Accueil Etudes L’entre-soi des grandes écoles prédomine dans les levées de fonds des startups

L’entre-soi des grandes écoles prédomine dans les levées de fonds des startups

Le manque de diversité ne touche pas uniquement les équipes des startups, il est aussi flagrant dans leurs levées de fonds, puisque 63,32 % des startups ayant levé en Série A entre janvier 2022 et août 2023 comptent au sein de leur équipe fondatrice au moins un alumni d’une grande école française. Précisions avec Alexandre Laing, cofondateur et CEO de Tudigo, qui a mené l’enquête.

C’est l’un des enseignements de « Financement des startups, le grand déséquilibre », la première étude annuelle consacrée aux inégalités des entrepreneurs français face à l’accès aux levées de fonds, menée par la plateforme d’investissement participatif Tudigo. Parmi les fondateurs issus de ces parcours dits d’excellence, près des deux tiers ont, selon l’étude, fréquenté les mêmes établissements : HEC, Centrale, Polytechnique, ESCP ou encore l’ESSEC.

L’étude relève par ailleurs une forte corrélation entre le parcours académique et le montant levé. En effet, le montant total levé par les équipes dont au moins un des fondateurs est issu d’une grande école est presque 3 fois plus important que celui levé par les équipes ne comptant aucun alumni jugé prestigieux dans leurs rangs. Plus alarmant encore pour la diversité, sur les 229 levées de fonds en Série A réalisées entre le 1er janvier 2022 et le 31 août 2023 (sourcées par PitchBook) et scrutées par l’étude, on constate une forte inégalité de genre : plus des trois quarts des équipes fondatrices sont exclusivement masculines et 3,93 % seulement 100 % féminines. Par ailleurs, le montant moyen levé par les équipes composée à 100% de femmes est 3 fois moins élevé.

Donner le pouvoir de l’argent à des citoyens

Alexandre Laing, cofondateur et CEO de Tudigo, analyse ce manque de diversité pour Solutions Numériques : « C’est comme pour le climat, affirme-t-il. Au début, les événements, les chartes et autres initiatives permettent de créer des actions de communication et des mises en avant politiques du sujet. Ça joue son rôle et c’est important pour alerter et éveiller les consciences. Mais si on veut toucher et transformer le système en profondeur, il faut passer par le nerf de la guerre. Or tout notre système financier depuis les années 70 a été imaginé par des hommes en circuit fermé autour d’une seule et unique clé de lecture qui est le profit. Tant que le capital continue à servir les mêmes donneurs d’ordre, on répète les mêmes usages. On peut modifier le paradigme en changeant les donneurs d’ordre, soutient-il. Aujourd’hui, la chaîne part de la banque centrale vers les « asset managers » et les fonds qui gèrent beaucoup de liquidités. Cette chaîne historique est en place, fonctionne et s’auto-alimente. Il faut casser la chaîne et donner le pouvoir de l’argent à des citoyens qui se préoccupent de la société. Ils ont des critères de sélection et des optiques d’usage différents. Cette nouvelle clé de lecture leur permet d’investir avec leur tête bien sûr mais aussi avec leur cœur ».

Casser le plafond de verre de la finance

Le CEO de Tudigo estime que les actions pour favoriser la diversité dans les startups ne sont pas suffisamment nombreuses. « Trop peu d’initiatives sont lancées aujourd’hui, affirme-il. Et une fois qu’on les a identifiées, posons-nous la question : prennent-elles le sujet par le bon bout ? Quoi qu’il arrive, on parle de mentalités ancrées depuis des décennies, voire depuis toujours, donc quelques années d’initiatives ne peuvent pas encore suffire à régler le problème ». Il le souligne : « La raison d’être de Tudigo est de casser le plafond de verre de la finance en mettant le pouvoir de l’argent au service de l’égalité des chances et des défis de notre société. En rendant accessible le financement et l’investissement à tous, quelles que soient les origines sociales et les parcours de chacun ».

Anthony Babkine, cofondateur de l’association Diversidays, a réagi à l’étude de Tudigo pour Solutions Numériques : « Cette étude démontre qu’il existe encore malheureusement une très grande homogénéité dans l’écosystème tech, qu’il est bien plus simple d’intégrer quand on est un homme blanc, jeune, parisien, issu d’une grande école. Cela rejoint une étude que nous avons réalisée il y a un an en partenariat avec PwC France et Maghreb qui était formelle : malgré une vision globalement positive des startups par huit Français sur dix, seuls 20 % ont déjà envisagé de postuler dans cet écosystème. Pire, 39 % des personnes qui y travaillent ou y ont travaillé ont déjà fait l’objet d’une discrimination. Mais une fois posés les constats, il y a des raisons d’y croire : c’est ce que nous faisons avec le mouvement TechYourPlace, co-fondé avec la fondation Mozaïk »

 

Patricia Dreidemy