructures (y compris via notre offre cloud). Certains clients préfèrent on-prem pour des raisons de disponibilité ou de confidentialité : pour nous, c’est transparent.
Votre promesse, en une phrase ?
X. N. : Nous avons le meilleur solveur d’optimisation au monde. Gurobi ne fait que de l’optimisation : tout le monde tire dans la même direction.