Accueil Intelligence artificielle Dans cinq ans, la vidéoprotection sera plus intelligente mais toujours humaine

Dans cinq ans, la vidéoprotection sera plus intelligente mais toujours humaine

videosurveillance IA credit Synology

La caméra du futur n’exclura jamais le regard humain. L’IA filtrera, mais ne décidera pas. Pour Ivan Lebowski de chez Synology, l’avenir réside dans une IA d’assistance, pas de surveillance.

De l’analogique au numérique : un virage encore trop lent

L’affaire du Louvre a remis sur le devant de la scène la vétusté des systèmes de surveillance. « Beaucoup de caméras du musée étaient encore en analogique », rappelle Ivan Lebowski. « Ces systèmes ont contribué à la lenteur de la réponse initiale lors du vol, tout simplement parce qu’ils sont dépassés. »
Le constat est largement partagé : de nombreuses entreprises, publiques comme privées, utilisent encore des installations vieilles de quinze ou vingt ans. « On rencontre encore beaucoup de clients équipés de systèmes analogiques. C’est un très mauvais pari en termes de sécurité », insiste-t-il.

Si des solutions hybrides permettent de prolonger la durée de vie des équipements, en convertissant temporairement le signal analogique en numérique, la transition vers d’autres infrastructures est inévitable. « C’est un pansement, pas une solution de fond. À un moment, il faut sauter le pas », résume-t-il. Reste un frein bien connu : le coût. Entre renouvellement du matériel, formation des opérateurs et mise à niveau des serveurs, l’investissement peut être conséquent. Mais l’enjeu dépasse la simple performance technique : il touche directement à la capacité d’intervention en cas d’incident.

L’IA, outil d’assistance plus que de surveillance

« L’intérêt de l’IA, c’est d’être capable de reconnaître un événement inhabituel et d’alerter », explique Ivan Lebowski. Mais cette évolution technologique se heurte à un cadre réglementaire très strict. « En France, la CNIL a rappelé qu’il est interdit de faire de l’analyse comportementale dans l’espace public », souligne-t-il. « Certaines expérimentations ont été autorisées pendant les Jeux olympiques, dans un cadre limité, mais c’est encore encadré de manière stricte. »

L’usage de l’IA reste donc cantonné à des environnements privés : parkings, bâtiments d’entreprises, zones logistiques, ou encore commerce de détail. « Dans le retail, les enseignes utilisent la détection de personnes pour mesurer les entrées et sorties, évaluer l’impact d’une campagne promotionnelle ou ajuster leurs flux. »
Là encore, la technologie ne remplace pas l’humain. « L’IA facilite la détection, mais elle ne remplacera jamais un agent », rappelle-t-il. « On peut multiplier les alertes, mais s’il n’y a personne derrière pour surveiller, analyser et réagir, cela ne sert à rien. »

Souveraineté et sécurité : le retour du local

Au-delà des questions techniques, la modernisation de la vidéoprotection soulève un enjeu plus large : celui de la souveraineté des données. Caméras connectées, serveurs d’analyse, plateformes cloud : chaque maillon de la chaîne est un risque potentiel.

« En Europe, la souveraineté des données est un sujet majeur. Nous travaillons encore beaucoup avec des acteurs américains ou asiatiques, et il y a peu d’alternatives locales », constate Ivan Lebowski. L’un des points sensibles reste le recours au cloud. S’il facilite le déploiement et réduit l’investissement initial, il crée une dépendance difficile à maîtriser. « Passer par le cloud, c’est devenir tributaire d’un abonnement. Si votre fournisseur double les tarifs du jour au lendemain, il est très difficile de migrer rapidement », prévient-il.

Synology défend au contraire une approche locale : le traitement et le stockage des vidéos s’effectuent directement sur site, sans sortie de données. « Toute l’analyse est faite localement, sur nos serveurs ou nos caméras. Rien ne sort. »
Ce modèle garantit une meilleure maîtrise de la sécurité, tout en protégeant les organisations des aléas commerciaux et géopolitiques. « On a vu des exemples concrets de caméras grand public dont les flux étaient accessibles depuis Internet, comme ce fut le cas de la marque Eufy », rappelle Ivan Lebowski. « Ce scandale a provoqué une vraie prise de conscience, y compris chez les particuliers, sur la nécessité de garder la main sur ses données ».

 

À quoi ressemblera la vidéoprotection dans cinq ans ? « Le cadre légal va forcément évoluer », estime-t-il. « Les grands événements ou les rassemblements à risque rendront nécessaire une surveillance plus intelligente, mais toujours encadrée. »
Les algorithmes devraient se concentrer sur des applications moins intrusives : identification de véhicules stationnés trop longtemps, détection d’objets abandonnés, optimisation de la réponse en cas d’incident.

Mais une chose est sûre : la technologie ne suffira pas. « L’IA peut réduire le temps d’analyse, alerter plus vite, contextualiser une scène. Mais elle ne remplace pas le jugement humain », conclut Ivan Lebowski. « Dans la sécurité, la machine aide à voir ; seule l’humain sait réagir ».