Accueil Big Data « L’IA ne peut plus rester dans les laboratoires : notre défi,...

« L’IA ne peut plus rester dans les laboratoires : notre défi, c’est l’adoption à grande échelle »

Émilie Pierre-Desmonde, Directrice de Big Data & AI Paris

Interview d’Émilie Pierre-Desmonde, Directrice de Big Data & AI Paris

Vous avez pris la direction de Big Data & AI Paris en juin 2025. Dans quel contexte arrivez-vous ?

 

J’arrive dans un moment charnière. L’IA est à la fois un levier de croissance, un enjeu d’autonomie numérique, et une source de tensions réglementaires. L’AI Act européen est entré en vigueur en février, mais les débats sont loin d’être clos : les Big Tech contestent les dispositifs, notamment autour du RGPD et de l’accès aux données. Le DMA (Digital Markets Act) et le DSA (Digital Services Act), pourtant en vigueur depuis mars 2024, sont également remis en cause. Et derrière ces frictions juridiques, une question essentielle reste sans réponse : quelles données utilisons-nous pour entraîner nos modèles ? Avec quelles garanties ?
C’est dans ce contexte que je prends mes fonctions, avec une ambition claire : faire de Big Data & AI Paris un catalyseur de passage à l’échelle. Nous avons besoin d’un événement qui dépasse la démonstration technologique pour devenir une plateforme d’adoption concrète, en particulier pour les PME, les administrations, et les industries critiques.

Le cadre réglementaire est en pleine recomposition. Comment le salon peut-il aider à mieux s’orienter ?

Nous assumons un rôle de boussole. Big Data & AI Paris est le lieu où se rencontrent institutions, juristes, entreprises et experts pour débattre des règles du jeu. Cette année, plusieurs tables rondes porteront sur la conformité des modèles d’IA avec le RGPD (via l’initiative PANAME de la CNIL et de l’ANSSI), la sécurisation des environnements cloud (avec SecNumCloud), et les impacts pratiques de l’AI Act, du DSA et du DMA.
L’objectif est de faire émerger une lecture critique, accessible et opérationnelle du droit en construction. Nous ne voulons pas seulement suivre le législatif. Nous voulons l’éclairer, en confrontant les textes aux réalités du terrain.

Et la big data dans tout ça ? Elle semble parfois reléguée derrière le mot “IA”…

C’est une erreur stratégique. Il ne peut pas y avoir d’IA performante sans données pertinentes, accessibles, traçables. Or, à l’échelle européenne, la question des jeux de données d’entraînement est encore largement floue. C’est pourquoi notre salon met autant l’accent sur la donnée que sur les modèles.
Nous abordons la gouvernance, la qualité, l’hybridation cloud/on-premise, mais aussi les architectures de données dans les entreprises. Des sessions comme « Data et IA pour les industries souveraines » ou « Les communautés au coeur de l’adoption » visent justement à rendre la big data plus intelligible et plus mobilisable pour les DSI, les métiers, les décideurs publics.

La France affiche des ambitions fortes sur la scène IA. Comment cela résonne-t-il dans votre programmation ?

Notre ligne éditoriale s’inscrit pleinement dans les grands axes du plan « Osez l’IA » annoncé en juillet 2025. Nous contribuons à ses deux piliers : la sensibilisation/formation, avec des formats courts, ciblés, orientés cas d’usage ; et l’accompagnement, en facilitant des connexions stratégiques entre acteurs qui ne se croisent pas ailleurs : administrations, industriels, startups, chercheurs.
Côté contenu, nous portons les priorités du gouvernement :

  • Le cloud souverain, avec l’exemple du Health Data Hub et les partenariats OVHcloud/Scaleway.
  • L’IA au service du service public (ex. MEAE, traduction multilingue souveraine).
  • La synergie recherche-industrie, portée par des initiatives comme Paris-Saclay.
  • L’effort d’investissement dans les infrastructures critiques (calcul, quantique, cybersécurité).

Nous aurons notamment une keynote sur le plus puissant supercalculateur classifié d’Europe, dédié à l’IA de défense. Et des sessions sur la place de l’IA dans la transition énergétique, la santé, et les territoires.

La question de la souveraineté revient en force. Quel regard portez-vous sur cet enjeu ?

Il faut sortir de la dichotomie naïve entre autonomie intégrale et dépendance totale. La vraie question, c’est : sur quelles briques voulons-nous garder la main ? Sur les données de santé ? Les clouds critiques ? Le calcul pour les usages militaires ou énergétiques ?
La souveraineté, ou plutôt l’autonomie, c’est une stratégie de résilience et de contrôle. Nous devons l’assumer, sans hypocrisie. Nous devons avancer sans dogme, mais avec lucidité. C’est pourquoi notre salon donne la parole à la fois aux pionniers français, aux géants du cloud, et aux acteurs publics pour faire émerger une vision partagée.

Concrètement, qui va-t-on entendre et rencontrer sur place ?

Nous accueillerons plus de 300 speakers. Parmi eux, des profils variés et complémentaires :

  • Des directeurs et directrices data et innovation de grands groupes européens, comme Michel Lutz, TotalEnergies, ou Antoine Charpentier, RATP.
  • Des leaders technologiques tels que Florian Douetteau (Dataiku) et Sylvie Houlière-Mayca (OVHCloud)
  • Des experts en IA responsable comme Hugo Hamad (AXA France) ou David Gurle (Hivenet et Polycloud)
  • Des chercheurs et chercheuses, à l’image de Zelda Mariat (Bioptimus) ou Dr Sarah Watson, (médecin-chercheuse à l’Institut Marie-Curie).
  • Des personnalités publiques et représentants de clusters économiques majeurs, comme Alexandra Bensamoun, professeure des universités et personnalité qualifiée au Ministère de la Culture, ou Minh Girey, Chief Data Officer chez BPIFrance.

Le programme 2025 est structuré autour de sept thématiques phares, en écho direct aux grandes priorités économiques :

  • Cloud souverain et infrastructures critiques
  • Gouvernance des IA génératives et encadrement réglementaire
  • Cas d’usage sectoriels dans les services publics, la santé, l’industrie
  • Lien entre recherche fondamentale et intérêt industriel
  • Cybersécurité et protection des données sensibles
  • Productivité, ROI et adoption dans les PME/ETI
  • IA responsable, inclusive et durable

Et votre message, en tant que nouvelle directrice ?

L’IA ne changera rien si elle reste entre experts. Mon rôle, c’est d’organiser le passage à l’acte : faire tomber les silos, acculturer les décideurs, rendre les outils compréhensibles et les projets déployables. L’IA est un outil. Elle doit être utilisée, évaluée, challengée. Et surtout, elle ne peut produire de valeur que si elle s’appuie sur une infrastructure solide : la donnée.
Car derrière chaque projet d’IA, il y a une chaîne de valeur data à maîtriser : collecte, qualité, stockage, gouvernance, monétisation, autonomie. C’est cela, l’économie de la donnée. Et tant qu’on ne traite pas ces enjeux comme des actifs stratégiques – au même titre que l’énergie ou les compétences – l’IA restera une promesse non tenue.
Big Data & AI Paris 2025, c’est une réponse collective à une question simple : comment rendre l’IA utile, autonome et partagée dans une économie fondée sur la donnée ? On y vient pour apprendre, se connecter, s’équiper. Et repartir avec un plan d’action.

Cliquez ici pour pour vous inscrire gratuitement au Big Data & AI Paris, du 1er au 2 octobre, Paris Expo Porte de Versailles.