Vibe coding et Low code partagent une promesse commune : permettre de créer sites web et applications sans écrire (ou presque) de code. Mickaël Peyrot, Directeur Conseil Technique chez Insign se questionne. Avec l’émergence fulgurante des IA génératives et du vibe coding, quel devenir pour les solutions low-code historiques ? Les plateformes historiques du low code ont-elles encore un avenir ?
Le vibe coding : la star de 2025
Avec le vibe coding, l’utilisateur demande (prompt). L’IA générative réalise et construit le produit (site web, application, etc.). À partir d’une première version, un dialogue itératif s’engage : l’utilisateur affine, précise, son besoin, pour arriver à se rapprocher du résultat attendu.
Derrière cette apparente simplicité se cache une révolution : l’IA générative concentre en un seul outil des compétences jusqu’ici dispersées. Elle joue tour à tour le rôle du chef de projet qui traduit un besoin flou en spécifications, du designer qui propose une interface, et du développeur qui code la solution.
La promesse des nouvelles licornes de la tech (Lovable, Bolt, V0, Cursor…) ? Démocratiser radicalement la création digitale : permettre à chacun de développer ses propres applications, voire de lancer son propre SaaS, sans compétence technique préalable.
Le low code, une renaissance interrompue
Juste avant l’irruption de l’IA générative grand public, le low code connaissait pourtant un second souffle. Une nouvelle génération de plateformes SaaS, plus intuitives et performantes, avait revitalisé le secteur dans la continuité de Shopify sur l’e-commerce : Webflow et Framer pour les sites web, Flutter Flow pour les applications mobiles, Retool pour les outils internes…
Le principe du low code ? Offrir une interface graphique où l’utilisateur construit son application en assemblant des composants et des “comportements” prédéfinis. La plateforme se charge ensuite de traduire cette construction visuelle en code fonctionnel. L’utilisateur agence pages, workflows et composants sans jamais toucher au développement sous-jacent.
Ces solutions avaient trouvé leur public : équipes métier souhaitant s’autonomiser, startups cherchant à valider rapidement un concept, entreprises voulant industrialiser la création d’outils internes.
Un changement de paradigme, pas une simple évolution
Si le vibe coding peut sembler n’être qu’une évolution du low code, il opère en réalité un changement de paradigme fondamental dans la méthode de création.
Les plateformes low code fonctionnent dans un cadre défini : l’application générée doit respecter les contraintes et les possibilités de la plateforme. L’utilisateur compose avec un ensemble de briques préexistantes, aussi riches soient-elles.
Le vibe coding, lui, s’affranchit largement de ces contraintes. Il génère du code sur mesure avec un niveau de liberté incomparablement supérieur. C’est précisément dans ce niveau d’abstraction supplémentaire que réside la rupture : plus besoin de concevoir manuellement les parcours utilisateurs ni de designer les écrans. L’IA s’en charge.
Cette liberté a néanmoins un prix : un contrôle moindre sur le produit final. Pour compenser, plusieurs stratégies émergent : fournir en entrée des références visuelles ou des maquettes précises, itérer intensivement sur les rendus pour ajuster les interfaces… ou basculer ponctuellement en mode code pour reprendre la main.
Cas d’usage : à chaque outil son terrain de jeu
Plutôt que dans le produit final attendu, c’est dans la démarche et le contexte d’utilisation, au sens organisation et compétences, que doivent se distinguer les deux types d’outils.
Le vibe coding s’impose naturellement lorsqu’il s’agit de développer une solution à partir d’une vision globale, d’une idée encore floue ou d’un concept en gestation. Cette approche brille particulièrement dans l’exploration créative et l’expérimentation sans contrainte technique, là où la rapidité d’exécution prime sur le contrôle fin du rendu. C’est également le terrain de jeu idéal pour les MVP (produits minimums viables) destinés à être testés rapidement auprès d’utilisateurs réels, ainsi que pour les projets portés par des profils dépourvus de compétences en design d’interface ou de familiarité avec les plateformes low code.
Les plateformes low code, quant à elles, apportent une maîtrise bien plus poussée sur le produit rendu, même si cette maîtrise s’exerce dans un cadre défini par les fonctionnalités de l’outil. Leur force réside surtout dans leur évolutivité : ces plateformes fournissent une interface structurée qui peut être exploitée, maintenue et enrichie par d’autres personnes au fil du temps. Elles s’adressent donc davantage aux projets destinés à durer, à évoluer et à être administrés par des équipes, là où la gouvernance et la pérennité l’emportent sur la vitesse de mise sur le marché.
Le défi de la monétisation : talon d’Achille du vibe coding ?
Si l’enthousiasme autour du vibe coding est indéniable, une question demeure : comment ces plateformes vont-elles monétiser et conserver les millions d’utilisateurs qui viennent ponctuellement créer un prototype ou tester une idée ?
Le modèle économique des plateformes low code repose sur des abonnements récurrents et des projets de long terme. Les entreprises s’engagent dans la durée, forment leurs équipes, construisent des applications critiques. La valeur se crée dans la récurrence et la dépendance.





