La Commission Européenne a dévoilé le projet « Digital Omnibus », une réforme d’ampleur visant à simplifier l’ensemble du cadre numérique européen, depuis le RGPD jusqu’à l’AI Act, en passant par la directive ePrivacy et la réglementation sur les cyber-incidents. Sur le papier, il pourrait corriger plusieurs irritants majeurs. Dans la pratique, tout dépendra de l’exécution
Ce qui change : une simplification d’ensemble du droit numérique européen
La première évolution majeure concerne la création d’un guichet unique pour la notification des incidents de cybersécurité. Aujourd’hui, une violation doit être déclarée sous plusieurs régimes, GDPR, NIS2, DORA, selon des procédures distinctes. La Commission propose un « single entry point » européen pour réduire ces redondances, harmoniser les exigences et offrir un processus unifié aux entreprises. Cette centralisation est présentée comme un moyen de « streamliner » le reporting et de « réduire significativement la charge réglementaire » selon la communication officielle.
La réforme prévoit également d’ajuster le calendrier d’entrée en vigueur de l’AI Act. Les obligations pesant sur les systèmes d’IA dits « à haut risque » ne seraient appliquées qu’une fois les standards techniques et les outils de conformité réellement disponibles. Pour la presse internationale, ce mécanisme équivaut à un report notable du calendrier initial. Reuters résume la proposition en expliquant que l’UE souhaite « assouplir les règles les plus strictes sur l’IA » et « laisser davantage de temps aux entreprises pour s’y conformer ». L’agence indique que les exigences pourraient être repoussées « jusqu’en décembre 2027 au lieu d’août 2026 », notamment pour répondre aux pressions exercées par les grandes entreprises technologiques.
Parallèlement, le Digital Omnibus introduit des modifications ciblées du RGPD. La Commission évoque des clarifications sur la définition de la donnée personnelle, une modernisation des règles cookies et une réduction de la charge documentaire. L’objectif global est une réduction d’au moins 25 % de la charge administrative pour les entreprises, et jusqu’à 35 % pour les PME, d’ici 2029.
Ce que ça implique : entre gains opérationnels et inquiétudes croissantes
Cette simplification suscite de fortes critiques. Plusieurs organisations européennes de défense des droits numériques dénoncent un affaiblissement progressif du cadre protecteur. Dans un article publié le jour de l’annonce, Reuters cite un collectif de 127 organisations qui qualifie le projet de « plus grand recul des droits numériques fondamentaux de l’histoire de l’Union européenne ». Cette idée d’un « recul par petites touches » est reprise par de nombreux experts en protection des données, inquiets d’un effritement de l’architecture juridique bâtie depuis le RGPD.
Les think tanks européens s’alarment eux aussi de l’impact du Digital Omnibus sur la robustesse du modèle européen. Plusieurs analyses relayées par la presse estiment que la réforme « pourrait accroître les risques davantage qu’elle ne favoriserait la croissance », selon une formule rapportée dans une analyse de Reuters consacrée aux implications du texte. L’enjeu ne se limite pas à la conformité : il touche à l’équilibre entre innovation et protection qui caractérisait jusqu’ici l’approche européenne.
Un autre point de vigilance concerne l’impact pour les hyperscalers. L’assouplissement des règles liées à l’IA et aux données pourrait profiter en premier lieu aux acteurs capables d’absorber rapidement ces évolutions, grâce à des modèles puissants, des équipes juridiques conséquentes et une forte capacité d’adaptation. Reuters souligne que plusieurs dispositions du Digital Omnibus « retarderaient l’application des règles les plus strictes sur l’IA et réduiraient les lourdeurs administratives », ce qui pourrait mécaniquement renforcer la position des grandes entreprises technologiques. Les fournisseurs européens du cloud devront sans doute accentuer leurs efforts de différenciation, notamment en matière de souveraineté, de proximité et d’expertise sectorielle.
Si le Digital Omnibus facilite le déploiement de projets IA et clarifie certains volets de la conformité, il impose en parallèle une vigilance renforcée. Un cadre plus souple ne signifie pas une exposition moindre, et les enjeux de sécurité comme de protection des données resteront déterminants pour les organisations.





