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Immigration professionnelle : des quotas instaurés cet été sur des métiers en tension, comme l’IT et la cybersécurité

Muriel Pénicaux, ministre du Travail, l’a indiqué mardi sur BFMTV : la France va instaurer des quotas pour l’immigration professionnelle, selon une liste de métiers en tension qui sera publiée cet été.

« La priorité, c’est de permettre aux Français de retrouver un travail. Ensuite, accueillir les réfugiés et leur permettre d’avoir un travail« , a-t-elle expliqué. « S’il reste des besoins, pour l’intérêt du pays, pour l’intérêt des entreprises, eh bien on fait venir, en fonction des métiers et de leur qualification, (les gens) dont on a besoin« , a-t-elle dit.

Quels métiers seront concernés par ces quotas ? La liste sera dévoilée l’été prochain. Pôle Emploi, partenaires sociaux et régions travailleront à l’élaborer avec le gouvernement. La liste actuelle date de 2011, et n’a pas été actualisée depuis. En matière d’IT, on y trouve seulement les métiers d’ingénieurs production et exploitation des systèmes d’exploitation, à côté de ceux de contrôle comptable, du bois et du dessin BTP par exemple…

La pénurie des talents en cours

On peut penser que cela changera. L’OCDE estime que seuls 15 % de ces métiers sont encore en tension. Les experts en cybersécurité par exemple pourraient être concernés, alors que l’on sait que les entreprises peinent à recruter et retenir les profils qualifiés, et que les formations actuelles n’arrivent pas à alimenter le tuyau de compétences dédiées. C’était même le thème d’un petit-déjeuner organisé par l’Observatoire du FIC (Forum International de la Cybersécurité) fin octobre et intitulé : « Faut-il craindre une pénurie de compétences en cybersécurité ? » Sur le continent européen, la pénurie de compétences en cybersécurité devrait se chiffrer à 350 000 travailleurs à l’horizon 2022.

De façon plus large, dans la filière numérique, diverses études montrent bien la pénurie en cours des talents. Le Baromètre de l’expertise du numérique, mené par le Groupe Inops, donne ces chiffres : 66 % des entreprises se déclarent fortement victimes de la pénurie de talents dans les métiers du numérique. Et cette difficulté à recruter est le principal frein à la croissance des entreprises, selon 57 % d’entre elles.
191 000 postes sont à pourvoir en informatique à l’horizon 2022 d’après la Direction de l’Animation, de la Recherche, des Etudes et des Statistiques (DARES) du ministère du Travail.

La digitalisation accrue des entreprises continue d’avoir un impact sur les recrutements, note le cabinet Robert Walters dans sa dernière enquête de rémunération 2019 : les entreprises anticipent la transformation progressive des métiers, créant une demande sur des candidats techniques et capables d’accompagner les directions dans leur évolution. « L’accroissement de la responsabilité des entreprises, des enjeux de sécurité et réglementaires (comme le RGPD) ont un impact fort sur les besoins en SI ou sur des profils juridiques. Mais les conséquences se font sentir bien au-delà de ce cadre et demandent à toutes les fonctions support de s’impliquer dans la mise en œuvre de ces grands projets. », indique le cabinet. Les fonctions cadres dans l’IT et le digital ont été parmi les plus recherchées en 2018 (+12 %), tout comme celles spécialisées notamment dans la réglementation ou le SIRH. Parmi les non cadres, l’IT et le digital a vu une progression de 17 %. 

Des difficultés de recrutement

C’est un paradoxe : malgré son omniprésence dans notre société actuelle, le numérique peine à recruter. Une note de conjoncture du 4ème trimestre 2019 de l’Apec, publié en octobre dernier, classe l’informatique dans le Top 3 des recrutement difficiles, comme c’est le cas depuis de longs mois. 

L’Apec toujours et le CESI, Réseau de campus d’enseignement supérieur et de formation professionnelle, ont dressé la liste à la mi-octobre de 12 métiers en émergence dans les entreprises de l’industrie et de la construction, et qu’il ne sera pas facile de pourvoir. Les ingénieurs en informatique avec des compétences spécialisées (IA, réalité virtuelle, data ou encore IoT) en font partie, comme on peut le voir sur le graphique du 3e volet de la revue de tendances de l’Association pour l’emploi des cadres. Des postes très recherchés et bien payés. Entre 2016 et 2018, les offres d’emploi pour des postes de BIM manager (BIM pour Building Information Modeling) ont quasiment doublé. 80 % des offres proposaient en 2018 un salaire compris entre 35K€ et 55K€, selon l’Apec. Du côté des développeur·euse IoT, l’Apec constate une hausse de 28 % des offres d’emploi entre 2016 et 2018.

 

Selon les résultats du baromètre des métiers du digital mené par l’Electronic Business Group, deux groupes de professions sont amenés à prendre une ampleur croissante dans les entreprises. Les métiers de la data arrivent en tête (84 %) suivis des métiers liés à l’expérience client, qui leur sont intrinsèquement liés. Et ce sont ceux identifiés comme les plus victimes d’une pénurie de profils (64%).« Les profils les plus recherchés dans la data sont ceux de data scientist, data analyst, web analyst, business analyst et enfin, celui de chief data officer qui va chapeauter les autres », affirme Charlotte Vitoux, directrice d’Aquent France, partenaire du baromètre.
Une étude réalisée par Microsoft avec KRS Research sur la façon dont l’intelligence artificielle transforme le leadership dans les entreprises françaises donne, elle, ce chiffre : 41 % des décideurs interrogés estiment que trouver les bons talents ou faire monter en compétences les talents existants est l’un des défis posés par l’IA.

« D’ici à 2021, le besoin en nouveaux ingénieurs, tous secteurs confondus, s’élèvera à près de 60 000 d’après Syntec-Ingénierie, et il est probable que les écoles et universités ne parviennent à en fournir que la moitié. Sachant par ailleurs que les cursus n’auront pas eu le temps d’intégrer les dernières innovations en Big Data, IA, etc., ce qui ne facilitera pas l’employabilité immédiate des jeunes diplômés« , explique Eve Royer, DRH de l’ESN d’Umanis.
Recourir à des experts étrangers peut alors apparaître comme une solution. Encore faut-il les attirer alors que certains ingénieurs formés dans l’Hexagone préfèrent eux partir à l’étranger…