Volatilité de la demande, complexité croissante des chaînes d’approvisionnement et pression réglementaire bousculent les modèles traditionnels de la supply chain. Pour y répondre, l’intelligence artificielle s’impose comme un levier structurant. Clément Guillon, Directeur général France de Bamboo Rose, décrypte l’impact de ces mutations, le rôle de la Decision Intelligence et le bilan d’un an d’intégration de la technologie Verteego.
SNC : Les supply chains n’ont jamais été autant sous tension. Comment vos clients vivent-ils la situation actuelle ?
Clément Guillon : Nous avons un point de vue assez global, avec des clients en Europe, aux États-Unis, en Asie et en Australie, dans des secteurs très variés. Le point commun, c’est la complexification de la supply chain. Il y a de plus en plus de variables à prendre en compte, mais souvent avec les mêmes outils qu’avant.
On observe une très forte hétérogénéité. Certains acteurs fonctionnent encore majoritairement avec Excel, d’autres ont déjà largement automatisé leurs décisions, et beaucoup se situent entre les deux. La situation est la même pour tous, mais les réactions sont très différentes.
Quelles sont les perturbations les plus structurantes pour les marques aujourd’hui ?
La volatilité de la demande est clairement l’un des sujets majeurs. Le contexte économique crée une forte incertitude sur les comportements des consommateurs. Une annonce macroéconomique ou une décision politique peut rapidement modifier la demande.
Dans des secteurs comme la fashion ou la distribution, cela complique énormément les projections. Les entreprises ont du mal à savoir combien acheter, combien mettre en rayon et comment se projeter sur les mois à venir.
La réglementation environnementale complexifie-t-elle encore davantage la supply chain ?
Oui, très clairement. On observe un besoin massif de collecte de données, à une maille très fine. Données produits, données fournisseurs, spécifications techniques, traçabilité, calcul de l’empreinte carbone, reporting réglementaire… toutes ces données deviennent indispensables.
Les entreprises qui ne disposent pas de structures de données solides perdent rapidement en efficacité et se retrouvent avec beaucoup de traitements manuels pour se conformer aux réglementations.
En quoi l’IA change-t-elle concrètement la manière de piloter la supply chain ?
L’IA recouvre aujourd’hui plusieurs familles d’algorithmes, du prédictif au génératif, jusqu’aux agents capables de gérer des tâches complètes. Chez Bamboo Rose, nous déployons des agents pour automatiser certaines tâches et aider les décideurs à prendre de meilleures décisions, en nous appuyant sur le socle de données de nos logiciels.
Concrètement, cela concerne le choix des fournisseurs ou des transporteurs, la gestion des appels d’offres, ou encore l’allocation et l’implantation des stocks. L’IA permet de tester de nombreux scénarios en tenant compte de multiples contraintes et de proposer des recommandations personnalisées, propres à chaque entreprise.
Qu’entendez-vous par Decision Intelligence ?
La Decision Intelligence va au-delà de l’aide à la décision. La machine ne se contente pas de proposer des scénarios, elle peut aussi prendre certaines décisions à la place de l’humain, si l’entreprise lui en donne l’autorisation.
Par exemple, un algorithme peut générer automatiquement un plan d’allocation de stock et déclencher les mouvements logistiques associés, dans un cadre défini par l’entreprise.
Quel bilan tirez-vous un an après le rachat de Verteego ?
Cette première année a été une année d’accélération. La technologie Verteego a été intégrée dans les différentes briques Bamboo Rose et déployée à l’international, aux États-Unis, en Australie, en Asie et en Europe. La marque Verteego a été complètement absorbée.
On observe aussi une évolution très nette des attentes des clients, qui ne veulent plus de discours théoriques sur l’IA, mais des résultats concrets et mesurables.
Quels types de cas d’usage déployez-vous aujourd’hui ?
Nous avons plus d’une vingtaine de cas d’usage déployés. Le fil conducteur est toujours le même, faciliter la prise de décision, automatiser les tâches et réduire le temps passé par les équipes.
Cela va de l’automatisation du choix des fournisseurs au calcul prédictif des coûts de revient, en passant par la prévision de la demande, qui reste le sujet central car elle conditionne ensuite les décisions de stock, de promotion et d’assortiment.
Quels gains concrets observez-vous chez vos clients ?
Les gains sont mesurés client par client, mais trois grandes poches de productivité se dégagent. La première concerne le chiffre d’affaires et la marge, notamment grâce à une meilleure allocation des stocks et à la réduction des ruptures.
La deuxième touche à la productivité des équipes, avec une réduction importante du temps passé sur des tâches répétitives. La troisième est d’ordre environnemental, notamment dans l’agroalimentaire et les produits frais, avec une réduction des pertes et du gaspillage.
Quels seront les principaux défis des supply chains dans les années à venir ?
Le grand défi sera d’être prêt pour la nouvelle vague d’IA, celle des agents. Ces agents vont communiquer entre eux et automatiser un grand nombre de tâches.
L’enjeu est technologique. Il faut disposer d’une architecture IT capable de dialoguer avec ces réseaux d’agents. Tous les outils ne sont pas encore prêts, mais cela arrive très vite.
L’Europe est-elle en retard sur l’IA appliquée à la supply chain ?
L’Europe dispose de très bonnes technologies et de start-up solides, notamment sur des cas d’usage métiers concrets. Les grands fournisseurs de modèles et de capacités de calcul restent majoritairement américains, mais l’Europe se distingue par la richesse de ses solutions applicatives.








