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Gilles Babinet à Ready for IT 2025 : « construire l’entreprise de demain, aujourd’hui»

Ready for IT 2025 à Monaco

En ouverture du salon Ready for IT 2025 à Monaco, Gilles Babinet, entrepreneur, auteur et coprésident du Conseil national du numérique, a livré une prise de parole aussi dense que visionnaire.

Pendant près de trente minutes, il a balayé les enjeux de la transformation numérique, les promesses et les limites de l’intelligence artificielle, les dangers de la dépendance technologique et la nécessité pour les entreprises — et pour la France — de penser à long terme.

Suivie d’une session de questions-réponses nourrie, son intervention a marqué le début de cette nouvelle édition du salon dédié aux DSI et décideurs IT.

Un regard historique et technologique

D’emblée, Babinet ancre son propos dans une perspective historique et technologique. Il évoque la promesse des véhicules autonomes, dont les premières démonstrations spectaculaires datent de 2006 avec le concours de la DARPA aux États-Unis.

Près de vingt ans plus tard, malgré des investissements massifs, la voiture sans conducteur n’a toujours pas conquis les routes du quotidien. Pour lui, ce décalage entre promesse technologique et déploiement réel est emblématique d’un malentendu profond :

«ce ne sont pas les performances brutes des algorithmes ou des capteurs qui font la révolution, mais la capacité des organisations à repenser leurs architectures, leurs systèmes et leurs usages.»

La plateformisation comme socle

C’est là que s’impose, selon lui, le concept-clé de plateformisation. Les entreprises ne doivent plus se contenter d’implémenter des outils ou d’automatiser des processus. Elles doivent se transformer en plateformes capables d’orchestrer l’ensemble de leurs données, de leurs métiers et de leurs partenaires.

Cette logique impose de structurer les flux d’information, de construire des socles techniques résilients, et d’anticiper les usages futurs.

« Ce n’est pas une question d’acheter des logiciels, mais de repenser son métier avec une architecture étendue », insiste-t-il.

 

Trois étapes de la transformation

Cette transformation passe, selon Babinet, par trois étapes :

  • Automatiser ce qui peut l’être : tâches administratives, gestion des flux internes, interactions clients.
  • Élargir la vision de son métier pour l’intégrer dans un écosystème numérique plus vaste.
  • Se projeter sur dix ans pour imaginer ce que seront les usages, les attentes et les modèles économiques de demain.

« Si vous ne faites que du court terme, vous êtes déjà en retard », résume-t-il.

Un redémarrage possible pour la France

À ceux qui s’inquiètent du retard français, notamment parmi les PME, Gilles Babinet reconnaît des difficultés structurelles. La France, dit-il, n’est ni en avance ni en retard, mais en situation de redémarrage possible.

Les grandes entreprises sont bien positionnées, mais le tissu des TPE et PME peine encore à se saisir de la transformation numérique. Manque de compétences, complexité réglementaire, culture parfois défensive : autant de freins qu’il faut lever. Pourtant, le potentiel est là.

« Nous avons une homogénéité, des talents, une culture technique. C’est un fresh start que tout le monde peut saisir, si on agit collectivement. »

Dépendance technologique et souveraineté

Lors de la session de questions-réponses qui suit son intervention, les échanges confirment l’acuité de ces enjeux. Des membres du public interrogent l’orateur sur le retard technologique, le rôle des GAFAM, la régulation de l’IA ou encore les questions de souveraineté numérique.

Gilles Babinet alerte avec clarté : dépendre massivement d’acteurs américains pour des briques critiques de nos infrastructures numériques est dangereux.

Il rappelle l’importance de conserver la maîtrise de ses données, de savoir où elles sont hébergées, par qui elles sont traitées, et sous quelles conditions.

À ses yeux, la résilience numérique passe par la maîtrise des socles technologiques.

L’explicabilité des algorithmes

Autre sujet majeur : l’explicabilité des algorithmes. Si les décisions prises par des systèmes d’intelligence artificielle ne peuvent être comprises, auditées ou expliquées, alors elles ne peuvent pas être légitimes, surtout dans des contextes critiques.

La régulation jouera ici un rôle clé. Selon lui, les prochaines années seront marquées par une tension entre innovation rapide et besoin de régulation cohérente.

Il cite même certains économistes américains qui identifient la régulation comme le facteur principal pouvant freiner — ou accompagner intelligemment — la diffusion des technologies émergentes.

Ce que l’IA changera dans dix ans

Enfin, lorsque l’un des participants lui demande ce que l’IA changera dans dix ans, Gilles Babinet fait preuve d’une grande humilité.

« Je ne sais pas », répond-il.

Même les chercheurs les plus avancés sont surpris par la rapidité des évolutions. Ce qui est certain, selon lui, c’est que l’effet de surprise sera considérable. Les ruptures viendront autant des usages que des technologies elles-mêmes.

L’important, dit-il, n’est pas de prédire l’avenir, mais de s’y préparer avec lucidité.

Conclusion : repenser, restructurer, s’engager

En conclusion, Gilles Babinet livre un message clair : la transformation numérique n’est pas un gadget ou une opportunité parmi d’autres. C’est une reconfiguration profonde des modes de production, de gouvernance et de société.

Il ne suffit plus de moderniser à la marge. Il faut repenser, restructurer, et s’engager sur le temps long.

 

Mathieu Fitamant