Accueil Non classé Les retards de paiement des entreprises s’envolent en France et en Europe

Les retards de paiement des entreprises s’envolent en France et en Europe

Retards de paiement inter-entreprises : les professionnels tirent du numérique la sonnette d’alarme. Le marché du numérique n’est pas épargné par ce fléau.

Suite au confinement des équipes en France pour cause de Covid-19, les factures impayées inter-entreprises ont bondi de 56 % depuis mi-mars 2020 selon Sidetrade et BFM Business. Les retards de paiement pour les entreprises totaliseraient désormais 75 Md€. Les syndicats du numérique tirent la sonnette d’alarme car le secteur n’est pas épargné.

Sidetrade et BFM Business publient en avril 2020 leur premier tracker hebdomadaire sur les retards de paiement des entreprises en France et en Europe. Il analyse 26 millions de factures totalisant 54 milliards d’euros de transactions inter-entreprises de 3,7 millions d’entreprises dans six pays européens (France, Royaume-Uni, Espagne, Italie, Belgique, Pays-Bas).

Il constate que dès le 11 mars 2020, les retards de paiement s’envolent dans les pays les plus touchés par la crise de Covid-19. Le niveau de factures impayées est actuellement très supérieur à la moyenne habituelle. Les retards de paiement ont bondi en effet de 80 % en Italie, de 56 % en France, de 52 % en Espagne ou encore de 44 % en Belgique.

Les organisations professionnelles du numérique montent au créneau

Le marché du numérique n’est pas épargné par ce fléau. 80 % des 218 entreprises ayant répondu à une enquête de la fédération Eben, menée lors de la première quinzaine d’avril 2020, déclarent subir des retards de paiement de la part de leurs clients (42 % de la part des clients privés uniquement et 38 % de la part des clients privés et publics).

Devant la menace qui pèse sur un nombre croissant de leurs adhérents, les dirigeants d’organisations professionnelles françaises du numérique, tels le Cinov Numérique, le Syntec Numérique, Tech In France ou encore l’Eben, montent au créneau. « Le délai de règlement des factures pour certains grands comptes, automobiles ou aéronautiques par exemple, a presque doublé, avec des retards pouvant atteindre 50 jours et une grande difficulté à obtenir des engagements fermes sur des dates de règlement », s’alarme Loïc Mignotte, président de la fédération Eben et de sa société Activium Group. « Les retards de facturation et ou de paiement se sont aggravés pour des PME comme la mienne. Par exemple, pour un poste client à 5,5 M € au 31 mars 2020, 2,8 M € étaient des factures échues impayées ! ».

« Le délai de règlement des factures pour certains grands comptes, automobiles ou aéronautiques par exemple, a presque doublé, avec des retards pouvant atteindre 50 jours » Loïc Mignotte

Les conséquences pourraient être lourdes pour les entreprises du numérique

Alain Assouline, président du syndicat Cinov Numérique, s’inquiète également des conséquences du report, à une date indéterminée, des élections municipales en France. « Cette situation impacte sérieusement les entreprises, dont celles du numérique, qui travaillent régulièrement avec les collectivités locales. Ces dernières sont nombreuses à avoir geler ou reporter des projets en cours. Dans ce domaine, 2020 pourrait être quasiment une année blanche pour nos PME, lesquelles sont très implantées dans toutes les régions où opèrent les collectivités locales ».

Des constats partagés, hélas, par Loïc Rivière, délégué général de l’association Tech In France : « Certaines entreprises adhérentes ont été prévenues de délais de paiement dégradées, c’est préoccupant pour les plus fragiles d’entre elles comme les startups. » Tous ces dirigeants ont alerté les pouvoirs publics sur l’imminence d’une catastrophe économique si la situation se prolonge trop.

« Certaines entreprises adhérentes ont été prévenues de délais de paiement dégradées, c’est préoccupant pour les plus fragiles d’entre elles comme les startups » Loïc Rivière

Estimé à 700 Md€, le crédit inter-entreprises constitue un enjeu majeur pour l’économie française

Il faut dire que le crédit inter-entreprises constitue un enjeu majeur pour ces entreprises du numérique et pour toute l’économie française. A lui seul, il représente l’équivalent de trois à quatre fois le montant des crédits court terme accordés aux entreprises par l’ensemble des banques. Avec un poids total estimé à plus de 700 Md€ selon la Banque de France, il est même la première source de financement des entreprises !

Les retards de paiement sont à l’origine d’une faillite d’entreprise sur quatre

Or ce système de crédit inter-entreprises ne fonctionne pas toujours correctement, surtout en période de crise sanitaire. « Le problème s’est aggravé car il y a des entreprises, et pas uniquement des grandes, qui profitent de la situation pour arrêter de payer leurs sous-traitants. Il y a aussi celles qui estiment qu’elles peuvent se passer plus facilement de prestations intellectuelles actuellement, et donc, elles ne se sentent pas obliger d’honorer leurs commandes ou leurs paiements dans les délais négociés », dit Loïc Mignotte.

On connaît le résultat de telles politiques. Chaque année, la Banque de France estime que les retards de paiement sont à l’origine de 1 faillite d’entreprise sur 4, des PME principalement. Le confinement aggravant la situation, les Médiateurs des entreprises et du crédit ont alerté les ministères des Finances et de l’Economie. Bercy a alors déclaré en avril que toute entreprise qui ne respecterait pas les délais de paiement pour ses fournisseurs perdrait systématiquement la garantie de l’Etat sur l’obtention potentielle d’un crédit bancaire.

Les retards de paiement dépassent fréquemment la dizaine de jours en temps normal

Selon l’Observatoire des délais de paiement, les retards de paiement en France oscillent suivant les années autour d’une dizaine de jours, ce qui est relativement similaire à la moyenne européenne. Dans son étude, Sidetrade a donc considéré uniquement les retards de paiement supérieurs à cette moyenne au 11 mars 2020, date de la déclaration de pandémie covid-19 par l’OMS. Car avant cette date, ils affichent une relative stabilité autour de 20 % pour l’ensemble des six pays analysés. Les faibles variations sur cette période d’avant pandémie sont principalement dues aux cadences de facturation et aux processus de règlement des entreprises.

En libre accès pour les décideurs du privé et des pouvoirs publics, le tracker de Sidetrade et BFM vise à alerter les acteurs économiques quant à la nécessité de créer des « gestes barrières » économiques essentiels, tels que l’adoption d’un comportement de paiement responsable vis-à-vis de ses fournisseurs.

 

En France, le montant total des impayés serait, au 13 avril 2020,
de 210 Mds d’euros 

Du 1er janvier au 11 mars 2020, la moyenne des factures impayées avec plus de 10 jours de retard se situait sur une moyenne autour de 19,25 % en France. A compter du 11 mars 2020, la courbe des factures impayées en France affiche une dégradation exponentielle pour atteindre 30 % au 13 avril 2020, soit une croissance de 56 %.

En extrapolant ces chiffres constatés au 13 avril 2020 – portant sur plus de 11,3 Mds de crédit inter-entreprises dont 3,4 Mds d’euros de factures impayées – à l’ensemble du crédit inter-entreprises en France (700 Mds d’euros), le montant total de ces impayés serait, au 13 avril 2020, de 210 Mds d’euros (30 % de factures impayées) là où ces mêmes retards se situaient habituellement autour de 135 Mds d’euros, soit un impact de 75 Mds d’euros de trésorerie en moins pour les entreprises subissant ces retards de paiement.

 

Auteur : olivier Bellin