À six mois de l’échéance de la directive européenne sur la transparence salariale, un sondage national révèle un niveau de préparation très insuffisant dans les entreprises françaises. Malgré une obligation qui concerne l’ensemble du salariat, TPE et PME accusent un retard massif, signe d’un décalage profond entre ambition réglementaire et réalité opérationnelle.
Le compte à rebours est lancé pour la directive européenne 2023/970. Adoptée en mai 2023, elle impose aux États-membres de transposer d’ici au 7 juin 2026 de nouvelles exigences de transparence : fourchettes dans les offres d’emploi, droit à l’information des salarié·es, reporting des écarts de rémunération femmes-hommes selon la taille de l’entreprise. Mais le sondage publié par le cabinet How Much (5 529 entreprises interrogées) dresse un constat sans appel : près de 94 % des organisations ne disposeront pas d’un dispositif complet à la date butoir. Un signal d’alerte pour les salariés, les partenaires sociaux et le régulateur.
Un agenda trop ambitieux pour beaucoup
Seules 6,2 % des entreprises ont déjà formalisé un projet conforme. Les grandes entreprises et certaines ETI se démarquent, mais les TPE et PME sont très en retard. La grande majorité n’a ni lancé de chantier, ni réalisé de diagnostic, ni commencé la formalisation des grilles. Pour une large partie du tissu économique, l’échéance de juin 2026 apparaît hors de portée.
Ce retard s’explique autant par le manque de ressources internes que par l’absence de fonction RH structurée ou de visibilité sur ce qu’implique réellement la conformité. Dans de nombreuses petites structures, la transparence salariale remet en question des pratiques informelles ancrées depuis longtemps, ce qui nécessite un changement culturel profond.
Entre urgence juridique et inertie structurelle
Le calendrier légal, lui, ne changera pas. La transposition nationale est incontournable, et les obligations dont l’affichage des fourchettes, l’interdiction de demander l’historique salarial, le droit individuel à l’information, s’appliqueront à toutes les organisations concernées.
Mais le fossé entre exigences réglementaires et réalité opérationnelle reste important. Si le sondage est représentatif, c’est tout un pan du tissu entrepreneurial (TPE, PME, associations) qui risque d’aborder la réforme en retard. Une mise en conformité à deux vitesses se dessine : d’un côté des groupes déjà outillés, de l’autre des structures plus fragiles, exposées à une non-conformité durable.
Fragilité des salariés au cœur de l’enjeu
Pour les salariés, ce retard n’est pas anodin. La directive vise à garantir des droits concrets : connaître la rémunération possible d’un poste, comprendre les critères d’augmentation, comparer avec des postes équivalents et lutter contre les inégalités, notamment entre femmes et hommes. Si les entreprises n’avancent pas, ces droits risquent d’être appliqués de manière très inégale, au bénéfice des grandes structures déjà structurées. Le fossé pourrait se creuser entre salariés selon la taille de leur employeur.
Ce qu’il reste à faire et ce qu’il faudra surveiller
Les entreprises disposent de moins de six mois pour se mettre en conformité. Pour les TPE et PME, cela suppose de lancer rapidement un audit des rémunérations, de formaliser des grilles, de revoir les processus de recrutement et de renforcer la communication interne. Certaines devront mobiliser des moyens supplémentaires, RH comme technologiques.
Pourtant, ce défi est aussi une opportunité. La transposition peut devenir un levier de modernisation avec moins d’opacité, plus d’équité et des politiques salariales mieux structurées. Pour les entreprises comme pour les salariés, c’est une occasion de clarifier les pratiques et de renforcer la confiance interne.







