L’IA dans les juridictions et métiers du droit : les 20 mesures proposées par les sénateurs

magistrat accompagné d'une IA - Image générée par Grok
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Les Sénateurs de la Commission des lois proposent 20 actions pour améliorer les effets de l’intelligence artificielle générative sur les métiers du droit. Une bonne partie de ces propositions peuvent être appliquées dans d’autres métiers.

La France est parmi les pays les plus dynamiques dans l’IA générative et l’accessibilité au droit. En effet, les principaux éditeurs ont lancé tout au long de 2024 leurs solutions sur la base de leur fonds documentaires. Ces outils transforment profondément l’accès au droit et les métiers et conditions d’exercice. Il est possible d’accéder à une information juridique En quelques secondes contre des jours voire des mois il y a encore deux ans.

De la même manière que la naissance des moteurs de recherche sur internet a facilité l’accès à l’information juridique, et parce qu’elle permet de répondre dans des termes relativement simples à une question posée en langage naturel, l’intelligence artificielle générative appliquée au droit constitue indubitablement une avancée majeure en termes d’accessibilité et d’intelligibilité du droit, deux principes à valeur constitutionnelle” expliquent les rapporteurs. “L’intelligence artificielle générative offre en effet une aide pour trois grandes catégories de tâches : la recherche, l’analyse d’un corpus de données ou de documents (et non d’une situation) et la rédaction de contenus simples” soulignent les rapporteurs.

Bien que ces outils permettent de nombreux gains de temps et de productivité, plusieurs mesures peuvent être prises pour à la fois développer l’IA mais aussi sécuriser sa bonne utilisation et protéger l’ensemble des acteurs.

Les actions à mettre en place

Les rapporteurs proposent 20 mesures. Elles sont structurées autour de la modernisation de la justice et des juridictions, la protection des acteurs de la justice, la souveraineté, l’accompagnement des entreprises, l’encadrement des risques, l’accessibilité à l’IA, la formation, l’encadrement éthique et juridique et la mise en place de label.

– Mettre à niveau les juridictions judiciaires et administratives en matière d’équipement informatique, d’automatisation des tâches et d’outils internes de recherche jurisprudentielle.

– Nommer un ou plusieurs référents en matière d’intelligence artificielle au sein de chaque juridiction.

– Anonymiser les magistrats et les greffiers dans les décisions de justice publiées en données ouvertes.

– Inciter les administrations souhaitant se doter d’outils d’intelligence artificielle juridique à privilégier ceux développés en France ou au sein de l’Union européenne, dans le respect du code de la commande publique et de la réglementation européenne.

– Poursuivre, améliorer et canaliser l’accompagnement que l’État apporte aux entreprises innovantes et aux éditeurs juridiques.

– Informer systématiquement l’utilisateur sur les risques d’erreurs de tout résultat fourni par une intelligence artificielle générative et sur la nécessité de vérifier ledit résultat, et l’orienter, lorsque cela est pertinent, vers un professionnel du droit.

– Affiner le moteur de recherche de Légifrance pour permettre à l’usager du service public de l’information légale de formuler ses questions en langage naturel.

– Définir légalement et clairement la notion de consultation juridique en actualisant la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Cette clarification permettrait au legaltech de se positionner sans ambiguïté ni risque de contentieux, et ainsi assurer leur développement sur des bases juridiques précises.

– Favoriser la montée en compétence des assistants juridiques au sein des cabinets, notamment en leur confiant des tâches de vérification des résultats de l’intelligence artificielle générative.

– Favoriser l’accès des plus petites structures aux outils d’intelligence artificielle générative en mutualisant, au sein de chaque ordre, le coût de ces abonnements.

– Établir des règles claires et transparentes d’usage de l’intelligence générative artificielle au sein de chaque profession, notamment par la rédaction d’une charte éthique ou d’un guide d’utilisation, transposées ensuite dans chaque cabinet ou juridiction.

– Nommer un référent – ou une commission – au sein de chaque ordre professionnel, chargé de suivre les effets de l’intelligence artificielle générative sur la profession, identifier les dérives possibles, lancer des procédures de sanctions disciplinaires en cas de mésusage et mettre à jour le guide de bonnes pratiques.

– Sans imposer d’obligation légale, conseiller dans les guides d’usage propre à chaque profession que, dans un souci de transparence, l’utilisation des outils d’intelligence artificielle générative ne doit pas être dissimulée au client.

– Préciser, dans chaque convention de stage des étudiants en droit et en particulier des élèves-avocats, les conditions d’utilisation des outils d’intelligence artificielle générative pendant le stage.

– Inciter les écoles de droit à souscrire des abonnements à des outils d’intelligence artificielle générative spécialisés dans le droit et en fournir l’accès aux étudiants, afin que ces derniers travaillent sur des résultats sourcés plutôt qu’avec des outils généralistes.

– Poursuivre – et accélérer – l’adaptation de la formation continue aux enjeux et à l’utilisation de l’intelligence artificielle générative.

– Encourager de nouvelles modalités de formation, qui favorisent notamment la formation des professionnels les plus expérimentés par de jeunes collaborateurs compétents en matière d’intelligence artificielle (« reverse mentoring »).

– Veiller à la formation de l’ensemble du personnel – et non seulement des professions juridiques – aux enjeux de l’intelligence artificielle générative.

– Développer une certification ou un label public à la destination des éditeurs juridiques et des jeunes entreprises innovantes du secteur qui s’engagent à respecter certaines bonnes pratiques, relatives tant au traitement des données qu’au fonctionnement du logiciel d’intelligence artificiel générative.

– Sécuriser la réutilisation des informations publiques contenues dans les décisions de justice rendues avant l’ouverture des données juridiques, ce au regard de l’interdiction de traitement des données sensibles établie par le RGPD.